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Admin-lane

Acheter un domestique à Singapour !

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La "Suisse de l'Asie" est de plus en plus fréquemment dénoncée par diverses ONG pour sa façon de traiter les travailleurs immigrés.

La polémique enfle au sein de la petite République de Singapour depuis le reportage diffusé par Al Jazeera. Dans celui-ci, la chaîne qatarienne dénonce la façon dont s'y organise le marché d'aide à domicile. En effet, dans de nombreux magasins, on peut trouver des femmes de ménage faisant étalage de leurs compétences en vitrine : manipulant un fauteuil roulant, changeant des couches sur des poupées, ou faisant et défaisant inlassablement le même lit

 A Singapour, des employées domestiques changent des couches sur des poupées pour montrer leur efficacité. ©️ Nicolas Axelrod/Ruom / Al Jazeera

Un centre commercial, le Bukit Timah, s'en est même fait une spécialité, avec des étages aux noms évocateurs tels que "Gouvernante" (Homekeeper) ou "Domestique à petits prix" (Budget maid), les magasins affichant des promotions alléchantes, "- 20 % sur les Indonésiens" par exemple. Parfois, le personnel attend simplement dans un silence léthargique la venue du client, comme n'importe quel produit de consommation courante. Il s'agit presque exclusivement de femmes immigrées venues des pays voisins : Le Myanmar, les Philippines, l'Indonésie, ou encore la Birmanie. Une partie d'entre elles sont d'ailleurs sans papiers. Bien que la situation soit loin d'être nouvelle, ce mode d'organisation et les abus qui en découlent sont loin de se corriger.

En réalité, ces femmes sont souvent recrutées avant même leur arrivée à Singapour, par le biais d'un entretien téléphonique, ou encore par webcam. Les magasins de domestiques ne font alors office que de points de retrait où les clients viennent récupérer leur femme de ménage, fraîchement arrivée. Selon Jolovan Wham, directeur exécutif de l'Humanitarian Organisation of Migration Economics (HOME), un groupe venant en aide aux travailleurs immigrés, la plupart ne restent guère plus d'une semaine en magasin, le temps d'une visite médicale obligatoire.

Parfois, il arrive que certaines femmes de ménage reviennent à l'agence pour une durée d'un mois. Ces "domestiques en transfert", dans le langage des agences d'emploi, ont soit été libérées par leur employeur d'origine, soit demandé à partir après avoir rencontré des problèmes au travail. D'après Jolovan Wham, il y aurait plus de 215 000 domestiques ou femmes de ménages à Singapour, soit presque un pour 25 habitants.

Les clichés racistes sont aussi de mise. Outre les établissements spécialisés, dans les Birmanes par exemple, les lieux communs selon lesquels les Philippines sont "intelligentes", les Indonésiennes "moins brillantes" et les Birmanes "de nature facile et complaisante" sont fortement répandus. D'où la distinction fréquente des travailleurs, non en fonction de leurs compétences, mais de leurs origines. 

Leur éventuel statut de sans-papiers les place en outre en position de précarité devant la loi par rapport à leurs clients, et les empêche de se plaindre des abus parfois subis. "Par exemple, poursuit Jolovan Wham, elles n'ont pas le droit d'avoir des jours fériés, des congés annuels, des congés maladie ou maternité. Il n'y a pas non plus de limite juridique concernant les heures de travail, ce qui laisse le champ libre à l'exploitation, au trafic et au travail forcé."

Mais les travailleurs légaux aussi sont vulnérables. C'est d'autant plus vrai que la loi oblige les domestiques à plein temps à résider chez leurs employeurs, installant ainsi une dépendance de fait. Cette année, raconte Al Jazeera, une Cambodgienne a été agressée sexuellement par le père de son employeur, avec lequel elle devait partager une chambre. Malgré ses demandes insistantes, rien n'avait été fait ni par son employeur ni par l'agence pour changer cette situation avant cette agression. Ces agences de domestiques elles aussi sont visées. 

L'Indonesian Family Network (IFN) recense un certain nombre de plaintes d'employés sous-nourris par leur agence de travail. "Nous recevons sans cesse des appels au sujet d'agences ne fournissant pas assez de nourriture. Dans un cas, une agence dépensait à peine 20 $ pour nourrir 40 personnes", déclare la présidente de l'IFN Ummai Ummairoh.

Le PIB par habitant de Singapour, 4e au monde selon la Banque mondiale, ne doit pas faire oublier les conditions dans lesquelles vivent, ou survivent, certains de ses habitants, notamment ceux issus de l'immigration asiatique récente.

Singapour est par ailleurs loin d'avoir le monopole de tels abus. D'après France 24, de semblables commerces ont été observés à Hong Kong, en Arabie saoudite ou encore au Qatar, le pays de la chaine Al Jazeera ! Un état de fait étrangement passé sous silence par la chaîne qatarienne. De même que cette dernière se garde bien d'évoquer les soupçons d'esclavagisme liés à la préparation du Mondial de football en 2022 lorsqu'il s'agit de dénoncer les conditions de travail "abusives" des ouvriers pour la Coupe du monde au Brésil.

Le Point 11/7/2014

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