Admin-lane 0 Posté(e) le 6 avril 2015 Ayant analysé les sédiments du lac Igaliku, au sud-ouest du Groenland, des chercheurs ont pu mettre en évidence l’existence de deux périodes d’élevage intensif d’herbivores dans cette région : la civilisation Viking au Moyen-Âge et à partir des années 1920, lorsque les danois ont mis en place un élevage majoritairement constitué d’ovins.Anticiper les conséquences des activités humaines actuelles sur la qualité des sols nécessite parfois de se tourner vers les périodes du passé au cours desquelles des phénomènes semblables se sont déjà produits. Les archives naturelles, par exemple les sédiments accumulés au cours du temps au fond des lacs, permettent d’obtenir des informations sur ces périodes anciennes, à condition d’en décrypter le contenu (pollens, spores, minéraux, molécules, etc.). Vestige de la cathédrale viking du village d’Igaliku. Chrono-environnement, Typhaine GuillemotLe sud du Groenland a une histoire singulière qui en fait une zone d’étude idéale pour estimer les conséquences des activités agropastorales anciennes. Cette région est en effet restée vierge de toutes ces pratiques jusqu’à l’an mil, puis elle a été le théâtre de deux périodes majeures d’anthropisation : la période Viking (de 986 jusqu’au milieu du XVème siècle) puis la période contemporaine (à partir des années 1920).Désireux d’étudier l’évolution au cours du temps des activités agropastorales autour du lac Igaliku situé au sud du Groenland, des chercheurs du laboratoire Chrono-environnement (Université de Franche-Comté, CNRS) et de l’Institut des sciences de la Terre d’Orléans (Isto, Université d’Orléans, CNRS, BRGM) ont analysé les teneurs en acides biliaires le long d’une carotte sédimentaire couvrant les deux derniers millénaires. Les acides biliaires sont des molécules produites dans les intestins de l’homme, mais également d’animaux. Parmi eux, l’acide déoxycholique, produit majoritairement dans les intestins d’herbivores, se trouve en grande quantité dans leurs déjections. De même, les spores de champignons coprophiles colonisent majoritairement les déjections des herbivores. Pour la première fois au monde, les scientifiques ont comparé ces deux marqueurs. Vue du lac d’Igaliku et de ses aménagements agricoles actuels. Chrono-environnement, Vincent BichetDans les sédiments d’Igaliku, seul l’acide déoxycholique a été détecté par les chercheurs. Par ailleurs, la comparaison des évolutions au cours du temps des concentrations en acide déoxycholique et en spores de champignons coprophiles a montré une bonne corrélation. Il semblerait donc que les animaux susceptibles d’avoir été présents autour du lac Igaliku soient essentiellement des herbivores.Avant l’arrivée des Vikings, les concentrations en acide déoxycholique et en spores de champignons coprophiles dans les sédiments sont stables et relativement faibles, témoignant de la présence d’herbivores sauvages. Ces concentrations augmentent ensuite fortement, traduisant l’introduction puis l’élevage de bétail par les Vikings. Elles diminuent ensuite progressivement de façon synchrone à l’entrée dans la période froide du Petit Âge glaciaire et à l’abandon du Groenland par les Vikings. Les concentrations finissent par se stabiliser à des valeurs deux fois plus basses que celles observées avant la colonisation Viking, ce qui pourrait traduire une réduction de la population d’herbivores sauvages dont l’origine peut être multiple : la péjoration climatique du Petit Âge glaciaire, la chasse ou encore une altération locale de l’écosystème. Ce n’est que cinq siècles plus tard que les concentrations en acide déoxycholique et en spores de champignons coprophiles augmentent à nouveau, ce qui correspond à la mise en place d’un élevage d’ovins autour du lac d’Igaliku, toujours présent actuellement.Ce travail publié dans la revue en ligne Organic Geochemistry a été réalisé dans le cadre du projet Green Greenland soutenu par l’Agence nationale de la recherche (Changements environnementaux, planétaires et sociétés) et au sein duquel des paléoclimatologues, des sédimentologues, des paléoécologues, des archéologues et des géochimistes organiciens étudient la réponse globale des écosystèmes sud-groenlandais aux activités agropastorales passées et actuelles.Futura Sciences 6/4/2014 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites