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Du bitume à base de microalgues pour « verdir » les routes

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Demain, nous roulerons peut-être sur des routes plus écologiques, recouvertes de bitume végétal. Un enrobé issu non pas du pétrole, comme c'est le cas aujourd'hui, mais de microalgues. C'est du moins la piste explorée par des chercheurs nantais et orléanais, appartenant notamment au CNRS et à l'université de Nantes, en association avec l'entreprise AlgoSource de Saint-Nazaire.

Utilisées de longue date dans les cosmétiques ou les compléments alimentaires, les microalgues sont aussi cultivées, depuis peu, comme source de biocarburants. Ces plantes microscopiques, qui prolifèrent dans les océans, les lacs et les rivières, et qui n'ont besoin que d'eau, de soleil et de gaz carbonique pour se multiplier par photosynthèse, ont en effet la particularité de pouvoir accumuler de grandes quantités de lipides ou de sucres, à partir desquels peuvent être produits du biodiesel ou du bioéthanol.

 Bassin de culture de microalgues. AFP / Alain Jocard 


Après le carburant algal – encore en phase de recherche et développement –, voici donc, peut-être, le bio-bitume. Les chercheurs n'ont pour l'instant apporté que la « preuve de concept » du procédé, c'est-à-dire qu'ils en ont démontré la faisabilité technique en laboratoire, ainsi qu'ils le décrivent dans le numéro d'avril de la revue ACS Sustainable Chemistry & Engineering. Un brevet a été déposé.

Les scientifiques sont partis, explique Bruno Bujoli (université de Nantes-CNRS), de résidus de microalgues destinées à des productions industrielles. Par liquéfaction hydrothermale, dans un bain d'eau chauffée sous pression, ils les ont transformées en une substance visqueuse hydrophobe, qui présente des caractéristiques similaires à celles du bitume pétrolier. Même couleur noire – et non pas verte –, viscoélasticité qui assure la cohésion des granulats entrant dans la composition des revêtements routiers, propriétés rhéologiques (déformation sous l'effet d'une contrainte mécanique) qui confèrent résistance et flexibilité sous les charges... Le rendement, c'est-à-dire le rapport entre la matière algale et la quantité de bitume obtenue, atteint 55 %.

 Les films du Cercle Rouge 17/6/2014


Reste à démontrer que le bitume algal, testé en laboratoire sur des échantillons d'enrobés, peut être exploité en conditions réelles sur le réseau routier et autoroutier, avec une tenue dans le temps suffisante. Les essais doivent être menés dans les trois à cinq ans à venir, à l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux.

Reste aussi à assurer la viabilité économique du procédé, en parvenant à un prix compétitif avec celui du bitume fossile, compris entre 500 et 900 euros la tonne. L'utilisation de résidus de microalgues cultivées pour les industries cosmétique ou alimentaire est à cet égard un avantage. Et un développement à grande échelle est envisageable, si la filière des biocarburants algaux, qui génère d'importants volumes de déchets, monte en puissance. Avec des unités de production de la taille d'une raffinerie de pétrole, il deviendrait « réaliste », pense le chercheur, de bitumer le réseau routier avec cet enduit végétal, sachant qu'un enrobé est formé à 95 % de granulats et à 5 % seulement de bitume.

« Pour un premier déploiement industriel, l'horizon est de cinq à dix ans », avance Bruno Bujoli. Le projet Algoroute, financé à hauteur de 200 000 euros par la région Pays de la Loire sur la période 2012-2014, et en attente d'un nouveau financement de l'Agence nationale de la recherche, s'inscrit dans le long terme. Celui, sinon de l'après-pétrole, du moins de l'alternative au tout pétrole, pour les carburants comme pour la construction routière.




Le Monde 8/4/2015

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