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Après l’huile de palme, le caoutchouc : nouvelle menace pour les forêts ?

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Le caoutchouc naturel menace-t-il les forêts du sud-est asiatique? Poussée par le prix élevé du pétrole, la culture de l’Hevea brasiliensis, dont 70% est utilisé pour la fabrication de pneus, pourrait bien s’envoler ces prochaines années, avec les mêmes effets sur la biodiversité, révèle une étude publiée dans les Conservation Letters.

  Evaluation dans tous les pays producteurs de caoutchouc, à l'exclusion de la Bolivie (données non disponibles). Eleanor Warren-Thomas, Paul Dolman et al. Conservation Letters


Comme avec l’huile de palme, les premières victimes de cette monoculture sont les forêts primaires du sud-est asiatique, abritant de nombreuses espèces menacées. Parmi les zones les plus touchées, l’Indonésie, la Malaisie, le Laos, le Cambodge, le Vietnam, le sud-ouest de la Chine et les Philippines.

De 5,5 millions d’hectares en 1983 dans le monde, la culture de l’hévéa s’étendait sur 9,9 millions en 2012. Soit 57% de la surface consacrée à l’huile de palme, mais jusqu’à 71% en Asie du sud-est. Et le rythme s’accélère: dans les années 2000, ce sont 219.000 hectares qui ont été plantés d’hévéas chaque année, contre 108.000 hectares par an lors des deux décennies précédentes.

Or la demande de caoutchouc naturel, très forte dans les pays asiatiques en pleine croissance, ne devrait pas faiblir. Actuellement, elle connaît même une hausse annuelle de 3,5%, voire de 5,3% rien que pour les pneus.

Eleanor Warren-Thomas, de l’université d’East Anglia à Norwich (Royaume-Uni), et ses collègues ont fait leurs calculs: d’ici à 2024, ce sont 4,3 à 8,5 millions d’hectares de plus qui pourraient être plantés d’hévéas, du même ordre que pour l’huile de palme. Par rapport à 2012, la hausse de terres cultivées avec de l’hévéa pourrait donc s’élever jusqu’à 86%.

«De nombreuses aires protégées ont déjà été converties en plantations à caoutchouc. Par exemple, plus de 70% des 75.000 hectares de la réserve naturelle Snoul, au Cambodge, ont été converties entre 2009 et 2013», notent les chercheurs. Et ce malgré la présence de nombreuses espèces menacées, dont le cerf d’Eld, le banteng (un bœuf sauvage) et divers singes et carnivores.

Une fois la forêt convertie en plantations d’hévéas, «les macaques et les gibbons en disparaissent complètement, et nos travaux montrent que le nombre d’oiseaux, de chauves-souris et de scarabées décline jusqu’à 75%», ajoutent-ils. Sans oublier les effets désastreux sur les cours d’eau, qui se retrouvent soudain gorgés de fertilisants et de pesticides.

Contrairement à l’huile de palme, le public semble encore très peu au fait des ravages de l’hévéa sur les forêts tropicales. «Au minimum, les entreprises qui convertissent, en toute légalité, des forêts protégées en plantations d’hévéas devraient faire l’objet de restrictions d’accès au marché, avec une certification d’exploitation durable», juge l’équipe. Dénommé Sustainable Natural Rubber Initiative (SNR-i), un projet international a été lancé dans ce sens en janvier.



Journal de l'Environnement 17/4/2015

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L’hévéa (Hevea brasiliensis) est une espèce d’arbres, du genre Hevea de la famille des Euphorbiaceae. On en extrait un latex qui est utilisé pour être transformé en caoutchouc.

 Dans son milieu naturel en Amazonie, l’Hevea brasiliensis est un arbre pouvant atteindre fréquemment plus de 30 m de hauteur pour une circonférence de 1 m. L’hévéa a une écorce vert grisâtre. Les feuilles sont composées de trois folioles disposées à l’extrémité d’un pétiole. L’hévéa perd ses feuilles et les renouvelle chaque année. Elles se forment périodiquement, par étage à l’extrémité des unités de croissance. Les fleurs sont petites, jaune clair et rassemblées en grappes. Les fruits sont composés d’une capsule à trois loges contenant chacune une graine de 2 cm environ, ovale, de couleur brune décorée de tâches blanchâtres. On dit de ce fruit qu’il est déhiscent. (Photo Déhiscence d'un follicule d'Asclepias syriaca (. Parc provincial Forks of the Credit, Ontario, Canada. CC BY-SA 3.0)

 Le tissu laticifère se retrouve dans toutes les parties de l’arbre, des racines aux feuilles, en passant par l’écorce du tronc, siège de l’exploitation du latex chez l’hévéa. Les vaisseaux laticifères se développent en manchons concentriques dans le liber (écorce tendre) qui contient également les vaisseaux conducteurs de la sève élaborée, le phloème. Les cellules qui composent les vaisseaux laticifères sont vivantes et possèdent tous les organites (noyau, mitochondries, plastes  etc,) nécessaires à leur fonctionnement. (Photo Le latex se récolte en faisant ce que l’on appelle une saignée : la pratique d'une incision de l’écorce du tronc afin de sectionner les vaisseaux laticifères. PRA  CC BY-SA 3.0)


Le latex est différent de la sève. Celle-ci assure la distribution de l’eau, des sels minéraux ou des sucres alors que le latex est plutôt impliqué dans les mécanismes naturels de défense de l’arbre. Il circule dans un réseau distinct de vaisseaux : les canaux laticifères. Comme la résine, il suinte lors d’une éventuelle blessure de la plante et forme en séchant une barrière protectrice.

Le latex récolté par saignée est le cytoplasme, c’est-à-dire le contenu liquide, des cellules laticifères. Il est composé d’une suspension de particules de caoutchouc, mais également d’organites comme les lutoïdes. En revanche, les noyaux et les mitochondries demeurent attachés aux parois des cellules, assurant ainsi le renouvellement du latex après récolte. Les particules de caoutchouc représentent 25 à 45 % du volume du latex et 90 % de la matière sèche.

Cette espèce est originaire de la grande forêt amazonienne :

- Brésil (Amazonas, Mato Grosso, Para)
- Pérou, Bolivie, Colombie

Sa culture a été répandue dans toutes les régions tropicales, notamment dans le Sud-Est asiatique (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Viêt Nam, Inde, Sri Lanka, Chine, etc.), ainsi qu’en Afrique (Nigeria, Libéria, Cameroun, Côte d’Ivoire). Elle s’étend sur 8,3 millions d’hectares environ.

Exploitation de l'hévéaLe latex se récolte par saignées sur l’écorce du tronc de l’hévéa. Au moyen d’un couteau spécifique, les saigneurs pratiquent une légère entaille en descendant sur la moitié ou le tiers de la circonférence du tronc. La saignée débute en général à environ 1,50 m de hauteur, lorsque les arbres ont atteint 50 cm de circonférence à 1 m de hauteur. À chaque saignée, l’encoche est ravivée en découpant une fine lamelle d’environ 2 mm d’épaisseur, sur toute la profondeur de l’écorce. Il est toutefois important de ne pas toucher le cambium (assise génératrice du bois) car cela provoque des cicatrices. Les saignées ont lieu périodiquement. 

Il existe des systèmes plus ou moins intensifs, allant de la saignée deux jours sur trois à la saignée hebdomadaire, la fréquence la plus courante étant tous les deux jours. Lorsque toute l’écorce du côté exploité (appelé panneau) a été consommée, on passe sur le panneau suivant. Cela a lieu après 6 ans en général. Lorsque toute l’écorce basse a été utilisée, on peut pratiquer la saignée haute, remontante. Cette dernière, bien que délicate est très productive. Elle se pratique en quarts de spirales et peut durer ainsi au moins 4 ans. Il est alors possible de recommencer la saignée basse sur l’écorce déjà saignée qui se sera entretemps régénérée. L’arbre peut ainsi produire du latex à partir de l’âge de 5 ans et pendant 30 ans environ. Cependant, dans de nombreuses régions et en particulier en Thaïlande, premier pays producteur, la tendance est au raccourcissement des cycles, avec une exploitation sur moins de 20 ans.

 À l’issue de sa période d’exploitation, l’hévéa est abattu pour être replanté. Les progrès de la recherche permettent de procéder à ces replantations avec un matériel végétal beaucoup plus performant. (Photo Plantation d'hévéas avec les gobelets pour récolter le latex. PRA CC BY-SA 3.0)

Le latex, en sortant de l’entaille, coule dans la tasse pendant quelques heures. Puis l’encoche se bouche par coagulation du latex et l’écoulement s’arrête. La récolte peut se faire sous forme liquide (on parle de récolte en latex) si on procède juste après la saignée, ou solide si on laisse le latex coaguler dans la tasse (récolte en coagulum). En cas de récolte sous forme liquide, on peut ajouter un peu d’ammoniac pour empêcher la coagulation précoce. À l’inverse, le processus de transformation post-récolte démarre par l’ajout d’un peu d’acide (formique en général) pour faire coaguler le latex.

L’Asie est la principale région productrice de caoutchouc naturel (95 % du total mondial). La production mondiale est estimée à 9,7 millions de tonnes environ, dont trois pays, Thaïlande, Indonésie et Malaisie, représentent près des trois quarts.

C’est au Liberia que se trouve la plus vaste plantation d’hévéas au monde : 48 000 hectares, qui sont la propriété de Firestone, le géant américain du pneu devenu depuis 1988 une filiale du groupe japonais Bridgestone.

Les chercheurs de l'Institut Fraunhofer à Aix-la-Chapelle (Allemagne) espèrent réaliser d'ici 20142 des pneumatiques en caoutchouc de pissenlit. "Pendant la Seconde Guerre mondiale, le pissenlit avait déjà été utilisé à cette fin, mais s'était avéré bien moins productif que l'hévéa. Et pour cause : le latex issu du pissenlit coagule spontanément et rapidement en caoutchouc, ce qui rend difficile sa récolte. Mais les chercheurs allemands sont parvenus à créer des pissenlits transgéniques dans lesquels l'enzyme à l'origine de la coagulation a été désactivée, pour un rendement de 4 à 5 fois supérieur.

Aspects environnementauxPour les besoins croissant de l'industrie (industrie du pneu pour 70% responsable de la consommation de caoutchouc dit naturel), de vastes monocultures équiennes de l'hévéa Hevea brasiliensis remplacent de plus en plus la forêt tropicale, y compris dans des pays et sur des continents où l'hévéa n'existait pas.

La culture industrielle de l'hévéa grandit le plus en Asie continentale du Sud et Sud-Ouest (plus de 2 millions d'hectares de 2000 à 2010), ce qui induit aussi des bouleversements environnementaux et socioéconomiques, l'hévéa devenant alors aussi une menace supplémentaire pour la biodiversité.

En une génération (en 29 ans : de 1983 à 2012) la surface de plantation est passée de 5,5 millions d'hectares environ à 9,9 millions, (57% de la surface dédiée au palmier à huile) mais avec un taux qui a atteint 71% en Asie du sud-est en 2015.

Comme pour l'eucalyptus ou l'huile de palme, cette tendance s’accélère : durant les années 2000, l'industrie du caoutchouc a suscité la plantation chaque année d'environ 219.000 hectares supplémentaires d'hévéas (plus du double des 108.000 hectares/an des 2 décennies précédentes).

Avec le développement de l'automobile individuelle en Chine, de nombreux experts craignent que l'explosion des cultures d'hévéas se poursuive, avec des effets croissants sur la biodiversité et les populations autochtones, comparables à ceux des cultures d'huile de palme, tout particulièrement dans les zones tropicales du sud-est asiatique (Indonésie, Malaisie, Laos, Cambodge, Vietnam, sud-ouest de la Chine et Philippines), au détriment de la forêt primaire, de sa biodiversité et des grands équilibres écologiques (des aires protégées ont ainsi déjà été sacrifiées aux plantations.

A titre d'exemple, la réserve naturelle Snoul (Cambodge) a été en 4 ans (de 2009 à 2013) recouverte à plus de 70% par 75.000 hectares d'hévéas en dépit de la présence de nombreuses espèces menacées (banteng, cerf d'Eld, et plusieurs singes carnivores).

Une étude prospective d'Eleanor Warren-Thomas estime que de 2015 à 2024, 4,3 à 8,5 nouveaux millions d’hectares d'hévéas risquent de remplacer la forêt tropicale (la surface de culture d'hévéa pourrait alors atteindre 86% sur la période 2012-2024), ce qui serait catastrophique pour la biodiversité de ces régions déjà mise à mal, notamment pour les gibbons et d'autres espèces dépendantes de la forêt primaire, qui ne pourront que disparaitre, mais aussi pour de nombreuses espèces aviaires, de chauves-souris et scarabées (déclin attendu pouvant atteindre 75%).

L'érosion des sols, l'augmentation de la pollution et de la turbidité de l'eau augmenteraient aussi. Dans certains pays comme le Vietnam, la culture de l'hévéa gagne aussi en termes de gradient altitudinal, alors que la biodiversité avait souvent trouvé refuge sur les fortes pentes et montagnes

Dans les années 2000-2010, les impacts de l'huile de palme ont sensibilité le public, mais celui-ci semble encore inconscient des risques induits par les plantations massives d'hévéa en zone tropicales.


Wikipedia

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Ils sont Bunongs, issus d’un peuple autochtone de la région du Mondol Kiri, à l’est du Cambodge, à la frontière avec le Vietnam. En 2008, leur terre ancestrale a été concédée à Socfin-KCD, filiale cambodgienne du groupe Bolloré, pour un vaste projet de plantation d’hévéas, ces arbres dont on extrait le caoutchouc naturel

Sept ans après de vaines batailles pour faire valoir leurs droits, ils ont décidé d’assigner en justice la société mère. Vendredi 24 juillet 2015, leur avocat Fiodor Rilov a saisi en leur nom le tribunal de grande instance de Nanterre dans le cadre d’une action en responsabilité contre le groupe de l’homme d’affaires français Vincent Bolloré. Dans cette action intentée au civil, les Bunongs réclament une réparation en nature, espérant récupérer leur terre, ainsi que plusieurs dizaines de milliers d’euros de dommages et intérêts chacun.

 Le latex se récolte en faisant ce que l’on appelle une saignée : la pratique d'une incision de l’écorce du tronc afin de sectionner les vaisseaux laticifères. PRA  CC BY-SA 3.0

La situation des Bunongs avait été déjà dénoncée en 2011 dans un rapport « Cambodge, terrains défrichés, droits piétinés » où la Fédération des droits de l’homme (FIDH) invitait « instamment » Socfin-KCD à « suspendre toutes ses opérations jusqu’à ce que les différends en cours [avec les Bunongs], portant sur les terres en jachère, l’indemnisation, les réinstallations, les conditions de travail soient réglés ».

Il y a 7 ans, le Cambodge a accordé une concession foncière de 7 000 hectares, située à Bousra, commune de la région de Mondol Kiri, pour l’exploitation industrielle de l’hévéa, au groupe Khaou Chuly (KCD). Cette société de construction cambodgienne avait conclu, un an plus tôt, une joint-venture avec Socfin Asia, détenu principalement par le groupe industriel français Bolloré et les familles belges Ribes et Fabri.

Présents dans la région depuis des siècles – abstraction faite de la période des Khmers rouges au cours de laquelle certains ont dû fuir avant de revenir –, les Bunongs vivent d’une agriculture traditionnelle et itinérante ainsi que de la cueillette de produits forestiers. La terre est le maillon central de leur organisation sociale et de leur identité. Ils suivent un système de croyances animistes fondé sur la protection des forêts sacrées et des lieux de sépultures de leurs ancêtres.

 La frénésie d’accaparement des terres s’est accélérée en 2014, faisant plus de 60 000 nouvelles victimes au premier trimestre de 2015. On estime qu’aujourd’hui, ce sont plus de 830 000 personnes qui ont été victimes de ces pratiques d’accaparement des terres depuis l’an 2000. farmlandgrab

La législation cambodgienne prévoit une reconnaissance juridique des communautés autochtones et protège leur droit à la propriété collective. Mais la concession à Bousra a été accordée sans que ne soit menée une étude d’impact social et environnemental. Les populations n’ont pas non plus été consultées, comme une telle étude l’exigerait pourtant. 

Sitôt la concession accordée, Socfin-KCD lançait des opérations de défrichage et de plantation, affectant plus de 850 familles. L’entreprise les mettait devant le fait accompli. Parfois, elle proposait à certains habitants une indemnisation de la perte de leur parcelle de terre. A d’autres, elle offrait un nouveau terrain hors de la concession, en compensation.

Expropriés, privés de leur outil de travail, les Bunongs n’ont eu d’autres choix que d’accepter les 200 dollars par hectare que la compagnie leur offrait. Une maigre compensation, vite épuisée. « Nous ne savions pas quel était le bon prix de vente parce que nous n’avions jamais été amenés à vendre des terrains de notre terre ancestrale pour faire du business », témoigne Blang Sinn, un des 80 Bunongs ayant décidé d’assigner en justice le groupe Bolloré. Les champs de la concession représentant tout pour eux – leur outil de travail, leur habitation, leurs lieux de culte, rares sont ceux qui ont choisi d’aller vivre ailleurs. Quitte pour certains à se retrouver sans rien.

 Des enfants jouent sur des terrains remis aux producteurs de caoutchouc. (Photo: Abby Seiff) farmlandgrab

Blang Sinn raconte comment ils sont aujourd’hui embarqués dans un système où ils n’ont pas leur mot à dire : « La compagnie nous a proposé des emplois sur la concession pour y cultiver l’hévéa. Elle paye 5 dollars par jour et si un ouvrier arrive en retard, il n’est pas payé. Il faut se lever à 5 heures pour faire cuire le riz et préparer notre repas du midi à emporter et on ne rentre pas chez soi avant 19 heures 30 ». Et d’insister : « Notre vie dépend de la terre et des ressources naturelles. Aujourd’hui, beaucoup de ménages n’ont plus de terrain à cultiver, certains sont obligés de travailler pour d’autres familles. Et nos activités traditionnelles, la chasse, la pêche, la collecte de produits forestiers, tout cela, c’est fini».

Le groupe Bolloré dément toute interférence dans la gestion de Socfin-KCD. « C’est Socfin qui a pris les décisions d’acquisitions des terres et gère les plantations. Présent dans à hauteur de 38 %, le groupe Bolloré n’est pas du tout majoritaire dans Socfin. Aucun collaborateur du groupe n’a de compétence de gestion dans la plantation. Nous n’avons qu’une responsabilité d’administrateur », soutient-on dans l’entourage de Vincent Bolloré.

Pour Fiodor Rilov, il s’agit de démontrer au tribunal que « la question n’est pas de savoir si Bolloré est actionnaire majoritaire ou non, mais quel contrôle il exerce sur les structures. L’intervention de la société de tête dans les activités des filiales est un fait accompli, soutient l’avocat dans son assignation. Un certain nombre de dispositions dans les statuts du groupe mentionne la culture d’hévéas ».

Il n’y a pas qu’au Cambodge que des populations autochtones sont aux prises avec des plantations industrielles dirigées par Socfin ou du moins par ses filiales sur le terrain. En décembre 2010, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a été saisie par quatre ONG (deux camerounaises, une française et une allemande) concernant les activités de Socapalm, pendant de Socfin-KCD au Cameroun. 

 Des militants plantent des bambous lors d'une manifestatio devant le siège du groupe Bolloré à Puteaux, près de Paris, en France, appelant  Bolloré à rendre leur terre, ou indemniser les agriculteurs, le jeudi 4 Juin, 2015 . Bolloré est le premier actionnaire de la société Socfin, qui a été accusé par les militants pour l'accaparement des terres au Cambodge, au Liberia, Cameroun et Côte-d'Ivoire. (AP Photo / Kamil Zihnioglu) (The Associated Press) farmlandgrab

Dans son rapport remis en juin 2013, l’OCDE constate que les activités de Socapalm avaient contrevenu aux principes directeurs sur l’emploi, les relations professionnelles et l’environnement établis par l’instance internationale. Et elle considère qu’en dépit de sa position d’actionnaire minoritaire dans Socapalm, le groupe Bolloré entretient une « relation d’affaire » avec sa filiale, et souligne même que celui-ci « déclare vouloir assumer ses responsabilités et user de son influence » pour faire respecter ses principes directeurs.

« Une reconnaissance de responsabilité, si elle n’est pas impossible, reste difficile pour plusieurs raisons. Lesquelles tiennent notamment à la preuve de l’influence réelle des multinationales sur leurs partenaires, ainsi qu’à la preuve d’une faute de leur part qui serait en lien direct avec les dommages subis par les populations concernées. Surtout qu’en l’état du droit il n’existe pas de texte contraignant à l’échelle nationale ou internationale qui consacre un principe de responsabilité des entreprises transnationales », analyse Laurent Neyret, professeur de droit, spécialiste de l’environnement. Pour le juriste, le drame du Rana Plaza au Bangladesh en 2013 a favorisé le développement d’un mouvement en faveur d’une responsabilisation, morale et juridique des entreprises transnationales en raison des dommages causés par leurs filiales ou par les entreprises qui se trouvent dans leur sphère d’influence.

 Jeudi 4 juin, des Camerounais, Ivoiriens et des militants de la Confédération Paysanne vont venir perturber l’assemblée générale du groupe Bolloré à Puteaux. Les communautés locales privées de leurs terres par les plantations industrielles de palmier à huile ont lancé un mouvement en avril au Cameroun, Cambodge, Côte d’ivoire et Liberia pour revendiquer leurs droits. farmlandgrab

Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDH) cherche aujourd’hui à combler les lacunes du droit international sur la responsabilité des entreprises transnationales. En juin 2014, il s’est prononcé en faveur d’une résolution proposée par l’Equateur et l’Afrique du Sud afin d’élaborer une convention sur la responsabilité des sociétés transnationales en matière de droits humains. « Cette résolution, souligne Laurent Neyret, soutenue par de nombreux pays du Sud, a été adoptée malgré l’opposition des Etats-Unis, de l’Union européenne, de l’Allemagne et de la France. La France qui, pourtant, votait le 30 mars dernier une proposition de loi – non encore définitive – visant à instaurer un devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre de plus de 5 000 salariés à l’égard de leurs filiales, de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs. »


Le Monde 29/7/2015

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