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Voyage au cœur de la faille de San Andreas

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La faille géologique qui traverse la Californie génère une grande curiosité. Et la crainte qu'en surgisse un fatal "Big One". Reportage en plein désert dans les entrailles du monstre.

C’est un monstre rampant souterrain de 1300 km. Il traverse la Californie en diagonale et la menace de destructions fatales. "Il", ou plutôt "elle", c’est la faille de San Andreas. La plus connue des failles géologiques sur Terre, car elle a déjà sévi, notamment lors du fameux tremblement de terre qui a touché San Francisco en 1906, provoquant un terrible incendie qui a détruit une grande partie de la ville. Honneur suprême, la faille donne son nom à un film catastrophe hollywoodien, qui sort ce mercredi 27 mai 2015 sur les écrans français et et vendredi aux États-Unis. 

Vue du sommet d'une colline formée par le frottement des plaques nord-américaine et pacifique. Au centre de la photo, on distingue clairement un corridor : à gauche, des roches de granit dont les strates descendent de gauche à droite (situées sur le côté Pacifique) ; à droite, des roches dont les strates remontent de gauche à droite (situées sur le côté Amérique). ©️ Crédit : France USA Media.

La Californie vit dans l’angoisse du "Big One", ce séisme géant, supérieur à 7 sur l’échelle de Richter, qui devrait frapper dans les trente prochaines années selon les sismologues.

Mais cela ne fait pas peur à tout le monde. Lundi matin, Rachel Christianson et sa famille, originaires du comté d’Orange, au sud de Los Angeles, ont embarqué à bord d’une jeep de Desert Adventures. Ce tour operator, basé dans la vallée de Coachella, dans le désert situé à 170 km à l’est de la Cité des Anges, organise des éco-tours à vocation scientifique. Dont trois heures sur la faille de San Andreas. "Nous avons des visiteurs des quatre coins du monde : États-Unis, Europe, Asie, Moyen-Orient, Afrique", dit Bob Schneider, le patron. "Palm Springs et sa région sont à nouveau à la mode et dans ce désert, il y a plein d’histoires à raconter".

A l'intérieur d'un canyon, en plein de coeur de la faille. A gauche, on peut toucher la plaque Pacifique, à droite la plaque Amérique du Nord. ©️ France USA Media

Le parcours du jour est, il est vrai, très spectaculaire. À cet endroit précis, la faille a crée un paysage lunaire : le sol que l’on foule est presque blanc et les grands rochers de granit, qui montent à une quinzaine de mètres, sont d’un gris qui semble varier d’intensité en fonction de la lumière. À l’entrée de la zone, qui couvre plusieurs kilomètres carrés, un filet d’eau continu sort des entrailles de la terre. Il permet de nourrir des palmiers qui poussent spontanément, comme de ravitailler les nombreux serpents à sonnette

La jeep suit un petit chemin balisé, et s’engoufre dans un dédale de roches sorties de terre. Au sol, le "sable" est en réalité constitué des débris de roches, décomposées à cause des séismes successifs depuis la formation de la faille, voici 30 millions d’années. Les rochers sont totalement déformés par la pression exercée en sous-sol.

 Chaque année, "Desert Adventures" et ses jeep rouges font visiter une partie de la faille de San Andreas a près de 10.000 visiteurs. Leurs guides ont été formés pour délivrer des explications sur la topographie, la géologie et l'écosystème du lieu. ©️ France USA Media.

Ici, les plaques tectoniques du Pacifique et d’Amérique du Nord se frottent. L’Amérique descend vers le Sud, alors que la Pacifique remonte vers le Nord. Tout cela, à une vitesse de plus de 2 cm par an. Cette partie Sud de la faille n’a plus bougé depuis les années 1850. Par conséquent, les sismologues estiment que lorsqu’elle craquera, elle craquera très fort

Car partout ailleurs, la pression est soulagée quotidiennement par des trembrements de terre de petite ou de moyenne amplitude. "Le Big One sera d’une magnitude supérieure à 7, sans doute proche de 8, suivi de nombreuses répliques", explique Gilles Peltzer, professeur en géologie à UCLA (University of California, Los Angeles). "Les ondes de choc se propageront pendant plusieurs minutes, rebondissant d’un côté à l’autre du bassin de Los Angeles comme l’eau rebondit sur les bords d’une cuvette” poursuit-il. "On s’attend à un déplacement des plaques de 6 à 7 mètres et des amplitudes de mouvement d’un mètre environ".

La deuxième métropole des États-Unis et ses 14 millions d’habitants sont donc directement menacés. Si l’épicentre du "Big One" se situe bien dans la vallée de Coachella, il ne faudra compter que douze secondes pour atteindre le centre-ville. Les autorités – comtés, mairies, secours – et des sociétés privées associées ont d’ores et déjà établi un protocole précis de réponse. 

Plus que les destructions elles-mêmes et le nombre de victimes, les craintes résident surtout dans les lignes de vie coupées : acqueducs endommagés, autoroutes détruites, rupture de la grille énergétique. Et donc des quartiers entiers livrés à eux-mêmes, avec des risques de pillages et d’émeutes armées. Etre prêt est donc essentiel. Mais pour quand ?


 Vue aérienne de la faille de San Andreas dans la plaine de Carrizo, Californie centrale. La compréhension de la structure et de la dynamique de cette faille est complexe, car elle s'intègre dans le contexte particulier de la disparition par subduction (en cours) de la plaque Farallon, et de l'ouverture (en cours) du golfe de Californie. Ikluft GFDL


"Il nous est impossible de faire des prédictions, reprend Gilles Peltzer. Les paramètres qui entrent en jeu dans la physique d’un tremblement de terre sont extrêmement nombreux et encore mal connus. En revanche nous avons une assez bonne connaissance la faille de San Andreas, du 'temps de retour' qui peut varier de 100 à 350 ans. Nous connaissons également la date du dernier grand tremblement de terre, en 1857. Nous savons donc qu’il y a suffisament de 'contraintes' pour en générer un nouveau d’ici une trentaine d’années". En attendant, Rachel se dit "impressionnée". Sa main gauche touche la plaque Pacifique. Sa main droite, la plaque Amérique.


Sciences et avenir 27/5/2015 (Par Guillaume Serina (France USA Media), à Palm Desert, Californie, pour Sciences et Avenir) - Wikipedia

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