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En cas de disette, le lémurien microcèbe murin s'adapte à sa manière

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À Madagascar, au début de la saison sèche, la nourriture commence à manquer pour le microcèbe murin. Ce petit lémurien a alors une technique imparable pour économiser son énergie : il se plonge lui-même dans un état de torpeur.

Sous ses airs candides, le microcèbe murin (Microcebus murinus) sait faire preuve  d'ingéniosité. En effet, selon une étude publiée dans la revue Oecologia, ce petit primate de Madagascar a développé une stratégie adaptative singulière : quand l'hiver arrive (ce qui correspond à la saison sèche sur cette île tropicale) et que la nourriture vient à manquer certains jours, il abaisse sa température corporelle pour plonger dans un état dit de "torpeur", où toutes ses dépenses énergétiques sont réduites au minimum. Ainsi, dès que le microcèbe murin sent qu'il y a de nouveau un peu de nourriture dans les parages, il redevient actif et part s'alimenter. Ceci jusqu'à l'arrivée définitive de la disette hivernale, après 1 à 2 mois de transition entre saison humide (été) et saison sèche (hiver), où, là, le lémurien passe en "mode économiseur d'énergie" quotidiennement jusqu'au retour des pluies.

 Un microcèbe murin, à Madagascar. ©️ Pauline Vuarin

Le microcèbe murin mange principalement des insectes et des fruits. Il fait partie des mammifères hétérothermes, c'est-à-dire que sa température interne peut varier. Ainsi, lorsqu'elle s'abaisse, les dépenses d'énergie de l'animal sont diminuées.

Nocturne, ce lémurien emmagasine la chaleur durant la journée et s'éveille, tout chaud, le soir, prêt à s'activer. Mais comment parvient-il à savoir s'il sera "rentable" de sortir de sa torpeur au début de la saison sèche, quand la nourriture commence à manquer ? "On peut alors penser que simplement les conditions d'humidité et de température lui indiquent s'il y a des chances de trouver de la nourriture, explique Pierre-Yves Henry, co-auteur de l'étude et chercheur au CNRS/MNHN. 

De plus, ces primates ont une mémoire de l'endroit où il y a de la nourriture. Ainsi, si la veille un individu a trouvé de la nourriture quelque part, il y a des chances pour qu'il y retourne le lendemain, dès qu'il sera à nouveau chaud. À l'inverse, si le jour d'avant il n'y avait quasiment plus rien à manger aux endroits où il y a de la nourriture habituellement et qu'il n'a pas plu, il y a un fort risque que l'animal perde du temps à chercher en vain de la nourriture. Et dans ce cas, celui-ci aura tendance à juste faire ses besoins, puis retourner dans sa cache, et rentrer en torpeur jusqu'au lendemain".

 Le Microcèbe mignon (Microcebus murinus) ou Chirogale mignon est une petite espèce de lémurien de Madagascar. Pesant 58 à 67 grammes, il est le plus grand des microcèbes (genre Microcebus), un groupe qui comprend les plus petits primates au monde. L'espèce est connue localement (en malgache) comme tsidy, koitsiky, titilivaha, pondiky et vakiandry. Cette espèce est nocturne et arboricole. Le Microcèbe mignon vit dans plusieurs types de forêt dans l'ouest et le sud de Madagascar. Son régime alimentaire se compose principalement de fruits, d'insectes, de fleurs et nectar. Gabriella Skollar CC BY-SA 3.0

Non seulement le petit primate est capable donc de s'adapter en fonction de la disponibilité des ressources alimentaires, mais en plus, il déclenche lui-même sa torpeur. Il ne s'agit pas d'un mécanisme automatique, comme l'est l'hibernation chez les ours par exemple. "Notre étude montre que, à la période d'entrée dans la saison sèche, la torpeur est utilisée "sur commande", en l'occurrence, elle est utilisée si il n'y a pas de nourriture, résume Pierre-Yves Henry. 

Toutefois être capable de faire de la torpeur de manière efficace et prolongée, ne peut pas se déclencher du jour au lendemain. Il y a une préparation physiologique, notamment avec un engraissement important avant l'arrivée de la saison sèche. Et ça, de nombreuses études ont montré que cette préparation physiologique est induite "automatiquement" par la longueur du jour

Quand les jours réduisent, cela enclenche la préparation hormonale et physiologique pour préparer le passage en "mode hiver". L'étude montre que, même si les animaux sont prêts physiologiquement à passer en "mode hiver", ils ajustent ce passage en fonction des opportunités en nourriture du moment, profitant ainsi au maximum des ressources disponibles. C'est ce qu'on appelle la flexibilité métabolique, qui permet d'ajuster ses économies d'énergie finement, en fonction de la contrainte liée au climat : la disponibilité en nourriture".

 Microcèbe mignon la nuit dans la forêt d'Anjajavy. Charlesjsharp CC BY-SA 3.0

Reste que cette flexibilité n'est pas permanente. Au bout de 1 à 2 mois de saison sèche, avec nourriture à volonté, les animaux rentrent, quelle que soit la disponibilité en nourriture, en "mode hiver".  "La période de forte flexibilité, avec un usage de la torpeur à la demande, serait donc restreinte aux quelques mois de transition entre saison humide et saison sèche, la période où de fait, le climat est souvent le moins prévisible, et donc là où il y a le plus d'intérêt à être flexible", résume le chercheur. Une flexibilité qui pourrait se révéler être d'un grand secours face au changement climatique.


Le Microcèbe mignon a été inscrit à l'Annexe 1 de la Convention on International Trade in Endangered Species (CITES) en 1975, le déclarant comme menacé d'extinction et interdisant le commerce international de spécimens à l'exception des usages non commerciaux, comme la recherche scientifique. En 2008 l'espèce est répertoriée dans la liste rouge de l'UICN comme une espèce de Préoccupation mineure (LC) avec une population qui a tendance à décliner.

 La déforestation est l'une des principales causes du déclin de l'espèce (Ici,  destruction d'épineux dans le sud de Madagascar près de Beloha). Visionholder CC BY-SA 3.0

Les plus grandes menaces sont la perte de son habitat du fait de l'agriculture sur brûlis et du pâturage du bétail, ainsi que la capture pour le commerce des animaux de compagnie dans les parties nord et sud de son aire de répartition. Bien que cette espèce ait la capacité de vivre dans les forêts secondaires, des études ont montré que cet l'habitat de qualité moindre affecte défavorablement ses populations car il trouve moins de trous d'arbres, et a donc moins de possibilités pour économiser son énergie en tombant en torpeur, ce qui fait augmenter le stress et la mortalité.

Une étude a révélé neuf espèces de parasites dans les fèces du Microcèbe mignon vivant dans des forêts dégradées et fragmentées. Dans des forêts de bonne qualité mais de taille très réduite, ainsi que dans des forêts très dégradées, le Microcèbe mignon présente en effet une prévalence plus élevée de nématodes et de protozoaires parasites que ceux des grandes forêts de bonne qualité. Des études menées à la fin des années 1960 et 1970 ont montré que la forte exploitation forestière entre 1968 et 1970 s'était traduite par une diminution du poids des microcèbes, qui utilisaient de plus petits arbres pour faire leurs nids, et une diminution de la taille des groupes de femelles faisant leurs nids en commun (7 contre 15 auparavant).

 Le tapetum lucidum, responsable de l'aspect brillant des yeux, reflète la lumière pour améliorer la vision nocturne. Petra Lahann CC BY-SA 2.0

Par ailleurs, bien que la torpeur quotidienne peuvent aider à économiser de l'énergie et préserver des ressources en période de pénurie alimentaire modérée, les pénuries alimentaires prolongées provoquées par le changement climatique pourrait créer trop de stress et de graves répercussions sur la capacité de survie de l'espèce.

Le Microcèbe mignon est considéré comme l'un des petits mammifères endémiques de Madagascar les plus abondants, et on le trouve dans sept parcs nationaux, cinq réserves spéciales, la réserve privée de Berenty, et d'autres forêts protégées privées au sein de la Zone de conservation de Mandena.

Cette espèce de microcèbe se reproduit très bien en captivité, même si elle n'est pas souvent présente dans les zoos, au contraire d'autres lémuriens plus grands.



Sciences et avenir 10/7/2015 - Wikipedia

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