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Algue filamenteuse en Méditerranée: les plongeurs inquiets, les scientifiques rassurants

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Sanary-sur-Mer (France) (AFP) - Elle revient chaque année recouvrir d'un voile jaunâtre la végétation sous-marine des côtes de la Méditerranée et inquiète les plongeurs mais les scientifiques se veulent rassurants sur la nocivité de l'algue filamenteuse, phénomène "saisonnier et naturel".

 Des algues filamenteuses recouvrent la végétation sous-marine des côtes de la Méditerranée, le 4 juillet 2015, près de la Ciotat (c) Afp

"Beaucoup de plongeurs en trouvent" à des profondeurs de 30 à 90 mètres, témoignent, sous couvert de l'anonymat, deux responsables du club de plongée à Sanary-sur-mer (Var). Et même si "la gorgone", un corail de Méditerranée, "est encore saine", l'algue "va, à terme tuer la faune et la flore", craignent-ils. "la posidonie est en train de mourir toute seule", ajoutent-ils.

Les plongeurs de Méditerranée, qui surnomment "barbe à papa" l'algue filamenteuse sont d'autant plus inquiets qu'elle apparaît en pleine saison touristique, alors qu'arrivent de nombreux amateurs de plongée. Joseph, pêcheur à Sanary n'a jamais réussi à la prendre dans ses filets. Car l'algue est filandreuse et se faufile entre les mailles.

 Exemple de vastes coussins flottants d'une algue filamenteuse du genre Spirogyra formant obstacle à la lumière et au pouvoir désinfectant des UV solaires et contribuant au réchauffement de la couche superficielle d'eau. ici dans une petite mare du Comté de Dâmboviţa en Roumanie. Bogdan CC BY-SA 3.0

L'algue filamenteuse "est présente depuis les années 80 en Méditerranée occidentale", rappelle Thierry Thibaut, chercheur à l'institut méditerranéen d'océanologie de l'université d'Aix-Marseille. "On la trouve entre 20 et 40 mètres de profondeur. De Marseille jusqu'à Nice, tout est recouvert de ce cocon filamenteux qui se dépose sur toute la roche", explique-t-il.

Habituellement absente en hiver, l'algue apparaît au printemps avec la montée de la température de l'eau. Mais cette année, avec la douceur de l'hiver et une température aquatique plus élevée que la moyenne, l'invasion a été précoce.

"Ca envahit un peu tout. Jusqu'à présent le phénomène a été assez court en été. Cette année, avec la chaleur qui a démarré tôt et si elle continue tard dans la saison, ça peut se poursuivre", analyse Jean-Luc Bonnefont, responsable de recherche à l'institut océanographique Paul Ricard, sur l'île des Embiez (Var).

"Ca recouvre tout, mais ça ne détruit pas la faune ni la flore", tempère Thierry Thibaut. Par ailleurs, "son impact n'est pas dangereux et reste très limité dans le temps, elle disparaît d'une année à l'autre""C'est un phénomène naturel, saisonnier avec un impact limité", ajoute le chercheur.

Selon une hypothèse, c'est l'eau traitée sortant des stations d'épuration profondes qui pourrait en être à l'origine : le phénomène serait lié aux rejets qui augmentent l'apport en sel nutritifs, sans pour autant être lié à la pollution.

"Elle est présente également dans les zones protégées de Port-Cros, au large des côtes varoises", note toutefois M. Thibaut : "ce n'est donc pas lié à la pollution".

Pour Marc Verlaque, également chercheur à l'université d'Aix-Marseille, son apparition est liée à des conditions météo particulières, du soleil et un temps calme sur une longue période. En général le phénomène est printanier mais en l'absence de coups de vent violents il peut se prolonger en été, résume-il.

Une analyse confirmée par M. Bonnefont. "C'est un phénomène temporaire lié à de fortes températures. Ca peut poser un problème avec des pics de température qui en provoquent le développement mais ça disparait dès qu'il y a un coup de vent".

"Elles disparaissent car les filaments sont extrêmement fragiles", explique M. Thibaut selon lequel les scientifiques ne sont pas alarmistes, parce que "c'est passager".

Pour Marc Verlaque, l'impact sur la faune et la flore marine dépend de la durée du phénomène. "Lorsque la période de prolifération est courte, il n'y a pas d'impact négatif visible". Mais "si cette période est longue, des nécroses peuvent apparaître sur certains organismes".

Le rafraîchissement des températures de l'eau ces dernières semaines semble avoir ralenti le phénomène: "grâce au vent et au courant marin, l'invasion est en nette régression", témoigne Francklin, plongeur dans la région de Nice.


Cycle de vie des algues filamenteuses : En zone froide ou tempérée, elles présentent un cycle saisonnier très marqué, soit qu'elles ne poussent pas ou peu en hiver, soit qu'elles sont à certaines époques abondamment consommées par certains brouteurs (escargots aquatiques tels que les paludines ou par d'autres organismes herbivores ou bactériophages. Elles peuvent localement et durant plusieurs semaines ou mois largement dominer les peuplements d'algues et de plantes aquatiques (notamment dans les eaux eutrophes).

En fin de saison ou après des crues ou pluies d'orage, de grands amas de Cladophora et Vaucheria peuvent se décrocher de leur support ou substrat et être emportés par le courant, ce qui contribue à leur dispersion (ainsi parfois qu'aux œufs de poissons et autres propagules qu'ils peuvent contenir).

Toutefois on notera que l'équilibre de la végétation algale est instable et « jamais définitif ». Beaucoup de filamenteuse sont sujettes à des pullulations. Ce phénomène est très localement naturel (et souvent saisonnier en zone froide et tempérée), mais ils est aujourd'hui favorisé et renforcé par des déséquilibres écologiques (apports excessif de nutriments par l'agriculture, eaux usées incomplètement épurées, ou utilisation de quantités excessives d'amorces de pêcheurs, etc.). Dans ces cas, les filamenteuses se montrent plus résistantes aux désherbants et polluants, et très compétitives ; au détriment des phanérogames (Ranunculus sp.) et des bryophytes (ex : Fontinalis antipyretica), qu'elles peuvent éliminer ou fortement limiter jusque dans les zones à truite et à ombre.

Ces pullulations posent des problèmes écologiques (obstacle à la pénétration de la lumière voire à l'exploitation de la masse d'eau par les gros poissons et oiseaux aquatiques ou autres animaux pêcheurs), d'autant que nombre de ces espèces sont volontiers envahissantes et parfois invasives quand les conditions leur conviennent.

A noterPeu d'espèces de macroinvertébrés, de poissons et de vertébrés consomment ces algues (hormis pour certaines characées mangées par certaines oiseaux). Mais en temps normal et quand elles ne pullulent pas, tout comme les macrophytes aquatiques elles jouent un rôle important d'abri pour de nombreuses espèces de microorgansimes et de microinvertébrés qui jouent un rôle dans la chaine alimentaire.

Elles sont elles-mêmes le support d'une importante florule de diatomées. Les characées et d'autres filamenteuses sont souvent colonisées par des diatomées, mais aussi des chlorophycées ou des cyanobactéries. Par ailleurs, eElles jouent aussi un rôle en termes de puits de carbone (cependant souvent provisoire) et dans une certaine mesure de production primaire, d'épuration de l'eau et tamponnement du pH de l'eau, de régulation chimique par fixation d'azote

Cela dit, des interactions durables ont été repérées avec diverses autres espèces  :

* Les filaments de nombreuses algules filamenteuses sont peu nutritifs et/ou peu appétents, mais ils sont colonisés par des bactéries et diatomées qui sont plus riches en lipides et acides aminés et recherchées comme nourriture par d'autres espèces, qui à leur tour serviront de nourriture à d'autres.

* A certaines époques ces algues peuvent notamment être consommées par des oiseaux d'eau (ex : Canard colvert, poule d'eau...),

* elles peuvent servir de support alternatif de ponte à divers espèce de poissons.

* En mer comme en eau douce, il a été constaté que les éponges marines, les éponges d'eau douce (ex : spongilla lacustris et moindrement certaines plantes aquatiques (ex : Ceratophyllums ou Najas marina) sécrètent des substances allélopathiques empêchant totalement (pour les éponges) ou fortement la croissance « épiphyte » d'algues filamenteuses. Néanmoins quelques algues filamenteuses ont développé des symbioses leur permettant de vivre à l'intérieur d'une éponge.

* Des algues filamenteuses peuvent contribuer au camouflage d'espèces animales, et sembler parfois parasiter d'autres animaux (algues perforantes par exemple signalée par Fredj & Falconetti en 1977) comme traversant la cuticule protectrice (test) de Brachiopodes (Gryphus vitreus).

TraitementsOutre l'enlèvement physique des algues (plus faciles pour les algues qui flottent ou croissent entre deux eaux), divers traitements chimiques ont été proposés, mais aucun n'est sans risque pour la santé ou l'écosystème.

Une réduction en amont de l'eutrophisation (épuration des eaux usées, bandes enherbées et lagunage naturel des eaux de ruissellement agricole) et/ou une déseutrophisation (faucardage des plantes et algues et exportation régulière de cette biomasse) sont souvent recommandées, de même que la restauration d'une diversité d'espèces locales adaptées au milieu (ex : characées, ceratophyllum, myriophyllum, potamots, nénuphars, et macrophytes de type roseau, iris, arums, etc. qui pourront concurrencer ces algues en consommant les nutriments dont elles ont besoin.

L'introduction artificielle ou en surnombre de poissons herbivores peut être contre-productive car les algues filamenteuses sont les moins appétantes pour eux, et dans les milieux fermés leurs excréments favoriseront à nouveau le cycle des algues filamenteuses.


Wikipedia



Sciences et avenir 7/8/2015

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