Admin-lane 0 Posté(e) le 24 septembre 2015 La posidonie n’est pas une algue mais une plante à fleurs sous-marine de Méditerranée. Ses peuplements, qui ressemblent à des prairies, sont en réalité des forêts offrant des services sans équivalent à l’échelle de la planète. Venant du fond des âges, la posidonie a survécu aux pires cataclysmes depuis le temps des dinosaures. Résistera-t-elle à l'Homme moderne ?Le dossier sur la Posidonie a été proposé par Charles-François Boudouresque, Professeur de biologie et d'ecologie marine, pour le magazine Futura Sciences. Il existe deux pages supplémentaires présentant les conclusions et les conseils de lecture pour en savoir davantage ou aller plus loin.... Bonne lecture.La posidonie (Posidonia oceanica) est une plante à fleurs marine présente dans presque toute la Méditerranée, et uniquement en Méditerranée ; de même que l’olivier est le symbole de la Méditerranée continentale, la posidonie caractérise la Méditerranée sous-marine. Posidonia oceanica, lors d'une plongée sous-marine à Portofino , en Italie. Yoruno CC BY-SA 3.0Par quels chemins de l’évolution la posidonie est-elle parvenue jusqu’à nous ? Où et comment vit-elle ? Qu'est-ce que la « matte », ce type de substrat unique sur notre planète, terre et mer confondues, bâti par cette plante. Répondre à ces questions en partant à la découverte de la posidonie, c'est aller à la rencontre d'un écosystème marin unique.La posidonie est en effet « ingénieur » d'un écosystème incroyable par sa production (un record planétaire) et par son organisation unique ; cet écosystème est connu sous le nom d’herbier de posidonie. Allez sur le site source, indiqué en bas à gauche pour voir toutes les photos d'origine illustrant cet article. (Je n'ai pu les importer car elle sont interdites d'utilisation).L’herbier de posidonie est non seulement un lieu de vie et d’alimentation pour de nombreux poissons, mais aussi une frayère (lieu de ponte) et une nurserie (lieu de vie des juvéniles) importantes.L’écosystème posidonie est à ce jour l’écosystème le plus utile (pour l’Homme) sur la planète. Il rend ainsi des services appelés « services écosystémiques ». C'est-à-dire des services économiques qu’un écosystème rend à l’Homme par la séquestration durable de carbone, la protection des plages contre l’érosion, le rôle de frayère, etc. La valeur monétaire à l’hectare de l'écosystème posidonie dépasserait largement celle des récifs coralliens et de la forêt amazonienne.L’Homme, comme partout sur la planète, peut cependant menacer l'écosystème et ses services ; la Méditerranée, l’un des plus anciens berceaux de civilisations, n’y échappe pas… Partez à la découverte de la posidonie et des fonds sous-marins de la Méditerranée dans ce dossier pour comprendre davantage cette incroyable plante aquatique et mieux la protéger. La Phanérogame marine Posidonia oceanica constitue entre la surface et 30-40 m de profondeur, tout autour de la Méditerranée, de vastes herbiers sous-marins. Ces herbiers jouent un rôle important d'un point de vue écologique et économique : très grande richesse faunistique et floristique (pôle de biodiversité), forte production primaire, frayère et nurserie pour de nombreuses espèces, en particulier pour des poissons d'intérêt économique, fixation des sédiments et contrôle du profil d'équilibre des littoraux sableux. Posidonia oceanica, et les herbiers qu'elle édifie, sont protégés par la loi en France (Arrêté du 19 Juillet 1988, Décret du 20 Septembre 1989) DarnaTelevision 21/11/2012 Futura Sciences 8/9/2015 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Admin-lane 0 Posté(e) le 24 septembre 2015 En 100 millions d'années, de nombreuses espèces sont nées sur notre planète, d'autres ont disparu. Les posidonies, elles, sont restées identiques, défiant l'évolution, du moins en apparence…La vie est née dans l’océan, il y a 3.850 à 3.500 millions d’années (Ma). Elle y restera cantonnée jusqu’à une époque relativement récente, en raison des effets mortels des rayons ultra-violet, en l’absence de couche d’ozone. Ces contraintes étant levées, elle conquiert les continents, il y a environ 475 Ma, à l’Ordovicien. Dans ce nouvel environnement, l’évolution est rapide et spectaculaire ; elle aboutit en particulier aux plantes à fleurs et aux mammifères. Posidonia perforata. Cette espèce vivait dans une mer peu profonde, à l’emplacement actuel de la Belgique, il y a environ 60 millions d’années. En haut à gauche : extrémité de feuilles ; à droite et en bas : rhizomes avec écailles (bases des feuilles après la chute des limbes). Cette posidonie fossile est étrangement proche, par son aspect, des posidonies actuelles. D’après Saporta et Marion (1877), DPIl y a 100 à 60 millions d’années, des plantes à fleurs terrestres, qui ressemblaient aux joncs actuels, retournent au milieu marin, d’où venaient leurs lointains ancêtres. Ce sont en particulier les zostères et les posidonies. Longtemps après, des mammifères terrestres suivront le même chemin ; ils sont devenus des phoques (qui partagent les mêmes ancêtres avec les loups), des baleines et des dauphins (qui partagent les mêmes ancêtres avec les hippopotames) et des lamantins (mêmes ancêtres que les éléphants).En 100 millions d’années, le visage de la planète a été bouleversé. Les dinosaures ont disparu, les mammifères et les oiseaux ont pris la relève. Mais les posidonies sont restées identiques, du moins en apparence. Un plongeur d’aujourd’hui, rencontrant Posidonia cretacea ou P. perforata, ne les distinguerait pas de l’actuelle Posidonia oceanica. Les posidonies étaient-elles d’emblée si parfaites qu’elles ont résisté au temps, du moins pour ce qui concerne leur aspect ?Il y a environ 5 millions d’années, la communication de la Méditerranée avec l’Atlantique s’est fermée. La Méditerranée s’est plus ou moins asséchée. La plupart des espèces qui la peuplaient ont disparu, sauf la posidonie. Par quel miracle ? On en discute, sans que l’on sache bien comment : un refuge en Méditerranée, où la salinité serait restée proche de 38 ? Un refuge dans le proche Atlantique ou en mer Noire, régions actuellement incompatibles avec ses exigences écologiques ? Aqua Jeanphi 3/12/2014Futura Sciences Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Admin-lane 0 Posté(e) le 24 septembre 2015 La posidonie, Posidonia oceanica, est constituée de rhizomes (tiges rampantes) portant des racines. Cette plante aquatique de Méditerranée est théoriquement immortelle. Ses fleurs poussent en automne et donnent des fruits au printemps. Découvrez en détail ses caractéristiques.La posidonie édifie de vastes prairies sous-marines, que l’on nomme « herbiers », entre le voisinage de la surface et 30-40 m de profondeur. Elle est constituée par des rhizomes (rampants ou dressés) terminés par des bouquets de feuilles en lanière (environ 1 cm de large et parfois plus de 100 cm de longueur). Les rhizomes portent également des racines. Feuilles de Posidonia oceanica. Alberto Romeo albertoromeo@neomedia.it http://www.romeofotosub.it CC BY-SA 2.5Les feuilles vivent entre quelques mois et un peu plus d’un an. Leur chute peut se produire tout au long de l’année, avec toutefois un maximum en automne. Les feuilles mortes peuvent alors être rejetées en masse sur les plages, où elles constituent des « banquettes ».Théoriquement, un individu de posidonie est immortel : un rhizome croît et se ramifie vers l’avant et meurt à l’arrière. À Ischia (golfe de Naples), un individu de 100 m de diamètre serait âgé de plusieurs millénaires. Rhizome Posidonia oceanica. Alberto Romeo albertoromeo@neomedia.it http://www.romeofotosub.it CC BY-SA 2.5La posidonie fleurit en automne, ce qui est inhabituel, en mer comme sur terre. Ses fleurs sont vertes, cachées sous le couvert des feuilles, de telle sorte que les rares plongeurs alors présents peuvent ne pas les remarquer. L'inflorescence de la posidonie, Posidonia oceanica, est rarement observée. THEDY Hervé Côte Bleue, Bouches du Rhône 12/2002 / Doris FFESSM Ses fruits sont murs au printemps. Ils ressemblent à des olives vertes, et bien des touristes s’y méprennent. Elle ne fleurit pas tous les ans (mais tous les 5-10 ans), ce qui n’est pas un problème pour elle : quand on peut vivre plusieurs millénaires, le tempo n’est pas le même que pour la plupart des espèces. Les fruits ne contiennent qu'une seule graine et ont la taille et la couleur d’olives. Il leur faudra 6 à 9 mois pour mûrir. Entre mai et juillet ils se détachent et se disséminent en flottant. BRUCY Claire Les grottes, Saint Cyr-sur-Mer (83), 15/04/2010 / Doris FFESSMQuand elle fleurit, la floraison est massive et coordonnée sur une vaste aire géographique. Il s’agit sans doute de la stratégie dite de la « saturation du prédateur ». Les fleurs et fruits étant très appréciés par les herbivores, tout serait consommé si leur production était régulière et prévisible. Au contraire, leur production massive, coordonnée et imprévisible (pour le consommateur) empêche leur consommation totale (les prédateurs sont saturés) et permet à une partie des graines de germer.Futura Sciences Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Admin-lane 0 Posté(e) le 24 septembre 2015 La posidonie comporte des rhizomes terminés par des bouquets de feuilles en lanière. Les feuilles, très denses (plusieurs milliers par m²) piègent des sédiments. Les rhizomes réagissent à l’ensevelissement par une croissance verticale. Le fond s’élève donc. On nomme matte l’ensemble des rhizomes, pratiquement imputrescibles, et du sédiment qui colmate les interstices.La montée de la matte, au-dessus du fond initial, est comprise entre 10 cm et 1 m par siècle. L’épave romaine du golfe de Giens (Provence orientale), datée du 1er siècle avant notre ère, avec son millier d’amphores contenant du vin italien, a ainsi été enfouie (et préservée) sous 3 m de matte. L'herbier en bonne santé est dense, continu, presque monotone. En plongée au-dessus de ce champ ondoyant, on peut facilement perdre ses repères et avoir le mal de mer... HARMELIN Jean-Georges Côte d'Azur 19/05/2005. Doris FFESSMEn mode battu, l’hydrodynamisme empêche l’herbier de s’approcher de la surface. L’herbier est détruit et il en résulte une pénéplaine de « matte morte ». Dans les baies abritées, en revanche, l’herbier s’approche de la surface et édifie un « récif-frangeant ». Au cours du temps, comme dans les récifs coralliens, le récif-frangeant progresse vers le large et devient un « récif-barrière », isolant un lagon. La croissance en hauteur des rhizomes de posidonie conduit à la formation, au fil des siècles, d'un sol appelé matte, formé de l’entrelacement de rhizomes et de racines compactés par des sédiments. La matte peut atteindre plusieurs mètres d’épaisseur. HARMELIN Jean-Georges? Stareso, Calvi, Corse, 16 m 10/2008. Doris FFESSMAu sein de la matte, du carbone est piégé, séquestré de façon durable. Cela signifie qu’il peut y demeurer pendant des millénaires, et même des millions d’années. Il sera alors intégré dans la genèse des hydrocarbures. Quelques millions d’années plus tard, ce sera le pétrole que l’Homme extraira, pour son bien (l’énergie) et pour son mal (le CO2 rejeté, l’effet de serre et le réchauffement du climat).Autour de la Méditerranée, certains gisements de pétrole (Algérie, Tunisie, Libye) correspondent à d’anciens herbiers de posidonies. Il convient toutefois de souligner que d’autres peuplements que les herbiers ont été à l’origine, au cours des temps géologiques, de gisements d’hydrocarbures.Futura Sciences Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Admin-lane 0 Posté(e) le 24 septembre 2015 Les écosystèmes terrestres sont basés sur des organismes photosynthétiques (végétaux) qui produisent une matière organique riche en composés chimiques très difficile à digérer et à reminéraliser (cellulose, lignine, etc.). Cette matière organique est donc peu consommée par des herbivores. Elle constitue des détritus dégradés par un ensemble d’organismes que l’on réunit sous le nom de BAFSH (Bactéries, Archées, Fungi et Straménopiles Hétérotrophes).Les archées étaient autrefois confondues avec les bactéries. Fungi et straménopiles hétérotrophes font partie d’un vaste ensemble polyphylétique (= hétérogène) que l’on nommait populairement « champignons ». BAFSH et détritus sont consommés par les « détritivores ». Le recyclage naturel est lent : plusieurs années, parfois plus de 10 ans. Nous connaissons bien le tapis de feuilles mortes des sous-bois forestiers.Les écosystèmes marins, tout au moins ceux qui sont assez superficiels pour bénéficier de l’énergie lumineuse, sont généralement basés sur des organismes photosynthétiques (« algues rouges », « algues brunes ») qui produisent une matière organique riche en composés organiques en général faciles à digérer (sauf quand ils sont défendus pas des toxines) et toujours faciles à reminéraliser (alginates, carraghénanes, etc.). Cette matière organique est donc largement consommée et son recyclage est rapide : quelques semaines à quelques mois.L’herbier de posidonie est un écosystème unique, en ce sens qu’il juxtapose, qu’il additionne, la matière organique à recyclage lent, la posidonie et celle à recyclage rapide, les organismes qui vivent sur les rhizomes et les feuilles.Au total, la matière organique produite chaque année (la production primaire nette) est considérable et peut se situer au voisinage des records planétaires, terre et mer confondues : entre 2 et 3 kg de masse sèche/m²/an. Cette valeur est « nette », c’est-à-dire que l’on en a déduit les pertes, liées par exemple à la respiration et à la production de composés dissous.Cet écosystème rappelle les ecosystèmes les plus riches, les écosystèmes forestiers continentaux; sa biomasse végétale élevée étant peu utilisée par les herbivores mais transférée (jusqu'à 85%!) pour les détritivores; sa biomasse animale se touvant concentrée dans la "matte". Image http://mglebrusc.free.fr/textes/le%20milieu/herbier_posidonie.htmlLes feuilles de posidonie, peu consommées, s’accumulent dans la litière, sont dégradées et fragmentées, en particulier par les détritivores ou bien sont exportées vers d’autres écosystèmes.Les épibiontes des feuilles, en même temps que la faune de filtreurs et de suspensivores (consommateurs passifs de matière en suspension dans l’eau), sont activement consommés par des herbivores, eux-mêmes consommés par des prédateurs.Consultez ICI, la liste des espèces vivant dans le milieu des herbiers de Posidonie (liste non exhaustive).Futura Sciences Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Admin-lane 0 Posté(e) le 24 septembre 2015 L’écosystème posidonie n’est pas isolé des autres écosystèmes : il exporte des masses considérables de matière organique vers d’autres écosystèmes, où elles jouent un rôle majeur. Inversement, il importe des sels nutritifs et de la matière organique depuis de vastes zones côtières et du large.Cette importation, véritable exploitation des autres écosystèmes, qui met en œuvre des processus extrêmement efficaces, permet d’expliquer l’extraordinaire richesse de l’écosystème (en plus de la double nature de la production primaire, déjà mentionnée). L’herbier de posidonie peut ainsi être comparé à une plateforme d’import-export, dans un port ou un aéroport. Le corb, corb noir ou corbeau de mer (Sciaena umbra) est un poisson qui mesure généralement 30 à 40 cm. On le rencontre fréquemment en petits bancs à l'abri d'un rocher ou d'une faille où il peut se cacher facilement. C’est l’un des plus beaux poissons de Méditerranée, devenu rare là ou n’est pas protégé. L’herbier de posidonie serait sa principale nurserie ; par la suite, il émigre vers des habitats rocheux. Vyskocil CC BY-SA 3.0De la matière organique est exportée, passivement (feuilles mortes), Carbone organique dissout, ou activement, hors de l’écosystème. L’exportation active est représentée par les adultes de poissons qui quittent leur habitat de juvéniles, ou qui regagnent leur refuge après des raids alimentaires et par les poissons capturés par des oiseaux marins tels que le cormoran Phalacrocorax et, en Corse, l’aigle pêcheur Pandion.Enfin, les racines et les rhizomes de la posidonie, après leur mort, restent enfouis mais ne se décomposent pas, en raison de composés chimiques qui les rendent peu putrescibles ; la matte constitue ainsi un « puits » pour le carbone, c’est-à-dire un lieu où il peut être stocké pendant des millénaires ou des millions d’années. L’emblématique mérou (Epinephelus marginatus) ne vit pas dans l’herbier de posidonie. Mais il ne s’interdit pas d’y faire des incursions. Le mérou brun (Epinephelus marginatus en train d'être renommé Mycteroperca marginata), aussi appelé mérou de Méditerranée, mérou noir, mérou rouge ou mérou sombre est un poisson emblématique de la Méditerranée. Il fait partie des huit espèces de mérous recensées dans la MéditerranéeRanko CC BY-SA 3.0Inversement, l’herbier de posidonie importe de la matière organique, à partir de la colonne d’eau sus-jacente. Le plancton et la Matière organique morte (MOP) de la colonne d’eau sont consommés par les poissons (téléostéens) planctivores (mangeurs de plancton) qui y vivent. Plancton et MOP dérivent avec la masse d’eau, au gré des courants. Quand ils passent au-dessus de l’herbier de posidonie, ils sont piégés et consommés par les filtreurs et suspensivores qui y vivent. Les castagnoles (Chromis chromis), qui ont exploité tout le jour le plancton de l’eau qui arrive avec le courant, se rapprochent du fond le soir, pour aller se cacher dans l’herbier et y dormir. iCI, cette photo montre un banc en Grèce. Roban Kramer CC BY-SA 2.0Il en résulte que l’écosystème posidonie exploite la production de vastes zones marines, très au-delà des côtes. Par ailleurs, les poissons planctivores de la colonne d’eau, tels les castagnoles, descendent dormir la nuit dans l’herbier. Là, ils sont la proie des prédateurs nocturnes, comme les rascasses et les congres. Les membres du genre Conger sont les congres proprement dits. Ce sont des poissons téléostéens pisciformes, serpentiformes. En tant que prédateur, haut placé dans le réseau trophique, cette espèce fait partie de celles qui peuvent accumuler des quantités très importantes de contaminants, polluants et substances non-réglementées mais indésirables, souvent au delà des normes de commercialisation. NOAA / domaine publicCette capacité à exploiter, directement par filtration, indirectement via les poissons planctivores, de vastes zones marines côtières, d’une surface plusieurs dizaines de fois supérieure à celle de l’herbier, constitue une des clés de l’incroyable productivité de l’herbier. La saupe Sarpa salpa fait partie des prédateurs importants de l'herbier. Les empreintes de ses coups de dents sont bien visibles sur les feuilles. En premier plan, une castagnole Chromis chromis qui se nourrit le jour au-dessus de l'herbier qui lui sert de refuge la nuit. ANDRÉ Frédéric Port Cros (83), 8 m 06/2006 / Doris FFESSMTout ce qui précède décrit le fonctionnement d’un écosystème, l’écosystème posidonie. Mais, en fin de compte, pourquoi le qualifier d’écosystème miracle ? Pour cinq raisons :- La production de matière vivante par la photosynthèse (production primaire) est remarquablement élevée.- La juxtaposition de deux types de production primaire (à recyclage long et à recyclage court) constitue une caractéristique rare et un facteur de succès : elle permet d’associer une ressource alimentaire durable, d’une saison à l’autre et d’une année à l’autre (la sécurité) et une abondance saisonnière (effet d’aubaine).- La gestion de l’azote permet de bâtir un écosystème très riche dans une mer très pauvre en sels nutritifs, la Méditerranée (on la qualifie d’oligotrophe) ; le secret ? Un système unique de recyclage de l’azote (non décrit ici) ; comme dans les écosystèmes coralliens, mais par des voies très différentes, un atome d’azote piégé dans l’écosystème y restera très longtemps.- L’exploitation de l’écosystème pélagique (ce qui vit dans la colonne d’eau) et de sa production sur de vastes espaces marins, très largement supérieurs à l’extension des herbiers de posidonie, grâce aux courants marins.- Les services écosystémiques fournis à l’Homme par l’herbier de posidonie.Futura Sciences Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Admin-lane 0 Posté(e) le 24 septembre 2015 Bien cachés à l’ombre des feuilles de posidonie ou exposés à l’affût au-dessus de l’herbier, les poissons (pour être rigoureux, on devrait plutôt parler de téléostéens) sont omniprésents dans l’écosystème posidonie. Parmi les 600 espèces de poissons de Méditerranée, au moins 20 % sont présentes de manière régulière dans l’herbier.À l’échelle d’un poisson, l’écosystème posidonie offre un habitat aux dimensions et à la complexité comparables à celles d’une forêt. Tous les étages de cet habitat sont occupés, depuis le sol et les rhizomes, par des poissons qui s’y cachent, jusqu’au-dessus de la canopée, par les poissons de pleine eau qui y recherchent le plancton. Temporaire ou permanente, la présence de ces espèces fluctue dans le temps (jour, nuit, saisons) et dans l’espace. Un labre merle, Labrus merula, est un poisson de la famille des Labridae qui se rencontre en Méditerranée et dans les eaux Atlantique attenantes. . Etrusko25 / domaine publicL’herbier abrite de nombreuses espèces permanentes comme les rascasses (Scorpaena spp.) ou des Labridae, communément appelés labres. Ces espèces y trouvent leur nourriture mais également un environnement mimétique permettant une chasse à l’affût et un repos dans des conditions optimales. Certaines espèces ont même développé des tenues de camouflage dignes des meilleurs agents secrets. C’est le cas du siphonostome (Syngnathus typhle) qui se confond avec les feuilles de posidonie en épave. 1blog.2bio.org 22/8/2011L’herbier constitue un dortoir nocturne pour des espèces diurnes de pleine eau qui viennent s’y réfugier la nuit, comme les castagnoles (Chromis chromis). C’est l’occasion, pour ces espèces d’opérer des transferts de matière organique de la colonne d’eau vers le benthos (ce qui vit au niveau du fond) et inversement. Scorpaena porcus, communément nommé rascasse brune, est une espèce de poisson marin benthique. C'est un redoutable prédateur de poissons. Le jour, elle dort, protégée par ses épines venimeuses. La nuit, elle part à la chasse des castagoles endormies. Dmitriy Konstantinov CC BY-SA 3.0L’herbier est également la nurserie idéale pour de nombreux juvéniles de poissons. On y voit au printemps et en été des essaims de Sparaillons (Diplodus annularis), des juvéniles de castagnoles bleu électrique et de nombreuses espèces d’intérêt commercial qui peuvent se réfugier entre les feuilles. Sans l’herbier, de nombreuses espèces côtières exploitées par la « pêche aux petits métiers » (la pêche artisanale) seraient beaucoup moins abondantes. Typique de la pêche artisanale dans l’herbier, les poissons dits de la soupe en sont un bon exemple. Le Sparaillon (Diplodus annularis) est une espèce de la famille des sparidés pouvant atteindre jusqu'à 24 cm de long. Il est présent en Atlantique Est et en Méditerranée. Alberto Romeo albertoromeo@neomedia.it CC BY-SA 3.0Tous les niveaux trophiques sont représentés : depuis les herbivores, comme la saupe Sarpa salpa, les consommateurs de petites proies (crustacés, annélides), comme le serran écriture (Serranus scriba), jusqu’aux piscivores, comme le congre (Conger conger), les motelles (Gaidopsarus spp.), ou le labre vert (Labrus viridis). Les feuilles de posidonie contribuent beaucoup moins que les épibiontes au régime alimentaire des brouteurs de l’herbier, en particulier à cause de leur moins grande richesse nutritive. Le serran écriture est un poisson benthique de mer Méditerranée proche du mérou.. En tant que prédateur vorace, le serran écriture défend un territoire temporaire et chasse à l'affût. Ce carnassier se nourrit d'annélides, de petits crustacés, de céphalopodes et de petits poissons. Marie-Françoise CC BY-SA 3.0Le plongeur qui nous lit trouve peut-être exagérées notre description de la richesse en poissons de l’herbier. Quand il se déplace au-dessus de l’herbier, il a en effet l’impression de nager dans un désert, si l’on excepte les saupes et les castagnoles. La raison en est que les poissons repèrent le plongeur bien avant qu’il ne les ait vus ; quand il passe, tout ce monde s’est depuis longtemps réfugié sous l’épaisse canopée, sans compter les organismes qui y vivent en permanence à l’abri des regards. La saupe (Sarpa salpa) est une espèce de poisson, appartenant à la famille des sparidés, commune en Méditerranée. C'est l’un des principaux herbivores de l’herbier de posidonie. Elle consomme les feuilles en même temps que leurs épibiontes (les organismes qui utilisent les feuilles comme support). Tino Strauss CC BY-SA 3.0Futura Sciences Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Admin-lane 0 Posté(e) le 24 septembre 2015 On appelle « services écosystémiques », les services qu'un écosystème rend à l'homme. Il s’agit bien sûr d’une image... L’écosystème constitue un niveau d’organisation, pas un superorganisme et encore moins un être pensant. Il n'est pas « programmé » pour nous rendre service, ne cherche pas à nous rendre service et n’attend rien de nous en échange.Quoi qu’il en soit, l’écosystème produit des biens que l’homme peut utiliser à son profit ; par exemple du bois dans les écosystèmes forestiers, des poissons appréciés par les populations locales dans les écosystèmes marins. L’écosystème produit également des services. Ces services n’ont de sens que par rapport à l’homme et à la civilisation actuelle. Banquette de posidonies. Plage occupée par une grande banquette (feuilles mortes) de Posidonia oceanica. PERRIER Philippe Port-Cros (83) 02/2005 / Doris FFESSMStabiliser l’extension d’une plage, ce que contribue à faire l’herbier de posidonie, n’a pas de valeur absolue et cette extension des plages n’a jamais cessé de varier naturellement au cours des temps géologiques. L’intérêt de l’homme pour les plages (et leur stabilité), dans le contexte de la civilisation des loisirs, est ultra-récent. C’est donc dans le contexte actuel que la protection des plages par l’herbier de posidonie représente un service écosystémique.En effet, les communes dépensent des sommes considérables pour maintenir les plages, quand l’herbier est dégradé, grâce à des opérations de ré-ensablement. Ré-ensablement qui règle à très court terme le problème (l’été qui vient), mais qui l’accentue pour les années qui viennent, en aggravant la dégradation de l’herbier.Les services qu'offrent les Posidonies1 - produire de la nourriture : L’écosystème posidonie constitue d’abord une énorme source de nourriture, directe (via les herbivores) et indirecte (via les détritivores). Directement et indirectement, l’homme en tire profit au travers de la pêche. Ce profit est considérable : 30 à 40 % des prises de la pêche en Méditerranée résultent de l’herbier de posidonie (alors qu’il couvre moins de 2 % de sa surface).2 - créer une frayère et une nurserie pour les poissons : L’écosystème posidonie constitue une frayère (lieu de ponte) et une nurserie (habitat des larves et juvéniles) pour de nombreuses espèces, en particulier pour des espèces d’intérêt économique. Certaines de ces espèces poursuivent leur vie dans l’herbier ; d’autres le quittent pour d’autres écosystèmes. C’est la densité des feuilles, et la protection qu’elles offrent aux larves et juvéniles vis-à-vis des prédateurs, qui expliquent ce rôle. 3 - fournir des ressources grâce aux feuilles mortes : Une grande partie de la production de l’herbier est exportée, sous forme de feuilles mortes, vers d’autres écosystèmes. Cela peut représenter 40 % de la production. Sur les plages, les feuilles mortes constituent des « banquettes » plus ou moins provisoires : une tempête peut ramener à la mer les dépôts qu’une autre tempête a accumulés. Dans la plupart des écosystèmes marins, du voisinage de la surface jusqu’aux canyons sous-marin, à plusieurs centaines de mètres de profondeur, ces feuilles mortes constituent une ressource alimentaire majeure.4 - retenir les sédiments : Les longues feuilles de la posidonie, dont la densité peut dépasser plusieurs milliers par mètre carré, atténuent considérablement l’hydrodynamisme. Les sédiments piégés sont donc retenus ; leur remise en suspension est modérée et la turbidité de l’eau est ainsi limitée lors des tempêtes.5 - séquestrer le carbone : Au sein de la matte, les racines et rhizomes morts sont quasi-imputrescibles. Le carbone qu’ils contiennent est donc séquestré. Cette séquestration est durable, à l’échelle des temps géologiques. Elle contribue à limiter l’accroissement du CO2 atmosphérique dû aux activités humaines. Aux Baléares, par exemple, 10 % du CO2 émis chaque année par les activités humaines est piégé durablement dans la matte de posidonie. Il est important de souligner la durabilité de cette séquestration, contrairement à la séquestration dans la biomasse (matière vivante) du plancton océanique, hautement provisoire, et à celle de la forêt, limitée par la durée de vie des arbres (quelques siècles en général). A très long terme, le carbone séquestré par les posidonies peut être à l’origine de gisements de pétrole.6 - produire de l'oxygène : Il est souvent affirmé que « les végétaux produisent de l’oxygène, grâce à la photosynthèse ». C’est vrai et faux à la fois. En effet, la dégradation de la matière organique consomme exactement la même quantité d’oxygène que celle produite par la photosynthèse. Le bilan est donc normalement nul. Ce n’est que lorsque du carbone est séquestré durablement qu’il y a un bilan positif pour l’oxygène. L’oxygène de notre atmosphère correspond à la non-reminéralisation d’une partie de la biomasse, au cours des temps géologiques, biomasse transformée en charbon, lignite, pétrole, etc. Si l’herbier de posidonie produit effectivement de l’oxygène, c’est grâce à la séquestration durable de carbone.7 - réduire la force de la houle et la vitesse des courants : Un herbier de posidonie, pour des raisons liées à la dynamique des fluides, réduit la force des houles et la vitesse des courants dans la colonne d’eau qui le surmonte. Il contribue donc à protéger les plages contre l’érosion, lors des tempêtes.8 - protéger les plages contre l'érosion : Les banquettes de feuilles mortes, qui s’accumulent sur les plages contribuent également à les protéger contre l’érosion. Les maires les font souvent enlever, pour le confort supposé des touristes, touristes qui, surtout quand ils sont informés des enjeux, sont beaucoup moins demandeurs que ne le croient les maires.Les feuilles mortes des banquettes sont souvent envoyées dans une décharge, ce qui est contre-productif : c’est totalement illégal en France (Arrêté du 19 Juillet 1988). En cas de plainte, le Maire peut être condamné. d’un point de vue écologique, la mise en décharge de milliers de tonnes de feuilles mortes, qui ont vocation à retourner au milieu marin et à y être consommées, représente un déficit pour ce dernier, en particulier pour la pêche. Enfin, l’érosion des plages est accélérée, avec pour conséquence le coûteux et provisoire ré-ensablement, qui contribue à détruire les herbiers de posidonie et à accélérer le phénomène, selon un « parfait » cercle vicieux.9 - stabiliser les dunes : Une partie des feuilles mortes de la banquette est entraînée par le vent vers la dune d’arrière-plage ; ces feuilles contribuent mécaniquement à stabiliser la dune. En outre, elles représentent la principale source d’azote pour les végétaux de la dune et de l’arrière-dune, végétaux qui contribuent eux aussi à stabiliser la dune. Comme la banquette de feuilles mortes, la dune d’arrière-plage constitue un élément important pour la stabilité de la plage. Malheureusement, les aménagements littoraux se sont souvent faits aux dépens de cette dune, à une époque où l’on méconnaissait son rôle. Quand c’est encore possible (absence de constructions), la restauration de la dune est activement favorisée, comme c’est le cas le long du tombolo de Giens (Provence).Les services écosystémiques font directement référence à l’homme et à l’usage qu’il fait des milieux naturels. Une valeur monétaire peut donc leur être attribuée, même si cette « marchandisation » de la nature peut choquer. L’échelle des valeurs surprend souvent le grand public. Ce dernier suppose que la forêt amazonienne vient en premier ; en fait, les herbiers marins, tels que les herbiers de posidonie, l’emportent très largement sur les forêts tropicales, et même sur les récifs coralliens. La valeur économique d’un hectare de posidonie est en fait colossale ; elle est principalement due à la protection des plages, à la séquestration durable du carbone dans la matte et à la promotion de la pêche en Méditerranée.Futura Sciences Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Admin-lane 0 Posté(e) le 24 septembre 2015 La posidonie n’est pas une « petite nature ». Ce n’est pas par hasard si elle a traversé les temps géologiques. Ce n’est pas non plus par hasard si elle domine le littoral méditerranéen, d’est en ouest et du nord au sud. Sur le long terme, et en l’absence d’impact de l’homme, elle est imbattable. Pourtant, sur le court terme, elle est vulnérable.La croissance très lente de la posidonie, sa morphologie, sa stratégie de gestion de l’azote et d’exploitation des écosystèmes limitrophes, sortes de rouleaux compresseurs vis-à-vis des compétiteurs sur le long terme, dans une mer oligotrophe (naturellement pauvre en sels nutritifs tels que l’azote) constituent des handicaps sur le court terme. L’herbier de posidonies est couvert de détritus de toutes sortes ; on y trouve même des restes de palmes et de masques de plongée ! Et la faune ici est dans un triste état, à l’anse Bernardi (Pyrénées Orientales. Photo DivoseaL’herbier de posidonie a régressé au voisinage des grands centres industrialo-portuaires, tels que Barcelone, Marseille, Gênes, Naples, Athènes et Alger. La cause en est principalement le recouvrement sous les aménagements littoraux (ports, terrepleins) et la pollution aigüe.L’herbier a également régressé, vers sa limite inférieure, dans une grande partie de la Méditerranée, en raison des chalutages, théoriquement interdits (distance à la côte, profondeur), mais dont l’interdiction est peu respectée.Quand le grand public pense aux « zones de non-droit », il pense à certaines banlieues de grandes villes. Il ignore que les espaces côtiers sont également une zone de non-droit, pour des raisons diverses (difficulté de la surveillance, manque de moyens de surveillance et/ou tolérance délibérée). D’autres impacts sont à considérer : impact des ancres (surtout quand il s’agit de bateaux de grande taille, tels que les bateaux de croisières), espèces exotiques invasives, fermes aquacoles, etc. On a souvent considéré l’herbier de posidonie au travers de sa seule extension cartographique. Cette vision était nécessaire, et le reste, mais est aujourd’hui complétée, dépassée, par l’approche écosystémique. Un herbier de posidonie dont l’espèce édificatrice, Posidonia oceanica, paraîtrait en bonne santé, mais dont les principaux compartiments fonctionnels seraient gravement dégradés, ne mériterait pas le nom « d’écosystème posidonie » en bon état écologique (GES : Good Ecological Status, selon la nomenclature européenne).Futura Sciences Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites