Animal 0 Posté(e) le 19 mai 2005 Deux ans d’embargo Isabelle Bérubé, laterre.ca Le 20 mai 2003, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) annonce la découverte, en Alberta, d’une vache atteinte d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Bien futé celui qui aurait pu prévoir que cette découverte allait bouleverser le secteur bovin pendant plus de deux ans. L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) amorce alors un véritable branle-bas afin d’identifier la source de contamination de l’animal. Le lendemain, les États-Unis et une dizaine d’autres pays, dont le Japon, imposent un embargo sur le bœuf canadien et tous les produits issus de ruminants (moutons, chèvres, wapitis). De nombreuses fermes sont mises en quarantaine dans l’ouest du pays et 2700 bêtes sont abattues. La fin de l’enquête, quelques semaines plus tard, n’entraîne pas automatiquement la levée des embargos. Le Japon, premier importateur de bœuf américain, exige de son partenaire commercial qu’il mette en place un meilleur système de traçabilité en testant notamment toutes les carcasses pour confirmer l’absence du prion de l’ESB. Le Japon veut ainsi se prémunir d’importer de la viande américaine ayant transité par le Canada. Il faudra attendre en 2005 pour que le Japon consente à renoncer au testage systématique. Les suites de l’embargo se font rapidement sentir dans tout le pays. La fermeture de la frontière entraîne des pertes d’emplois dans les abattoirs, les usines de transformation et chez les transporteurs. Sur les fermes, les animaux s’entassent. Le Canada mesure alors toute sa dépendance commerciale vis-à-vis les États-Unis. Les prix dégringolent Les vaches de réforme, dont la majorité était auparavant écoulée sur ce marché, perdent rapidement de la valeur. Les prix payés par les abattoirs ne couvrent plus les coûts de production. Pourtant, la viande continue d’afficher les mêmes prix sur les tablettes des supermarchés. En août 2003, Québec annonce la tenue d’une étude, et Ottawa d’une enquête, afin de mieux comprendre cette dynamique des prix. Les conclusions ne satisferont que les transformateurs et les distributeurs. Frustrés des prix qu’ils obtiennent auprès des abattoirs, des éleveurs choisissent d’écouler leur viande directement à la ferme. En Estrie, un groupe vend même sa viande directement aux consommateurs, avec l’appui de la branche régionale de l’Union des producteurs agricoles (UPA). En août 2003, les États-Unis annoncent une levée partielle de l’embargo. Ils acceptent la viande issue de jeunes bœufs, mais exigent que ceux-ci soient abattus dans des installations n’accueillant pas d’animaux de plus de 30 mois. Un premier chargement de veaux de grain traverse la frontière le 8 septembre 2003. En octobre 2003, la pression est à son comble. Réclamant plus d’aide des gouvernements, les éleveurs du Québec entament une série de manifestations. En colère, un éleveur du Saguenay-Lac-Saint-Jean abat une vache et un veau devant les caméras de télévision. Le geste, qualifié de «malheureux», jette tout un émoi dans les médias de la province. Loin de renier le coup d’éclat, les producteurs de cette région menacent d’organiser un abattage collectif. Partout au Québec, des vaches de réforme sont symboliquement données aux députés provinciaux et fédéraux. Un abattoir pour les éleveurs Quelques mois après la mise en place de l’embargo, les éleveurs du pays songent à acheter un abattoir afin de réduire leur dépendance vis-à-vis des transformateurs canadiens. En novembre 2003, les producteurs du Québec déposent une première offre pour l’achat de l’abattoir Les Cèdres dans la région de Vaudreuil. La tentative échoue et ils se tournent immédiatement vers l’abattoir Colbex de Saint-Cyrille-de-Wendover pour réclamer l’établissement d’un prix plancher de 35 ¢ la livre. En décembre, la Fédération des producteurs de bovins du Québec (FPBQ) dépose une plainte contre cet abattoir pour dénoncer ce qu’elle qualifie de «pratiques monopolistiques abusives». La FPBQ demande la réouverture de la convention qui la lie à cet acheteur. L’affaire ira jusqu’en arbitrage. Un an plus tard, les discussions prennent une autre tournure alors que la FPBQ négocie l’achat des installations de Colbex, qui achète et transforme 90% des vaches de réforme produites dans la province. Les premières rumeurs entourant une participation de la FPBQ dans l’entreprise remontent à décembre 2003, alors que la FPBQ dépose sa plainte auprès du Bureau de la concurrence. L’achat n’est confirmé que le 31 mars 2005. Tel que promis lors du congrès général de l’UPA en décembre, Québec annonce alors qu’il comblera la différence entre le prix du marché et celui réclamé par les éleveurs, auparavant fixé à 42 cents la livre. Jamais deux sans trois Sept mois après la découverte du premier cas, soit au cours des fêtes de 2003, les États-Unis annoncent la découverte d’un premier cas d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). On apprendra plus tard qu’il s’agissait d’une vache importée d’Alberta. L’animal en cause est né avant l’interdiction d’ajouter des sous-produits de ruminants dans l’alimentation des animaux de la même espèce. Les discussions entre le Canada et les États-Unis pour la reprise du commerce des animaux vivants sont reportées. Il faudra attendre jusqu’en avril 2004 pour que nos voisins du sud recommencent à importer toutes les coupes de viandes issues d’animaux de moins de 30 mois. Ceci inclut le bœuf haché, le bœuf non désossé et la viande industrielle. En juin, on s’inquiète de nouveaux cas possibles aux États-Unis, mais ces hypothèses, pourtant lancées par les autorités, s’avèrent finalement non fondées. Près de 18 mois après la mise en place de l’embargo, soit le 25 novembre 2004, le département américain dépose le projet de règlement permettant la réouverture de la frontière aux bovins et autres ruminants canadiens sur pattes. Les espoirs des producteurs s’évanouissent quelques semaines plus tard avec la découverte d’un second, puis d’un troisième cas d’ESB au pays. Malgré tout, les États-Unis maintiennent leur décision de rouvrir la frontière aux animaux vivants. Il faudra l’intervention, devant la Cour du Montana, d’un groupe de pression, le R-Calf, pour empêcher la reprise du passage des ruminants à la frontière. L'origine du cas de vache folle de mai 2003 demeure un mystère. Les cas découverts à la fin de 2004 sont attribués aux farines d’origine animale qui auraient été ajoutées aux moulées par les fabricants en dépit de l’interdiction. Aide financière Dés le début de l’embargo, les producteurs réclament de l’aide pour pallier les manques de revenu associés aux pertes de marché ainsi qu’au faible prix payé par les abattoirs pour les animaux. Un peu moins d’un mois après la découverte de la première vache folle, le fédéral annonce une aide de 190 M$. Les provinces contribueront à raison de 40%. Cette première annonce ne comble pas les besoins des éleveurs qui disent perdre entre 300 et 400 $ la tête. Ils devront attendre jusqu’à la mi-octobre 2003 pour que Québec consente enfin à rouvrir son portefeuille. La province accorde alors 10 M$ en indemnités. Ottawa refuse d’abord de contribuer, puis se résout, en novembre, à entamer des pourparlers. Un montant supplémentaire de 120 M$ est annoncé à la fin du mois par le ministre fédéral de l’Agriculture du moment, Lyle Vanclief. L’apport de Québec permet de dédommager les producteurs de lait également frappés par l’embargo puisqu’ils ne peuvent pas vendre leurs animaux de réforme sur le marché américain. En mars 2004, le fédéral annonce la somme de 995 M$. Il s’agit du Programme d’aide transitoire à l’industrie (PATI). À l’automne, soit un an et demi après la mise en place de l’embargo, Ottawa s’attaque au surplus d’animaux avec l’annonce d’une nouvelle entente de 488 M$ visant à augmenter la capacité d’abattage au pays et à réduire la dépendance vis-à-vis le marché d’exportation américain. Québec ajoute 19 M$ malgré que les éleveurs québécois jugent le programme inadapté à leurs réalités. Ces derniers commencent à parler de la nécessité d’instaurer un prix plancher pour la viande. Après une série de manifestations en province et un passage difficile pour la ministre de l’Agriculture du Québec d’alors, Françoise Gauthier, cette dernière annonce que 7,6 M$ seront débloqués pour garantir un prix plancher aux bovins de réforme. Le 29 mars 2005, Ottawa annonce un milliard pour les agriculteurs. La plus grande part de cet argent ira aux producteurs de grandes cultures. Les éleveurs de bovins et de ruminants recevront environ 18% de cette somme, soit 18 M$. Le marché d’exportation de viande de bœuf valait environ 4,1 milliards de dollars en 2002. http://www.laterre.ca/index.php?action=detailNouvelle&menu=§ion=dossier&idArticle=2525 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites