Animal 0 Posté(e) le 22 mai 2005 SEVRAGE TERRIBLE Par Emmanuelle Arès, agronome Le Bulletin des Agriculteurs Mars 2005 « combien de veaux sont sevrés sur vos autoroutes, durant le transport ? » a demandé un conférencier lors du dernier colloque de la Société des parcs d’engraissement du Québec. Les rires dans la salle ont donné le ton : trop souvent. Pourquoi cette séparation du petit de sa mère devrait-elle être si dure ? Les engraisseurs en subissent les contre-coups, mais les veaux sont bien les premières victimes. Stress, perte de poids, maladies, déshydratation, c’est ce qui attend généralement les veaux qui n’ont pas été pré-conditionnés par leurs éleveurs. « Les règles du jeu changent quand un veau, habitué à un certain statut sanitaire, se retrouve parmi d’autres veaux de différentes fermes, explique le Dr Bryan McMurry, de Cargill Animal Nutrition. A partir du sevrage, tout est différent de ce qu’il a toujours connu avant : l’alimentation, les manipulations, l’environnement. » Selon le Dr McMurry, on sous-estime les impacts psychologiques et pathologiques entourant le sevrage et le transfert au parc d’engraissement. « En un mot, la transition entre le sevrage et l’entrée au parc est synonyme de stress. » Un point, c’est tout. Le mieux qu’on puisse faire, dans ces conditions, est de réduire ce stress au minimum. Ce stress a un coût. Il se manifeste par une réduction de la consommation (où est la mangeoire/l’abreuvoir? Comment fonctionne-t-il ? quel est cet aliment ? que goùte-t-il ?), une morbidité et une mortalité accrues, et une baisse généralisée de la performance. En conséquence, un engraissement plus long, plus coûteux, et une baisse de la rentabilité. Bryan McMurry donnait l’exemple d’un abreuvoir en béton imitant une rigole, que son pjère avait aménagé pour les veaux de retour au ranch après un séjour de plusieurs mois dans les montagnes. Cet abreuvoir les attirait grâce au bruit connu et rassurant de l’eau courante, alors que les réservoirs, synonymes de trous d’eau, les effrayaient. Les solutions sont parfois bien simples. Santé et performance « Le défi en parc d’engraissement est de gérer la santé et la performance des bêtes en période de stress », affirme le Dr McMurray. La façon dont vos installations sont conçues, autant à la ferme d’élevage qu’à la réception au parc, diminuera ou augmentera le stress des veaux. Un bon programme de vaccination, de traitements antiparasitaires et l’alimentation à la dérobée sont toutes des façons d’améliorer les chances de vos veaux. Le stress et la nutrition sont étroitement reliés. Le premier impact est sans contredit la baisse de consommation. Dans la bible des nutritionnistes, le NRC, on peut lire que « la consommation diminue de plus de 50% chez le bétail fiévreux et souffrant de maladies respiratoires ». Une étude commanditée par le NRC l’a clairement démontré. On a donné à deux groupes de veaux deux rations alimentaires différentes : l’une conçue pour répondre aux besoins rguliers des veaux, et l’autre répondant aux besoins accrus reliés au stress. Six semaines après l’arrivée au parc d’engraissement, on dénote encore un gain moyen quotidien (GMQ) supérieur dans le deuxième groupe (besoins accrus comblés). Après deux semaines, le premier groupe démontrait un GMQ de 1,86 lb/j. alors que le second groupe maintenait un GMQ de 2.76 lb/j. Après six semaines, l’écart était diminué mais se maintenait avec 2.22 lb/j pour le premier groupe contre 2.42 lb/j pour le second. En deux mots : des veaux en santé rapportent plus. Comment çà marche ? Avant que tout animal puisse combattre un pathogène ou recouvrer la santé, son système immunitaire doit être fonctionnel et apte à réagir. Ce système produit en temps opportun des anticorps spécifiques pour contrecarrer l’action des organismes pathogènes. Le programme Ranch to Rail de l’Université A&M au Texas, qui a permis de suivre plus de 8000 bouvillons, a démontré que la santé a définitivement un impact sur la capacité des bouvillons à exprimer leur potentiel génétique et l’importance des coûts associés aux bêtes malades, au-delà des frais médicaux mêmes. En deux mots : des veaux en santé rapportent plus. Globalement, les animaux malades coûtent $22.66 par tête, alors que les veaux en santé rapportent $69.60. Le coût par 100 livres de gain est de $9.09 supérieur pour les animaux malades et les coûts de médication de $31. par tête représentent parfois le profit total rapporté par cette bête… L’impact de la maladie se répercute aussi sur la qualité de la viande, avec 12% de moins de découpoes de catégorie « Choix ». La différence de rentabilité entre les veaux malades et ceux en santé est donc de $92.26 par tête. Un pensez-y bien. « Durant la transition, les éleveurs et engraisseurs ont donc deux défis nutritionnels à relever, souligne Bryan McMurry. Le contenu en nutriments de la ration doit être ajusté pour répondre au stress et la consommation totale quotidienne doit être maximisée. Cà semble simple, mais si çà l’était, tout le monde le ferait! » MAINTENIR LA CONSOMMATION On ne le dira jamais assez, les rations de préconditionnement et de réception des veaux doivent contenir suffisamment de fourrage grossier de qualité pour favoriser les fonctions ruminales et maintenir la consommation. « La composition en nutriments des rations n’a aucune importance si l’animal ne consomme pas », lance Bryan McMurry. Il souligne que l’appétence de la ration est un facteur déterminant. Il préconise les rations complètes cubées pour favoriser une reprise rapide de la consommation. En effet, un animal qui n’a jamais été exposé à des cubes va quand même en manger, ce qui n’est pas le cas des autres aliments. « De plus, chaque cube contient tout ce qu’il faut, à l’image d’une RTM, avec une texture plus appétissante aux yeux d’un veau affaibli et stressé. Ensuite, il doit en manger suffisamment. Mais au moins, chaque bouchée est parfaite. » L’idéal fait remarquer le Dr McMurry, est bien sûr l’alimentation à la dérobée chez les éleveurs vache-veau, qui conditionne tranquillement le veau à une alimentation différente. « Tout le monde y gagne. D’ailleurs, il n’existe pas de meilleur endroit pour le sevrage qu’à la ferme d’élevage. » Bryan McMurry recommande de sevrer les veaux en leur laissant un contact visuel avec la mère, mais sans contact physique. « Si le veau a été familiarisé avec la mangeoire de 30 à 60 jours avant le sevrage, la transition se fera en douceur. Il s’agit de modifier l’alimentation lorsqu’on passe de l’alimentation à la dérobée (avec lait), à l’alimentation tout solide. La durée du pré-conditionnement variera selon qu’on engraisse les veaux quelque temps avant leur transfert au parc, ou qu’on envoie les veaux directement au parc. Dans le premier cas, un pré-conditionnement de 30 jours suffit; dans le second, 45 jours sont préférables. Tout dépend des installations disponibles chez l’éleveur … » Et de sa volonté. Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites