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Animal

Viande de cheval pour les sportifs du Québec ...

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Dopage légal à grands coups de bavettes
Fabien Deglise
Édition du mardi 10 août 2004



L'image est un brin incongrue. Derrière un étalage de viandes aux coupes diverses, des ardoises exposent aux clients le détail des pièces tenues en inventaire: le boeuf haché est en promotion cette semaine, apprend-on les yeux posés sur le dessin d'un animal sur pattes situé juste à côté d'une photo en couleur d'un... culturiste adoptant la posture d'usage.


Bavettes de cheval en main, le boucher Léo Hamel, 75 ans, attend avec impatience le début des Jeux olympiques qui devraient, comme d’habitude, conduire dans son établissement de la rue Ontario un défilé de sportifs en quête soudaine de protéines animales pour améliorer leurs performances.
Jacques Grenier



La question s'impose alors d'elle-même : la bavette rouge et saignante un peu plus bas dans le comptoir réfrigéré provient-elle véritablement d'un bovin de l'Alberta ou bien de ce Monsieur Montréal, cuvée 1995, dont le portrait tout en muscle trône dans cette boucherie de la rue Ontario au milieu des représentations graphiques des animaux de la ferme et d'une dizaine d'autres clichés d'athlètes ?

Dans son costume officiel de boucher, Léo Hamel, 75 ans, sourit. «Ce n'est pas une boucherie qui vend de la viande d'athlètes, lance-t-il en riant. C'est plutôt une boucherie qui les nourrit.» Et deux fois plutôt qu'une. Surtout à l'approche des Jeux olympiques qui vont animer la ville d'Athènes en Grèce à compter de vendredi, «car, à cette époque, c'est toujours la même chose qui se produit : les gens s'entraînent davantage et les ventes de viande, elles, augmentent immanquablement», ajoute-t-il.

Et pour cause. Dans les milieux sportifs et culturistes montréalais, la Boucherie Beau-Bien -- «pas pour la rue, mais pour beau et bien», précise M. Hamel -- est en effet devenue au fil des ans une véritable institution, un point de passage obligé des haltérophiles tout comme des adeptes de la course à pied ou des appareils de conditionnement physique en mal de protéines. Faisant du même coup du propriétaire des lieux une sorte «d'assistant-entraîneur» chargé de les «doper» légalement à grand coup de tartare, de cubes à braiser, de bavettes ou de poitrines.



«On peut dire ça comme ça, acquiesce le septuagénaire à la démarche dynamique. Nous sommes situés près d'un centre sportif et, chaque semaine, près d'une centaine d'athlètes viennent ici. Ils ont besoin de manger beaucoup de viande lorsqu'ils s'entraînent. Et nous, nous en avons beaucoup à vendre.»




L'affinité allait de soi. Et davantage encore depuis que cette boucherie de quartier située en plein coeur de la Promenade Ontario s'est mise à tenir il y a quatre ans dans ses réfrigérateurs de la viande chevaline. «Les clients plus âgés ont un peu de recul face à la chose, souligne le pourvoyeur de muscles. Mais les athlètes, eux, ne jurent que par elle pour améliorer leur masse musculaire.»



Normal. Car s'il est la plus noble conquête de l'homme, le cheval est aussi dans sa version hachée ou à rôtir le meilleur ami du sportif. «C'est une viande maigre qui est aussi très riche en fer, explique la nutritionniste Mélanie Olivier qui, depuis deux ans, s'occupe entre autres du régime alimentaire du jeune plongeur québécois Alexandre Despatie. C'est aussi, comme les autres viandes, une bonne source de protéines qui contribuent à la construction, à la croissance et à la réparation des muscles.»

La magie du métabolisme est ainsi faite et même si Léo Hamel ne s'y intéresse guère, il connaît depuis quelques années ses implications sur son travail de dépeceur : «Les gens me téléphonent à l'avance pour que je prépare leur commande, dit-il. De la viande de cheval hachée, des poitrines de poulet biologique ou encore de la dinde hachée -- ce sont les meilleures ventes --, pour certains athlètes, en plein entraînement, cela peut représenter quatre repas avec 300 grammes de viande à chaque fois. C'est beaucoup.»

Mme Olivier le croit aussi. Mais ne s'en étonne pas. «Dans le domaine de la nutrition sportive, il y a beaucoup de croyances, lance-t-elle. Et les athlètes non professionnels construisent beaucoup leur régime alimentaire par l'entremise du bouche à oreille ou des informations contenues dans les magazines spécialisées. Conséquence : ils peuvent ingurgiter deux fois plus de viande rouge que nécessaire. Or ce type de protéines nécessite beaucoup d'énergie pour être absorbées par le corps qui ne métabolise d'ailleurs que ce dont il a besoin. En cas d'excès, cela peut être nocif, car le corps se déshydrate ou encore les articulations se fragilisent.»

«Pire, ajoute-t-elle, une poignée d'athlètes oublient parfois de mettre de la variété dans leur repas. Et en se concentrant sur un seul type de viande ou en mangeant du poisson [dont, certaines espèces sont riches en mercure] à outrance, ils mettent aussi en péril leur santé et leur capacité de récupération après l'effort.»

Mais quand il est question de mythes, certains semblent être un peu plus tenaces que d'autres, surtout chez les sportifs «cupides qui recherchent la recette miracle afin d'améliorer leur performance, poursuit la nutritionniste. On croise à l'occasion des sportifs qui véhiculent même des croyances paléolithiques et qui pensent par exemple que, pour améliorer leur vitesse à la course, il faut nécessairement manger de la viande d'animaux qui courent vite, comme l'autruche ou le bison.»

Le lien de causalité a de quoi faire sourire. Mais il ne semble guère résonner dans l'établissement de M. Hamel qui derrière son étonnante jeunesse, sa pratique régulière du ski alpin et de la danse sociale, raconte-t-il, ne cache, lui, qu'un secret : «la viande de cheval que je mange moi-même régulièrement et, ici, on ne tient que de la crème, catégorie A1. L'autruche, le bison, nous en vendons aussi. Mais en moins grande quantité, car elle coûte beaucoup plus cher.»

Les sprinters ne seraient donc pas légion dans la petite boucherie située à quelques encablures d'un prêteur sur gages, d'un marchand de meubles à rabais et en face d'une fruiterie. «Je les vois plutôt à la télévision», dit le jeune sportif de 75 ans qui attend le début des Jeux olympiques pour voir affluer la clientèle, mais aussi faire le plein d'événements sportifs à suivre au petit écran. Histoire de vérifier l'état de santé des athlètes et d'évaluer leur bonne consommation en viande ? «Oh non, ajoute en souriant le fabricant de steak d'aloyau. Je ne suis pas diététiste, je suis boucher. Je vends de la viande, je peux donner des conseils de cuisson, mais mon expérience s'arrête là.»


http://www.ledevoir.com/2004/08/10/61064.html

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