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Animal

Brigitte Bardot déshonore la pensée animaliste

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De l'animalisme primaire
Brigitte Bardot déshonore la pensée animaliste

Louis-Gilles Francoeur
Édition du jeudi 23 mars 2006



Roger Simon, le directeur du secteur maritime de l'Est canadien au ministère des Pêches et Océans, a vu défiler tous les adversaires de la chasse aux phoques depuis des lunes. Finalement, il a été quelque peu surpris hier par le discours de Brigitte Bardot, qu'il a trouvé «moins hystérique» que par le passé. Elle n'a, dit-il, traité personne de «tueurs sanguinaires» ou de «barbares» cette fois. Elle a bien parlé de ces «salopards» qui tuent des phoques sur les glaces mais, comme tout était si émotif dans son discours, l'expression pouvait à la limite être mise sur le compte de l'emportement...





«On ne va pas continuer à faire un génocide animalier comme ça pour faire bander les Chinois!», a dit Brigitte Bardot. La junte journalistique a étouffé un éclat de rire et la blonde dame a rigolé un bon coup.
Agence Reuters

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Ce commentaire venant toutefois d'un de ces «bureaucrates» et «mercenaires» fédéraux qui autorisent les chasses annuelles, Mme Bardot ne le prendra certainement pas comme un compliment. Mais ce serait difficile de lui en faire pour sa performance d'hier.

Son propos se teinte d'incohérence, voire de désinformation, quand elle met sur le même pied les grands problèmes environnementaux de la planète avec le sort du troupeau de phoques, dont l'effectif atteint 5,8 millions de têtes. Difficile de parler d'espèce en danger, sauf pour ses proies, comme les espèces commerciales, en déclin pour cause de surpêche mais en récupération difficile pour cause de prédation trop soutenue. Ce troupeau affiche désormais une population trois fois supérieure à celle qui existait dans les années 70, ce qui explique qu'on en récolte trois fois moins, une explication qu'aurait dû avancer hier Mme Bardot en toute honnêteté intellectuelle.

Entre 1832 et 1844, on tuait entre 680 000 et 740 000 phoques par année. Les prises ont décru pour atteindre les 500 000 têtes par année à la fin du XIXe siècle. Cette exploitation importante a évidemment fait chuter la population globale, d'où un déclin des prises, qui se sont maintenues néanmoins entre 400 000 et 310 000 entre 1951 et 1961. Lorsque Mme Bardot s'est pointée sur la banquise en 1977, on récoltait environ 200 000 phoques par année, malgré la modernisation de la flotte qui comptait alors plusieurs grands «navires-usines», certains norvégiens, d'autres canadiens. Le troupeau à cette époque se situait autour de 1,5 million de têtes, selon la commission Malouf, qui devait revoir tout le dossier à la suite du boycottage lancé par l'Europe à la suite des pressions du mouvement animaliste, dirigé de main de maître par Brian Davis, le fondateur de l'International Fund for Animal Welfare (IFAW). C'est ce lobbyiste avant la lettre qui transformera en mouvement politique efficace la vague émotive provoquée par les premières images des immenses taches de sang sur les glaces immaculées. Et les coups répétés d'hagapik sur les jeunes phoques, une exigence de la réglementation pour s'assurer qu'ils sont bien morts, mais qui donnent l'impression d'un acharnement malsain ou d'une méthode inefficace.



La saga des phoques a été lancée par un Québécois en 1964. Serge Deyglun, chanteur et journaliste de plein air, avait tourné pour la société Artek un film, Le Grand Phoque de la banquise, qui devait faire sensation au Canada et par la suite en Allemagne, en raison du faux massacre qu'il décrivait. Une commission parlementaire portant sur ce film, rappelle Roger Simon, a établi que Deyglun avait donné 20 $ et un 26 onces à un certain Gustave Poirier, un non-chasseur aujourd'hui décédé, pour qu'il écorche au couteau un phoque devant la caméra. Cette scène atroce, aucunement représentative de la méthode de chasse traditionnelle, a enclenché un mouvement anti-chasse, ce qui n'était pas très fort de la part d'un des chroniqueurs de chasse et pêche les plus réputés du Québec.




La commission Malouf a eu une influence profonde sur l'évolution de cette chasse traditionnelle que certains, en vertu d'un critère racial implicite, acceptent dans le cas des Inuits mais pas dans celui des Blancs, pour qui elle est aussi un moyen de subsistance et une activité traditionnelle depuis le milieu du XVIIe siècle ! Ce sont les recommandations du juge Malouf qui vont faire interdire la chasse aux blanchons en 1987. Cette interdiction n'empêchera pas les groupes animalistes comme l'IFAW ou Sea Shepperd de Paul Watson, qui a fait revenir Mme Bardot au Canada pour répéter la vague médiatique de 1977, de mettre des blanchons dans leur publicité internationale depuis 1987. Récemment, Paul McCartney se faisait filmer à côté d'un blanchon et même Brigitte Bardot misait sur cette stratégie inéthique pour mieux propulser ses leçons de morale.



La réalité est désormais fort différente : on chasse les jeunes phoques lorsque leur fourrure a mué et qu'elle affiche une couleur grise et tachetée. On ne les tue plus devant leur mère en période d'allaitement et alors qu'ils ne peuvent pas encore nager. Après la mue, ce sont de jeunes «ados», vifs et alertes, qui peuvent désormais nager et se nourrir de façon autonome.

Le discours de Brigitte Bardot ne contenait hier aucun fait permettant de penser que le troupeau de phoques du Groenland souffre de la moindre menace d'extinction. Elle a plutôt utilisé des termes comme activité «déshumanisée», «pratique barbare» et a même qualifié de «meurtre» l'abattage des bêtes. D'ailleurs, l'affiche derrière elle mettait sur le même pied le meurtre d'un bébé humain et celui d'un bébé phoque ! Ce sont là des termes moraux, typiques de la pensée animaliste, une pensée qui repose sur la croyance que les animaux ont une «âme», une anima en latin, ce qui leur conférerait des droits, curieusement non contrebalancés de responsabilités, comme le veut la plus élémentaire définition philosophique ou morale. Cette approche n'a aucun lien, malgré la confusion entretenue par les médias et les chasseurs des Îles, pour qui tout adversaire de la chasse est «un Greenpeace», avec la pensée écologiste et la science de l'écologie, qui repose sur les principes d'équilibre entre les espèces, sur des phénomènes de coopération et de compétition interespèces et intraespèces.

Heureusement pour les groupes animalistes, la chasse aux phoques ne se déroule pas sur des rivages ou des rochers, sur lesquels le sang ne se détacherait pas, mais sur des glaces immaculées, ce qui en multiplie l'effet médiatique et dramatique. Et le bébé phoque aux grands yeux se vend mieux en Grande-Bretagne que les campagnes anti-chasse à courre ou que les campagnes contre les corridas en Espagne et en France. Mais l'argent tiré des phoques finance les autres fronts des groupes animalistes.

Ces derniers désinforment le public quand ils affirment que la méthode de chasse est cruelle : en réalité, il a été démontré qu'il s'agit de la méthode d'abattage la plus expéditive puisqu'elle détruit en quelques secondes le cervelet et provoque une mort cérébrale totale. Le phoque est ensuite saigné quand on coupe ses veines natatoires et ce n'est qu'alors qu'on enlève sa peau. Aucun animal, à ce stade, ne peut sentir ou réagir, sauf mécaniquement. Pas plus qu'un humain mort cliniquement ne sent le prélèvement de son coeur.

Mme Bardot s'en prenait encore hier à la vente des pénis de phoque, qui une fois séchés aideraient de vieux Chinois à bander, ce qui lui a quand même arraché un sourire guilleret. C'est oublier un peu vite que les petits phoques de 25 jours n'ont que des pénis symboliques, sans intérêt commercial, et que la période où on récoltait les gros spécimens pour leur viande est révolue depuis longtemps. Et c'est aussi oublier un peu vite que les vieux Chinois ont adopté le Viagra depuis belle lurette.

Mme Bardot n'aura en somme fourni qu'un spectacle désolant, qui déshonore même la pensée animaliste dans ce qu'elle a de plus noble sur le plan moral, car elle l'a entachée d'incohérence et de désinformation. Il se pourrait bien que sa prestation, qui ressemble de plus en plus à un vieux 33 tours, ait l'effet fort éphémère de la prestation de Paul McCartney !


http://www.ledevoir.com/2006/03/23/105035.html

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