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Animal

De l'anti-animalisme primaire

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De l'anti-animalisme primaire
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
Département de philosophie de l'Université de Montréal

Édition du jeudi 30 mars 2006

Il est de bon ton de caricaturer la pensée animaliste et de la réduire à un sentimentalisme incohérent. La récente prestation de Brigitte Bardot en a donné l'occasion à Louis-Gilles Francoeur dans son article «De l'animalisme primaire» (Le Devoir, le 23 mars 2006).
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De l'animalisme primaire
(23.03.2006)



Il est facile de s'en prendre à une vieille dame dont le discours n'est effectivement pas toujours très éloquent, mais en tirer des conclusions sur la «pensée animaliste» en général (comme s'il n'y en avait qu'une), c'est pratiquer l'amalgame et la désinformation, que le journaliste dénonce par ailleurs lui-même à juste titre. Si le plaidoyer de Brigitte Bardot est «primaire», le portrait simpliste que M. Francoeur dresse d'un mouvement complexe l'est tout autant.

Le journaliste, habitué des questions environnementales, se revendique d'une «pensée écologiste» qui doit être distinguée de la «pensée animaliste». C'est tout à fait juste, et on peut préciser cette différence.

D'abord, l'éthique animale (pensée animaliste) ne s'intéresse qu'aux êtres vivants sensibles car elle fait de la souffrance son point de départ. Les plantes et les choses inanimées (les arbres, l'eau, etc.) ne sont considérées qu'en fonction de leur lien (l'environnement, l'habitat) avec l'animal, dont elles conditionnent le bien-être, tandis qu'en éthique environnementale (pensée écologiste), cet environnement fait lui-même l'objet d'une considération morale directe.

Ensuite, l'éthique animale considère généralement la mort et la souffrance comme des maux, qu'elle cherche à éviter ou au moins à minimiser. Ce n'est pas le cas de l'approche environnementale, pour laquelle la mort et la souffrance font partie intégrante de la vie et de la nature.



Enfin, la perspective de l'éthique animale est généralement individuelle (puisque ce sont des individus qui souffrent) tandis que celle de l'éthique environnementale est généralement holistique et s'attache à la protection des espèces et des écosystèmes.




À la lumière de cette distinction, on comprend mieux le point de vue de M. Francoeur. Néanmoins, certains problèmes persistent. J'en distinguerai trois.



Des arguments qui ne tiennent pas

Premièrement, dire que la chasse aux phoques est légitime du seul fait que l'espèce n'est pas en danger repose sur des prémisses discutables. Cela revient en effet à considérer les animaux non humains comme des ressources dont on peut disposer à notre guise, à condition toutefois de ne pas les épuiser, comme on le fait des végétaux et des minéraux. On parle d'ailleurs de récolte plutôt que de chasse, comme pour mieux oublier ce qui distingue un être vivant sensible d'un champ de blé. Cela revient donc à penser l'homme «maître et possesseur de la nature» dans la perspective anthropocentrique, occidentale et chrétienne qui sert à justifier l'exploitation animale depuis 2000 ans.

Deuxièmement, le fait que la chasse soit une activité «traditionnelle» n'a strictement aucune valeur argumentative. C'est un sophisme bien connu, un appel à la tradition (argumentum ad antiquitam), abondamment utilisé dans d'autres pays pour justifier le foie gras et la corrida, par exemple, et qui ne résiste pas au tribunal de la raison : au nom du respect de la tradition, nous en serions toujours aux combats de gladiateurs, à l'esclavage, à la torture, à la peine de mort, et nous ne questionnerions pas la légitimité de l'excision. Mieux vaut donc parler d'une «chasse de subsistance», qu'il faut distinguer de la «chasse commerciale».

M. Francoeur nous dit qu'il est raciste de permettre cette chasse de subsistance pour les Inuits mais pas pour les Blancs. C'est détourner le sens du mot «subsistance». D'un point de vue animaliste, il est acceptable que les Inuits chassent le phoque car il s'agit d'un besoin nécessaire (se nourrir), mais il n'est pas acceptable de chasser le phoque à grande échelle pour faire des manteaux de fourrure ou des cosmétiques car il s'agit d'un désir contingent (tirer profit du commerce d'objets futiles). La distinction est claire et ne repose pas sur l'origine ethnique des chasseurs mais sur leurs motivations.

Pour la même raison, les animalistes condamnent la chasse sportive précisément parce qu'elle est un loisir. Il s'agit de rappeler qu'ôter la vie à un être vivant sensible n'est justifiable que par la nécessité.

Différence de degré, non de nature

Troisièmement, le journaliste affirme que la pensée animaliste «repose sur la croyance que les animaux ont une "âme", une anima en latin, ce qui leur conférerait des droits, curieusement non contrebalancés de responsabilités, comme le veut la définition philosophique ou morale la plus élémentaire». C'est tout simplement faux. D'abord, «la» pensée animaliste n'existe pas. L'éthique animale est un vaste domaine qui réunit des dizaines de courants.

Ensuite, la plupart de ces positions sont tirées non d'une croyance mais au contraire de la science elle-même (biologie, zoologie, éthologie) qui nous enseigne à quel point la différence entre l'homme et l'animal n'est qu'une question de degré et non de nature, comme l'a montré Darwin, et qui nous rappelle que nous partageons 99 % de notre ADN avec le chimpanzé. Cela n'a rien à voir avec une quelconque croyance, et encore moins avec l'âme. D'ailleurs, qu'est-ce que l'âme ?

La croyance, au contraire, est dans l'anthropocentrisme qui, contre les preuves scientifiques, persiste à vouloir arracher l'homme de l'animalité pour mieux autoriser l'exploitation de ses frères inférieurs. La croyance est dans ce préjugé, très chrétien d'ailleurs, selon lequel «l'animal a été créé pour être au service de l'homme».

Enfin, de nombreux courants ne revendiquent pas des «droits» pour les animaux mais se contentent d'insister sur nos devoirs envers eux, défendant par exemple une égalité de considération, qui n'appelle aucunement l'égalité de traitement ou l'application des droits de l'homme aux animaux. C'est notamment le cas de l'utilitarisme de Peter Singer.

Par ailleurs, le fait que des droits puissent ne pas être contrebalancés de responsabilités n'a rien de curieux : n'est-ce pas le cas des enfants et des handicapés mentaux humains ? La question est alors de savoir au nom de quoi ils sont malgré tout protégés.

Si c'est en vertu de leur appartenance à l'espèce humaine, c'est du spécisme, et les animalistes le rejettent au même titre que le racisme et le sexisme. Et si c'est en vertu de leur capacité à souffrir, alors les animaux qui possèdent également cette capacité doivent aussi être protégés. Dans tous les cas, la question mérite d'être posée avec rigueur et précision.

http://www.ledevoir.com/2006/03/30/105542.html

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De l'animalisme primaire
Brigitte Bardot déshonore la pensée animaliste

Louis-Gilles Francoeur
Édition du jeudi 23 mars 2006

Mots clés : Canada (Pays), France (pays), Faune, Gouvernement, brigitte bardot

Roger Simon, le directeur du secteur maritime de l'Est canadien au ministère des Pêches et Océans, a vu défiler tous les adversaires de la chasse aux phoques depuis des lunes. Finalement, il a été quelque peu surpris hier par le discours de Brigitte Bardot, qu'il a trouvé «moins hystérique» que par le passé. Elle n'a, dit-il, traité personne de «tueurs sanguinaires» ou de «barbares» cette fois. Elle a bien parlé de ces «salopards» qui tuent des phoques sur les glaces mais, comme tout était si émotif dans son discours, l'expression pouvait à la limite être mise sur le compte de l'emportement...





«On ne va pas continuer à faire un génocide animalier comme ça pour faire bander les Chinois!», a dit Brigitte Bardot. La junte journalistique a étouffé un éclat de rire et la blonde dame a rigolé un bon coup.
Agence Reuters

Le temps n'a pas eu raison du glamour
(23.03.2006)


Le Devoir



Ce commentaire venant toutefois d'un de ces «bureaucrates» et «mercenaires» fédéraux qui autorisent les chasses annuelles, Mme Bardot ne le prendra certainement pas comme un compliment. Mais ce serait difficile de lui en faire pour sa performance d'hier.

Son propos se teinte d'incohérence, voire de désinformation, quand elle met sur le même pied les grands problèmes environnementaux de la planète avec le sort du troupeau de phoques, dont l'effectif atteint 5,8 millions de têtes. Difficile de parler d'espèce en danger, sauf pour ses proies, comme les espèces commerciales, en déclin pour cause de surpêche mais en récupération difficile pour cause de prédation trop soutenue. Ce troupeau affiche désormais une population trois fois supérieure à celle qui existait dans les années 70, ce qui explique qu'on en récolte trois fois moins, une explication qu'aurait dû avancer hier Mme Bardot en toute honnêteté intellectuelle.

Entre 1832 et 1844, on tuait entre 680 000 et 740 000 phoques par année. Les prises ont décru pour atteindre les 500 000 têtes par année à la fin du XIXe siècle. Cette exploitation importante a évidemment fait chuter la population globale, d'où un déclin des prises, qui se sont maintenues néanmoins entre 400 000 et 310 000 entre 1951 et 1961. Lorsque Mme Bardot s'est pointée sur la banquise en 1977, on récoltait environ 200 000 phoques par année, malgré la modernisation de la flotte qui comptait alors plusieurs grands «navires-usines», certains norvégiens, d'autres canadiens. Le troupeau à cette époque se situait autour de 1,5 million de têtes, selon la commission Malouf, qui devait revoir tout le dossier à la suite du boycottage lancé par l'Europe à la suite des pressions du mouvement animaliste, dirigé de main de maître par Brian Davis, le fondateur de l'International Fund for Animal Welfare (IFAW). C'est ce lobbyiste avant la lettre qui transformera en mouvement politique efficace la vague émotive provoquée par les premières images des immenses taches de sang sur les glaces immaculées. Et les coups répétés d'hagapik sur les jeunes phoques, une exigence de la réglementation pour s'assurer qu'ils sont bien morts, mais qui donnent l'impression d'un acharnement malsain ou d'une méthode inefficace.



La saga des phoques a été lancée par un Québécois en 1964. Serge Deyglun, chanteur et journaliste de plein air, avait tourné pour la société Artek un film, Le Grand Phoque de la banquise, qui devait faire sensation au Canada et par la suite en Allemagne, en raison du faux massacre qu'il décrivait. Une commission parlementaire portant sur ce film, rappelle Roger Simon, a établi que Deyglun avait donné 20 $ et un 26 onces à un certain Gustave Poirier, un non-chasseur aujourd'hui décédé, pour qu'il écorche au couteau un phoque devant la caméra. Cette scène atroce, aucunement représentative de la méthode de chasse traditionnelle, a enclenché un mouvement anti-chasse, ce qui n'était pas très fort de la part d'un des chroniqueurs de chasse et pêche les plus réputés du Québec.




La commission Malouf a eu une influence profonde sur l'évolution de cette chasse traditionnelle que certains, en vertu d'un critère racial implicite, acceptent dans le cas des Inuits mais pas dans celui des Blancs, pour qui elle est aussi un moyen de subsistance et une activité traditionnelle depuis le milieu du XVIIe siècle ! Ce sont les recommandations du juge Malouf qui vont faire interdire la chasse aux blanchons en 1987. Cette interdiction n'empêchera pas les groupes animalistes comme l'IFAW ou Sea Shepperd de Paul Watson, qui a fait revenir Mme Bardot au Canada pour répéter la vague médiatique de 1977, de mettre des blanchons dans leur publicité internationale depuis 1987. Récemment, Paul McCartney se faisait filmer à côté d'un blanchon et même Brigitte Bardot misait sur cette stratégie inéthique pour mieux propulser ses leçons de morale.

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La réalité est désormais fort différente : on chasse les jeunes phoques lorsque leur fourrure a mué et qu'elle affiche une couleur grise et tachetée. On ne les tue plus devant leur mère en période d'allaitement et alors qu'ils ne peuvent pas encore nager. Après la mue, ce sont de jeunes «ados», vifs et alertes, qui peuvent désormais nager et se nourrir de façon autonome.

Le discours de Brigitte Bardot ne contenait hier aucun fait permettant de penser que le troupeau de phoques du Groenland souffre de la moindre menace d'extinction. Elle a plutôt utilisé des termes comme activité «déshumanisée», «pratique barbare» et a même qualifié de «meurtre» l'abattage des bêtes. D'ailleurs, l'affiche derrière elle mettait sur le même pied le meurtre d'un bébé humain et celui d'un bébé phoque ! Ce sont là des termes moraux, typiques de la pensée animaliste, une pensée qui repose sur la croyance que les animaux ont une «âme», une anima en latin, ce qui leur conférerait des droits, curieusement non contrebalancés de responsabilités, comme le veut la plus élémentaire définition philosophique ou morale. Cette approche n'a aucun lien, malgré la confusion entretenue par les médias et les chasseurs des Îles, pour qui tout adversaire de la chasse est «un Greenpeace», avec la pensée écologiste et la science de l'écologie, qui repose sur les principes d'équilibre entre les espèces, sur des phénomènes de coopération et de compétition interespèces et intraespèces.

Heureusement pour les groupes animalistes, la chasse aux phoques ne se déroule pas sur des rivages ou des rochers, sur lesquels le sang ne se détacherait pas, mais sur des glaces immaculées, ce qui en multiplie l'effet médiatique et dramatique. Et le bébé phoque aux grands yeux se vend mieux en Grande-Bretagne que les campagnes anti-chasse à courre ou que les campagnes contre les corridas en Espagne et en France. Mais l'argent tiré des phoques finance les autres fronts des groupes animalistes.

Ces derniers désinforment le public quand ils affirment que la méthode de chasse est cruelle : en réalité, il a été démontré qu'il s'agit de la méthode d'abattage la plus expéditive puisqu'elle détruit en quelques secondes le cervelet et provoque une mort cérébrale totale. Le phoque est ensuite saigné quand on coupe ses veines natatoires et ce n'est qu'alors qu'on enlève sa peau. Aucun animal, à ce stade, ne peut sentir ou réagir, sauf mécaniquement. Pas plus qu'un humain mort cliniquement ne sent le prélèvement de son coeur.

Mme Bardot s'en prenait encore hier à la vente des pénis de phoque, qui une fois séchés aideraient de vieux Chinois à bander, ce qui lui a quand même arraché un sourire guilleret. C'est oublier un peu vite que les petits phoques de 25 jours n'ont que des pénis symboliques, sans intérêt commercial, et que la période où on récoltait les gros spécimens pour leur viande est révolue depuis longtemps. Et c'est aussi oublier un peu vite que les vieux Chinois ont adopté le Viagra depuis belle lurette.

Mme Bardot n'aura en somme fourni qu'un spectacle désolant, qui déshonore même la pensée animaliste dans ce qu'elle a de plus noble sur le plan moral, car elle l'a entachée d'incohérence et de désinformation. Il se pourrait bien que sa prestation, qui ressemble de plus en plus à un vieux 33 tours, ait l'effet fort éphémère de la prestation de Paul McCartney !

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Le temps n'a pas eu raison du glamour





Le temps n'a pas eu raison du glamour
L'ancienne vedette réussit à adoucir les questions assassines des journalistes

Hélène Buzzetti
Édition du jeudi 23 mars 2006

Mots clés : Canada (Pays), France (pays), Faune, Gouvernement, brigitte bardot

Ottawa -- Le temps a peut-être eu raison de la jeunesse de Brigitte Bardot mais pas de son glamour. L'ancienne sexe-symbole devenue pasionaria des phoques a fait hier une entrée en scène digne de la star qu'elle est quand même restée. Elle s'est fait attendre dans un hôtel d'Ottawa pour mieux apparaître, chancelante sur ses béquilles, et s'offrir en pâture à des dizaines de caméras venues croquer son image vieillie. Le charme aura opéré.

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