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Animal

Article du pro-chasse au phoque (le chasseur sans-coeur)

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La chasse aux petits gibiers aux prises avec un déclin

Louis-Gilles Francoeur (LE CHASSEUR SANS-COEUR)




Édition du vendredi 27 avril 2007




Depuis deux semaines, Gaïa, ma belle épagneule française, explose de vitalité. Mais ce n'est pas à cause du retour du temps doux, car elle regrette déjà l'hiver, elle qui se délecte de la moindre plaque de neige, où elle saute, rebondit et se roule de plaisir dès qu'elle en voit une. Non, c'est le retour des oiseaux qui la stimule. Pour un chien de chasse, c'est le vrai début de la chasse! Un arrêt n'attend pas l'autre devant les étourneaux, pigeons, corneilles, goélands, écureuils, même les mouffettes (dans ce cas, c'est moins drôle à vivre!). Entraînement oblige, je joue le jeu du chasseur qui poursuit la logique de l'arrêt et passe devant le chien pour faire lever tous ces «gibiers» que ma chienne découvre dans les parterres ou au parc, un rituel qui intrigue et fait sourire beaucoup d'urbains...

Le plaisir de chasser avec un chien (ou devrais-je dire le plaisir de voir chasser le chien puisque c'est lui qui, désormais, mène le bal) m'a forcé, il y a plusieurs années, à abandonner la chasse à l'orignal. Cette chasse, qui exige organisation et préparatifs méthodiques, rognait une trop grande partie de la saison de chasse aux petits gibiers pendant les périodes les plus productives. Même si je fais faux bond quelques jours à ma belle à quatre pattes pour débusquer un chevreuil à l'arc, la chasse aux petits gibiers demeure pour moi la plus fascinante de toutes parce qu'elle permet de visiter de nombreux et vastes territoires aux plus beaux moments de l'automne et parce que cet exercice constitue un entraînement physique et cynégétique à nul autre pareil. Contrairement aux chasses très «zen» et quelque peu paresseuses qu'on pratique aujourd'hui en méditant des jours entiers sur une plate-forme de guet en attendant un orignal ou un chevreuil souvent plus virtuel que réel, la petite chasse offre de multiples rencontres, des surprises à répétition, des montées d'adrénaline garanties et des mets de roi pour les soupers d'hiver avec les amis.

La passion de la chasse débute la plupart du temps par une première «perdrix» ou un premier lièvre tiré dans le boisé de ferme d'un parent ou dans une forêt publique à proximité de la résidence familiale. C'est généralement pour sa pratique qu'on acquiert son premier fusil. Puis, après avoir été formé à la traque fine par ces gibiers modestes mais rusés, le chasseur tente le coup sur les grands cervidés ou l'ours.

Naguère, la passion pour le petit gibier régnait en maîtresse incontestée. En 1982, on avait vendu 310 000 permis de chasse au petit gibier aux seuls résidents québécois. Mais voilà qu'en 2005, le nombre d'adeptes avait chuté à 150 000, une diminution de 50 %. Mr. Green

Que s'est-il passé pour que la plus populaire des chasses au Québec -- et aussi la plus ancienne puisqu'elle a assuré une grande partie de la sécurité alimentaire des colons et des trappeurs pendant des siècles -- perde autant de popularité? C'est à cette question importante que tentent de répondre les biologistes Gilles Lamontagne, ancien responsable du secteur des grands gibiers -- eh oui! -- au ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), et sa collègue Héloïse Bastien, de la région de la Capitale-Nationale, dans un projet intitulé Plan de gestion du petit gibier au Québec 2007-14, qu'ils ont déposé en septembre dernier au Groupe Faune national. Ce document étant en voie d'amélioration avant de devenir un projet de plan de gestion officiel, en théorie, il n'existe pas. Mais il est néanmoins fascinant, car les deux biologistes y dressent un bilan des problèmes susceptibles d'expliquer le déclin de la petite chasse et les moyens d'y remédier, que nous aborderons la semaine prochaine en attendant la version officielle de ce plan.

Le déclin de l'intérêt pour la «petite chasse», comme on l'appelle souvent à tort, coïncide avec l'accroissement substantiel des cheptels d'orignaux et de cerfs, qui résulte à la fois de plans de gestion efficaces et, dans le cas du chevreuil, du réchauffement du climat ainsi que de cet «effet de cerf» qui repousse l'espèce vers l'aire limite de son expansion et accroît ses effectifs dans le sud du Québec. Le résultat est éloquent: durant la période de déclin de la petite chasse, les ventes de permis de chasse au chevreuil ont augmenté de 25 % et celles de permis de chasse de l'original de 33 %, soit des hausses respectives de 40 000 et 25 000 permis.

Plusieurs facteurs jouent contre la petite chasse, notamment la modification des valeurs sociales qui en incite plusieurs à interdire l'accès à leurs propriétés aux chasseurs, les nouveaux modes de survie qui empiètent de plus en plus sur le temps de loisir, l'envahissement des zones de chasse périurbaines par la construction résidentielle et l'agriculture, les réglementations municipales de plus en plus tracassières sur l'usage des armes, même de courte portée, et les difficultés croissantes d'acquisition d'armes de chasse.

Et les gouvernements n'ont pas réagi malgré l'impact économique de ce déclin. Cette chasse aux gibiers plus modestes se situait encore en 2002 à égalité avec la chasse aux cerfs avec des retombées annuelles de 78 millions de dollars, derrière l'orignal, qui garde le haut du pavé avec des retombées de 121 millions.

Par ailleurs, la chasse au petit gibier n'a plus le créneau exclusif qu'elle détenait autrefois au début de la saison pendant quelques semaines, avant l'ouverture de la chasse au gros gibier. Progressivement, les saisons de chasse aux gros gibier se sont déplacées vers le début de la saison dans les pourvoiries et les réserves gouvernementales. Dans le cas du cerf de Virginie, dont l'abondance attire de plus en plus de monde, la chasse à l'arc débute dans plusieurs territoires une semaine après le début de la saison au petit gibier. C'est probablement d'ailleurs ce qui a le plus détourné les chasseurs de petit gibier vers la grande chasse. Et, comme la cohérence et la vision ne sont pas les qualités premières de tous les gestionnaires et représentants des chasseurs, le projet d'autoriser la chasse à l'arbalète pendant la saison de chasse va accentuer le déclin de la petite chasse en doublant presque en quelques années le nombre de chasseurs dans ce créneau saisonnier, ce qui va accélérer à la fois le déclin de la chasse à l'arc et celle du petit gibier. En somme, à Québec, on va en venir à se tirer non pas dans le pied mais dans les deux pieds!

À cette mégestion de la chasse s'ajoute un problème encore plus grave: l'accès de plus en plus difficile à la fois aux terres publiques et aux terres privées pour la petite chasse. Les amateurs de chasse au cerf louent de plus en plus de terres privées et ne veulent y voir personne déranger leur gibier même quand ils ne chassent pas en début de saison. Plusieurs n'osent même pas chasser le petit gibier sur les terres qu'ils louent alors que cette chasse, d'après mon expérience, non seulement ne dérange pas les cerfs mais peut même favoriser les chasseurs en stimulant les déplacements des chevreuils. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de chasser le petit gibier avec mon chien pendant que mes amis chassaient le chevreuil dans le même territoire sans que cela nuise aux chasseurs à l'affût, ni même aux chevreuils, que j'ai souvent vus en train de nous observer, mon chien et moi, sans le moindre signe de panique.

Mais il y a pire: de plus en plus, on voit des chasseurs de gros gibiers interdire l'accès aux zones de chasse là où ils se sont installés sur les terres publiques, une attitude totalement illégale. On voit désormais des pancartes affirmant que tel groupe chasse ici depuis dix ans. Et on les orne parfois de têtes de mort quand on n'obstrue pas des sentiers et des chemins publics avec des barrières, et ce, en toute impunité. Plusieurs zecs et réserves gouvernementales ont d'ailleurs institutionnalisé le monopole des chasseurs de gros gibiers sur le territoire public, notent les deux biologistes, précisant que le phénomène appréhendé du dérangement n'a jamais été prouvé. «Poliment exclue, la clientèle [pour le petit gibier] se tourne vers d'autres activités plus facilement accessibles», concluent-ils.

On y revient la semaine prochaine.

- Lecture: Une histoire de l'écologie au Québec - Les regards sur la nature des origines à nos jours, par Yves Hébert, Éditions GID, 477 pages. Depuis Histoire de la chasse de Paul-Louis Martin, voilà certes un des livres les plus fascinants qu'il m'ait été donné de lire sur l'évolution de nos visions sur la nature d'ici. Certes, la vision plus écologique d'Yves Hébert, qui dépasse la récolte des gibiers pour s'intéresser aussi aux homards, aux pêcheries maritimes et à l'évolution de nos politiques de protection, constitue une exploration inégalée de notre passé et de nos valeurs, qui éclaire froidement le présent. Ce premier regard global, qui touche autant le déboisement que l'évolution des cheptels et les politiques jusqu'à la naissance du mouvement environnementaliste, fait de ce livre un incontournable pour quiconque veut avoir une vue d'ensemble de ce que notre culture fait de la nature.


Vos réactions

Coûts prohibitifs - par Royal Dupuis (dupuy@bellnet.ca)
Le samedi 28 avril 2007 08:00

Dix ans d'avance ! - par Jean Laporte (jeanlaporte@videotron.ca)
Le vendredi 27 avril 2007 18:00

Je ne suis pas surpris - par Fernand Trudel
Le vendredi 27 avril 2007 11:00

Les rois de la forêt publique... - par Gabriel Montreuil
Le vendredi 27 avril 2007 07:00


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http://www.ledevoir.com/2007/04/27/141068.html

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