Animal 0 Posté(e) le 11 juillet 2007 Le mercredi 20 juin 2007 Allégations de violence dans des fermes du Québec Des travailleurs mexicains dans un champ. Photo André Pichette, La Presse André Noël La Presse Environ 4500 ouvriers mexicains et guatémaltèques travaillent dans des fermes du Québec cet été. Ils viennent ici en vertu d'un programme géré par Ressources humaines et Développement social Canada. Des cas de violence sont signalés. Fait étonnant : le gouvernement fédéral n'enquête pas. Il laisse des gouvernements étrangers agir à sa place contre des employeurs canadiens en sol canadien, en les maintenant dans le programme ou en les suspendant. Cette passivité a été dénoncée par une commission d'enquête. Des ouvriers agricoles mexicains et guatémaltèques affirment que des fermiers québécois se sont montrés violents l'été dernier, les abreuvant d'injures, frappant l'un avec un tuyau, menaçant un autre avec un couteau. Responsable du programme d'embauche, le gouvernement canadien a été mis au courant mais n'a fait aucune enquête indépendante. Les allégations de ces travailleurs sont démenties par leurs patrons et en partie mises en doute par les consulats du Mexique et du Guatemala à Montréal. Une lettre d'un fonctionnaire fédéral, des déclarations signées et des entrevues réalisées par La Presse au Québec et au Guatemala laissent cependant penser qu'elles ne sont pas dénuées de tout fondement. D'autres incidents sont survenus. La semaine dernière, une Canadienne d'origine mexicaine, Maria Guardado, a été bousculée et menacée par un producteur maraîcher, en Montérégie, parce qu'elle le prenait en photo en train de transporter des ouvriers agricoles de façon dangereuse, sur une plateforme sans garde-fou. Le mois dernier, deux fils de fermiers ont dû répondre à des accusations criminelles pour des voies de fait et de l'intimidation, alors qu'ils accompagnaient des ouvriers à l'aéroport de Montréal. Là encore, le gouvernement fédéral n'a pas cherché à savoir ce qui s'était passé. La première allégation de violence vise une ferme de Saint-Michel, un village situé à mi-chemin entre Montréal et l'État de New York. Elle n'est pas prouvée, mais une chose est sûre: le gouvernement canadien compte sur des gouvernements étrangers pour faire la lumière. Un coup de tuyau Un jour très chaud de juillet dernier, Jose Antonio Garcia Juarez, un Mexicain de 29 ans, installait des tuyaux d'irrigation dans le champ avec Cristobal Guanta Ajin, un Guatémaltèque de 41 ans. M. Juarez soutient qu'il a alors été agressé par son patron. «Moi, Juan Antonio Garcia Juarez, je veux raconter l'incident dont je fus l'objet à (cette) propriété en juillet, peut-on lire dans une déclaration écrite en espagnol et signée par le jeune Mexicain en septembre. Il y a eu une discussion, selon lequel nous n'étendions pas les tuyaux assez vite. Le patron m'a frappé intentionnellement au genou gauche et m'a causé un hématome. Tout de suite après, il m'a pris au corps pour me pousser, en essayant de me mettre à terre. J'ai répondu instinctivement en retirant son bras droit. Après, nous avons discuté, mais il criait en français, avec une attitude très menaçante. «À la fin de la journée, il m'a ordonné de rester seul avec lui dans le campement et m'a ordonné, sur un ton menaçant, de ne rien raconter car si quelqu'un hors de la ferme apprenait l'incident, j'aurais beaucoup de problèmes. (...) Je veux ajouter qu'au cours des cinq saisons où j'ai travaillé dans cette ferme, le patron avait l'habitude de nous insulter, de nous crier après et de nous humilier constamment. (...) En ce 24 septembre 2006, dans la ville de Saint-Rémi, Québec, je jure que ceci est vrai.» M. Juarez a réussi à revenir au Québec cette année, dans une autre ferme où il affirme être bien traité. Au cours d'un entretien au début de juin, en compagnie du père Clément Bolduc - un prêtre qui visite les travailleurs migrants depuis des années - il a répété ses allégations et donné d'autres détails. Il a affirmé que le patron l'a obligé à travailler 20 jours consécutifs, malgré un gros hématome au genou, de sorte qu'il ne pouvait pas sortir de la ferme. Il a dit qu'à son retour au Mexique, le patron lui a téléphoné, lui disant qu'il ne pourrait pas revenir au Canada s'il maintenait sa déclaration. Des mensonges, selon le patron Tout cela n'est que mensonges, a rétorqué le patron au cours d'une entrevue sur sa ferme la semaine dernière. «M. Juarez a trébuché et s'est cogné le genou dans le tuyau, a-t-il dit. Il s'est mis à crier après moi comme si j'étais responsable. Oui, bien sûr, j'ai élevé la voix et je l'ai convoqué en privé, le soir, mais c'est tout. C'est complètement ridicule de prétendre que je l'ai séquestré. Au contraire, je lui ai prêté une camionnette pour qu'il aille faire son épicerie.» Fernando Borja, agent de liaison pour le programme des travailleurs agricoles au consulat du Mexique, souligne que M. Juarez n'a écrit que de bonnes choses à propos de son employeur dans un rapport que tous les travailleurs mexicains doivent remplir à leur retour. C'est pourquoi, a-t-il dit, le consulat du Mexique a décidé d'envoyer d'autres travailleurs dans cette ferme cette année. Patricia Perez, du Centre d'appui aux travailleurs agricoles (CATA), affirme de son côté que les travailleurs hésitent à dénoncer leurs patrons à leur gouvernement, de crainte de ne plus pouvoir revenir travailler au Canada. Par ailleurs, six employés guatémaltèques de cette ferme ont contre-signé la déclaration de M. Juarez, prise par Mme Perez. Deux d'entre eux, joints au Guatemala par La Presse, ont confirmé en tous points la version des faits de leur collègue mexicain. «Oui, je me souviens quand Juan Antonio a été agressé, a dit Cristobal Ajin. Je travaillais avec lui. Le patron l'a frappé. Il m'a moi-même souvent insulté. Il me disait: tu n'es qu'une ordure.» Ricardo Bucaro, qui se trouvait à une quinzaine de mètres d'eux, a dit qu'il avait vu toute la scène. «Le Don (le patron) a frappé Juan Antonio et quand il a voulu recommencer, Cristobal s'est interposé. Un autre compagnon, Jose Sicajau, a crié: "Qu'est-ce qui se passe? Arrêtez!" Ce patron maltraitait les travailleurs. C'est pourquoi on n'a pas voulu retourner sur cette ferme.» Ils disent cependant qu'ils ont été punis pour cette dénonciation: ils n'ont pas pu revenir travailler au Canada cette année. «Je ne sais pas pourquoi ils ne sont pas de retour, a dit Emmanuel Herrera, consul du Guatemala à Montréal. Cette plainte ne nous a jamais été signalée. C'est une organisation non reliée à notre gouvernement qui s'occupe du recrutement au Guatemala.» Pas d'enquête au fédéral Mme Perez, du CATA, a écrit à Mario Lauzon, fonctionnaire de Ressources humaines et Développement social Canada et responsable du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) au Québec. Elle lui a demandé comment il se faisait que cette ferme n'était pas exclue du programme. Elle affirme que d'autres incidents violents y avaient déjà été signalés. Dans sa réponse, M. Lauzon donne seulement la version des employeurs - représentés par l'association FERME - et des consulats du Mexique et du Guatemala. «Selon des informations obtenues de Fernando Borja, du consulat du Mexique, il appert qu'un incident aurait fait déborder le vase au cours de la saison, et que tous les travailleurs auraient demandé à ne plus revenir sur cette ferme en raison principalement du comportement excessif de l'employeur. Le Consulat va poursuivre son enquête avec le ministère du Travail du Mexique.» «Il appartiendra aux consulats du Mexique et du Guatemala d'exclure cet employeur du recrutement de main-d'oeuvre étrangère, de concert avec Service Canada, ajoute M. Lauzon. Parfois, un exemple peut servir à d'autres employeurs qui auraient des agissements semblables et qui tarderaient à corriger de mauvais comportements... Une enquête plus approfondie est nécessaire.» Mais le gouvernement fédéral n'a jamais fait lui-même cette enquête. Cette ferme reçoit 29 travailleurs migrants cet été. Le gouvernement canadien a entièrement délégué ses responsabilités aux gouvernements étrangers, à l'organisation FERME et au gouvernement provincial, qui n'a pourtant pas son mot à dire dans le choix des fermes qui peuvent profiter du PTAS. La Commission des droits du Mexique en visiteEn compagnie de deux députés mexicains, Omeheira Lopez Reyna, présidente de la Commission des droits humains du Mexique, a visité des fermes au Québec la semaine dernière. Les travailleurs leur ont dit que leurs plaintes n'étaient pas prises au sérieux par le consulat du Mexique à Montréal. Mme Reyna leur a promis de créer une ligne téléphonique sans frais au Mexique, où ils pourraient présenter leurs doléances. Lors d'entretiens avec La Presse, des ouvriers migrants ont demandé pourquoi le gouvernement canadien, responsable du programme des travailleurs agricoles saisonniers, ne prenait pas lui-même cette initiative. Pas rare «Les travailleurs migrants étrangers risquent d'être intimidés, et ce, pour plusieurs raisons : ils sont isolés de l'ensemble de la collectivité, tant physiquement que sur le plan linguistique ; dans bien des cas, ils ne connaissent pas leurs droits ; ils seront sans doute en route vers leurs pays d'origine avant que les plaintes relativement aux normes du travail ne puissent être traitées ; et ils ont peur d'être qualifiés de fauteurs de troubles et d'être empêchés de participer au programme (sur les travailleurs agricoles saisonniers) à l'avenir. Des mémoires présentés à la Commission soutenaient que, en conséquence, le mauvais traitement des travailleurs étrangers n'est pas rare. » - Harry W. Arthurs, président de la Commission d'enquête sur les normes fédérales du travail, 2006. http://www.cyberpresse.ca/article/20070620/CPACTUALITES/706200601/6737/CPACTUALITES Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites