terrienne 0 Posté(e) le 31 décembre 2007 Aujourd’hui temps humide et doux après de longs jours de gel. Les chiens de meute vont pouvoir courir les bois sans s’abîmer les pattes. Direction une forêt de la région parisienne de bon matin. L’endroit, habituellement peu fréquenté, est transformé en parking, c’est le signe d’une chasse proche : voitures des particuliers, « suiveurs » venus assister à ce spectacle : traquer à cheval de paisibles animaux là où ils vivent pour les mettre à mort. Les chasseurs, hommes, femmes et même un enfant de moins de dix ans, sont haut perchés sur leurs chevaux. Ils saluent les piétons avec ostentation. On remarque le mauvais état de leurs uniformes : couleurs passées, propreté douteuse bien que la partie de campagne ne soit pas commencée. L’ensemble paraît sorti d’un musée ou d’un grenier. La blancheur, parfois bistre, de leur chemise à jabot avec épingle ouvragée ne rachète pas l’étonnante impression péjorative qui émane du reste. Cors de chasse et trompettes, souvent cabossées, complètent l’attirail. Ces gens-là sont-ils pauvres ? La taille des camions véhiculant les chevaux et leur lointaine origine géographique prouvent qu’il n’en est rien. Il y a des domestiques aussi qui s’occupent des chiens, voire aident des chasseurs, proches de la sénilité, à s’installer sur le cheval. La fête commence. Les chiens ont une trace. Un malheureux chevreuil en fera rapidement les frais, l’arrière train entamé par les crocs de ses poursuivants. L’équipage s’éloigne en forêt. Impossible d’aller à pied derrière. Des jeunes tentent de suivre en VTT. En fin d’après midi, retour bredouille des beaux cavaliers, pas d’autre proie . On commente la journée et se restaure un peu. Les chiens sont abreuvés et enfermés dans les bétaillères. En retrait, on dépèce l’unique prise de la journée. La tête et la peau gisent à côté d’une masse sanguinolente. Des jeunes enfants observent, l’air partagé. Ils caressent le museau. « Quel âge avait-il ? Etait-ce un nouveau-né ?», « Deux ans environ » répond le chasseur . Silence gêné. C’est Noël et Bamby n’est pas loin…Une femme enceinte, presque à terme, est là… Elle porte la vie, retirée à ce jeune massacré à terre. La dépouille est recouverte par sa peau, vain maquillage macabre. Les chasseurs sont maintenant en lignes derrière l’animal ; on libère les chiens qui viennent entourer leur proie ; la bête est gardée, fouet levé : on ne touche pas… Sonneries. Enfin, l’homme au fouet recule et retire la peau, comme on tire un rideau de théâtre, pour découvrir le corps. La meute se jette alors sur ce qui est devenu maintenant un tas de viande. La curée commence, mêlée générale, les morceaux s’arrachent de gueule en gueule, les chiens courent de tous les côtés, du rouge vole en l’air, l’odeur est forte et nauséabonde, les appareils photos crépitent ; la « musique » continue à jouer faux. Plus loin, deux chiens machouillent la peau et la tête abandonnées. Il ne reste plus rien d’autre qu’une tache sanglante dans l’herbe mouillée. La fête est finie ; ultime cigarette, parfois arrosée ; propos convenus, congratulations de départ. Quels manques intimes ont ces gens, dont le narcissisme quémande le regard et dont la brutalité enfreint les valeurs de non-violence de notre société ? Ceci est une autre histoire…. OHIYESA Décembre 2007 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites