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terrienne

la lettre hebdo de gérard charollois (13/01)

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La désobéissance civile

Partons de deux exemples concrets pour asseoir notre réflexion sur un conflit pouvant surgir entre le respect dû à la loi et le respect dû à sa conscience.

En 1943, un industriel allemand, Oscar SCHINDLER, recrutant des travailleurs forcés dans les camps de concentration polonais mentit au régime et corrompit ses amis nazis pour sauver 1200 juifs de l’extermination. Il feignit d’en avoir besoin pour la production et l’effort de guerre de son pays. Ce fait généra un livre puis un film faisant d’un délinquant d’un jour, le héros d’une histoire généreuse et exemplaire.

Oscar SCHINDLER avait néanmoins violé la loi de l’Etat allemand, menti aux autorités, bravé les tribunaux du REICH risquant pas moins que sa propre vie pour en épargner d’autres.

En France, soixante ans plus tard, José BOVE et ses amis de combat fauchèrent des champs de maïs transgénique, après avoir démonté un restaurant fast food, ce qui constitua des délits ayant amené sa condamnation effective à une peine d’incarcération.

Ces deux récits comportent d’évidentes similitudes et quelques différences auxquelles il convient de s’attacher.

Parfois, obéissant à leur conscience, des hommes se dressent contre la loi du lieu et du temps, bravent l’Etat, pour sauvegarder des valeurs qui leur paraissent supérieures au commode respect du droit positif, s’exposant gravement eux-mêmes pour protéger autrui ou défendre un intérêt général qu’ils jugent supérieur.

Les différences tiennent à ce que le risque encouru par Oscar SCHINDLER était supérieur à celui pris par José BOVE.

Elle tient aussi à ce que la loi allemande de l’époque, prônant le génocide, était celle d’un Etat criminel, bien que démocratique, car on oublie trop vite que le régime nazi recueillit l’adhésion d’une majorité sinon constamment absolue, du moins souvent relative, du peuple.

La loi protégeant les semences de la firme MONSANTO est celle d’une république libérale, d’un état de droit, lui aussi démocratique.

Il peut apparaître plus grave de transgresser la loi d’une république libérale que d’un Etat génocidaire, mais sur le plan des principes, la frontière éthique n’existe nulle part.

La question est identique : Le citoyen a-t-il le droit de faire prévaloir sa conscience sur la force du droit positif ?

En cas de conflit, comment résoudre la contradiction ?

Le lâche répondra bien évidemment, qu’il suffit de se soumettre à la loi sous peine de s’exposer personnellement à être frappé par l’Etat dont on méconnaît les prescriptions, quelle que soit l’abjection de l’ordre légal.

Après tout, dira-t-il, si une majorité de 51% d’un peuple décide, il faut obéir.

Mais alors, si cette majorité décide de mettre à mort une minorité, cette volonté démocratique s’impose-t-elle encore ?

Les 51% de génocidaires ont-ils raison contre les 49% de complaisants au cœur tendre.

Cet exemple extrême mais nullement théorique permet d’éclairer un débat complexe.

Il va de soi que nous ne saurions admettre en éthique que le culte de la loi l’emporte sur l’impératif de conscience.

Le devoir de l’homme est de s’insurger contre le crime, le génocide, la cruauté, l’injustice, la violence inique, parfois légaux, jamais légitimes.

Il est des cas où l’abstention est aussi coupable que l’action.

Supprimer volontairement une vie ou s’abstenir de la sauver alors qu’on pourrait le faire participent de la même faute morale puisque la conséquence est identique.

Or, la valeur d’un acte et d’une abstention se mesure davantage à leurs conséquences qu’à leur intention.

Mais, dirons les conformistes formatés, dans nos sociétés polissées, riches de procédures démocratiques et de contrôle de légalité, le citoyen dispose d’autres armes pour défendre son objection de conscience, recours légaux dont ne jouit pas l’individu confronté à un tyran.

Ainsi, les semences transgéniques, pour raisonner à partir de cet exemple, furent autorisées par un parlement souverain, élu paisiblement par des citoyens libres.

Cette objection n’est pas recevable.

Lorsque les citoyens délèguent par leurs votes leurs pouvoirs à des représentants, ils abdiquent une partie de leur souveraineté dès lors qu’ils ignorent, le jour du vote, l’ensemble des textes qu’approuvera leur député ou leur président.

Chose entendue : « Je vote pour celui-ci car il réalisera son programme! ».

Peut-être : quel programme ?

Si ce citoyen avait connu le « programme » de son candidat d’un jour, il est peu probable qu’il lui ait apporté son suffrage.

L’élection n’emporte pas approbation de toutes les innombrables mesures que sont appelés à adopter des gouvernants soumis au jeu des lobbies, aux exigences des puissances financières, aux caprices des influences d’entourage.

Ainsi, toutes les enquêtes d’opinion prouvent, simples exemples, qu’une immense majorité de Français souhaitent l’abolition de l’abjecte chasse à courre, de la torture tauromachique, ce qui ne les empêchent pas d’élire des gens qui ne risquent guère de réaliser ce programme.

Inversement, par la loi du 2 octobre 1981, contre l’avis d’une majorité obscurantiste du corps social, le parlement de l’époque abolit la peine de mort.

Ces rappels révèlent qu’existe un décalage, tantôt réactionnaire, tantôt progressiste, entre les citoyens et leurs représentants.

Par ailleurs, ce qui est légal un jour peut cesser de l’être demain lorsque les processus de civilisation auront accompli leur œuvre.

Les recours juridictionnels, lorsqu’ils existent et sont efficients, mais aussi la désobéissance civile lorsqu’il y a blocage absolu, permettent cette évolution.

La désobéissance civile comporte une limite à ne franchir en aucune circonstance tenant au respect de la vie et de l’intégrité des personnes.

Les écologistes et les fronts de libération animale, dans le monde, l’ont parfaitement intégré lorsqu’ils s’en prennent à des laboratoires, à des installations polluantes ou lorsqu’ils s’interposent pacifiquement entre les victimes et les bourreaux, en veillant bien à ne jamais blesser ni tuer qui que ce soit.

Je dis que cette limite constitue une borne infranchissable et j’entends l’objection intelligente de ceux qui, à très juste titre, s’interrogeraient sur la nécessité de transgresser la prohibition d’attenter à la vie et à l’intégrité des personnes dans des circonstances exceptionnelles.

Le contradicteur réfléchi me rétorquerait, non sans pertinence, que si un résistant peut tuer le tyran pour empêcher un génocide, il doit le faire, supprimer cette vie pour en sauver des milliers d’autres .

Je comprends et respecte ce choix.

Pour ma part, je maintiens que le meurtre, fut-ce du tyran le plus sanguinaire, comporte l’inconvénient majeur de banaliser l’acte de mort, d’abaisser l’objecteur au rang de celui qu’il condamne, d’affaiblir le principe fondamental du respect de la vie d’un être sensible conscient de lui-même, principe qu’il convient d’ériger en absolu indépassable.

Je crois à la force de l’exemple.

C’est ce qui m’a toujours conduit à récuser la peine de mort, y compris pour les crimes les plus massifs et les plus odieux : tuer rabaisse au rang de l’assassin.

Plus généralement, il convient aussi de distinguer la « désobéissance civile » de la violence primaire, brutale des voyous sociaux qui pour défendre, non des valeurs, une éthique, des principes, mais leurs petits intérêts, dégradent les biens publics et agressent les personnes.

Ceux qui saccagèrent le bureau de la ministre verte de l’environnement, qui violentent les personnes, souillent les préfectures, pour des motifs bien peu élevés, ne sont guère dans la démarche éthique des objecteurs de conscience de la désobéissance civile.

Non, je ne dérive pas ici dans un subjectivisme partisan.

Je ne pense pas que la désobéissance civile soit le privilège des écologistes, des défenseurs des droits de l’homme et des animaux, des pacifistes.

Je peux même reconnaître aux actions d’adversaires idéologiques le caractère de désobéissance civile. par exemple :

Certains groupes religieux, aux antipodes de ma pensée, s’interposent pacifiquement, notamment aux USA, pour dénoncer la pratique des avortements, parce qu’ils considèrent l’embryon comme une personne.

Or, une personne est un être sensible conscient de lui-même ce qui est le propre des humains et des animaux non-humains, pas d’un amas de cellules qui n’est jamais qu’un potentiel de personne.

Bien que je combatte idéologiquement l’analyse de ces groupes que je juge obscurantistes, je reconnais qu’il y a ici « désobéissance civile » parce qu’il y a objection de conscience, défense de valeurs et d’idées.

En revanche, cette dimension éthique est absente chez certains groupes de pressions violents qui entendent imposer à la société leurs intérêts sordides, leurs privilèges, au besoin par recours à une violence qu’ils savent d’ailleurs impunie en raison de leurs réseaux dans l’appareil d’Etat.

Au terme de cette analyse succincte, nous voyons que la notion de « désobéissance civile » comporte deux éléments : transgression de la loi pour défendre un intérêt moral supérieur et refus d’attenter à la vie et à l’intégrité physique.

C’est, par excellence, le domaine d’action des biocentristes qui récusent l’anthropocentrisme ambiant hérité de siècles d’hérésies éthiques.

Pour reconnaître à l’animal et à la Nature des droits, les militants ne peuvent que bousculer les lobbies faiseurs de mauvaises lois.

La seule réponse qu’apportent les chasseurs à mes critiques philosophiques de leur loisir est absurde : « La chasse est légale ».

Bien sûr, comme le furent l’esclavage, les ordalies, les bûchers, l’inquisition, le bagne, la question, la peine de mort.

Gérard Charollois

CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE.

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