terrienne 0 Posté(e) le 20 janvier 2008 La montagne a des droits Il fallut des siècles, des combats philosophiques, des révolutions pour que soient reconnus les Droits de l’homme, cette espèce élue. Durant longtemps, des ethnies furent élues mieux que d’autres, selon certains monothéismes. Le christianisme eut le mérite d’élargir, par-delà les tribus, « l’amour de la divinité à l’humanité entière », universalité spéciste qui fut, en son temps, un progrès. « Dieu créa l’homme à son image » énonce celui qui croit, ou « l’homme créa dieu à l’image de sa légitime peur de la mort », comprend celui qui pense. Peu importe d’ailleurs l’option. L’évidence est que la pensée issue des trois monothéismes implique un jeu de miroirs entre l’humain et sa divinité tutélaire, protectrice, dispensatrice de pardons ou de jugements définitifs. Les autres espèces, pour ces doctrines qui ont façonné l’esprit occidental, les éléments de la Nature sont offerts en pâture aux caprices et à l’appétit des humains. Le non-humain demeure, pour ces vieilles pensées, sans droit. « Croissez et multipliez, soyez la terreur et l’effroi » : Que voilà un ordre divin conforme à l’agressivité et à la cupidité naturelles à l’espèce féroce. Le plus grand tueur d’hommes à travers l’Histoire ne fut ni le tigre, ni le lion, ni la foudre, mais l’homme lui-même. Pendant des siècles l’individu humain n’eut pas de droit, seule la divinité régnait sur les corps et les esprits : le monde était théocratique. Il le demeure encore aujourd’hui, dans certains Etats du Proche-Orient et partiellement aux USA. Je sais gré aux hommes des lumières, (dont Antoine CONDORCET), d’avoir élaboré une doctrine des droits de l’homme dégagée de la chape de plomb théocratique. Présentement, l’objectif est d’élargir le cercle de l’empathie et du droit à l’existence pour y englober les animaux, êtres sensibles, et par-delà, tous les êtres vivants ainsi que les éléments naturels. Recherchons le fondement éthique de ce droit à l’existence. Pour l’adepte d’un monothéisme, ce qui confère la personnalité et le support de la dignité tient à l’appartenance à l’espèce élue, créée à l’image de sa divinité. La barrière est telle que pour ce « croyant » un embryon humain, dépourvu de la capacité de souffrir et de toute conscience d’être, a plus de valeur qu’un animal parvenu à son stade d’être sensible et conscient. Cette position héritée des religions n’est nullement un postulat philosophique vérifiable par une démonstration logique. C’est une pure erreur de raisonnement. La vie, depuis son apparition sur terre, a tenté de nombreuses expériences évolutives mais toutes les sciences confirment l’unité profonde du vivant. Affirmer qu’une espèce est irrémédiablement séparée de toutes les autres est un fantasme, non une opinion. Inutile d’insister ici sur les similitudes chromosomiques entre les différentes espèces hommes et grands singes anthropoïdes. Durant trop longtemps, la reconnaissance du droit fut lié à l’appartenance à une tribu, à une cité, à une race pour qu’aujourd’hui puisse perdurer la frontière hermétique de l’espèce. Ce n’est point une appartenance quelconque, mais un caractère qui fonde le droit, à savoir l’aptitude à éprouver le principe du plaisir/déplaisir. Tous les animaux répondent à ce critère et doivent bénéficier du droit à exister et à ne pas être soumis aux sévices. Les mentalités évoluent par prise de conscience du caractère sensible de l’animal. Les végétaux, les éléments minéraux de la terre peuvent-ils également se concevoir comme sujets de droit ? Peut-on dire que la mer a un droit à ne pas être polluée, une rivière à continuer à couler, une montagne à ne pas être arasée, un arbre vénérable à ne pas être abattu ? Pour ces éléments biologiques ou minéraux, dépourvus d’un système nerveux supérieur, caractéristique des êtres sensibles, le fondement du droit ne saurait plus résider dans la capacité de souffrir et d’en avoir conscience. Néanmoins, instinctivement, tout individu responsable et sensible perçoit la nécessité de conférer aux éléments non animaux de la Nature une valeur intrinsèque et un droit à la préservation. Le fondement de ce droit tient à la sympathie que l’humain ressent et qui suffit à justifier que ce pour quoi il s’émeut ne disparaisse pas, ne soit pas souillé, violé, détruit. En outre, tous les éléments de la Nature sont indispensables à des êtres sensibles qui vivent en harmonie et grâce à ces éléments. MONTAIGNE disait déjà qu’on ne pouvait pas protéger les oiseaux sans protéger les arbres. La falaise est au vautour ce que la maison est à l’homme. Dès lors, la Nature, en raison de son unité fondamentale, jouit d’un droit à notre reconnaissance et à notre respect. La montagne a des droits infiniment plus pérennes que ceux des promoteurs parasites qui, pour l’exploiter, en détruisent sa spécificité. Gérard Charollois CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE. Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites