terrienne 0 Posté(e) le 4 novembre 2008 Quand l’homme sait qu’il épuise la Terre : l’écologisme du zéro à l’infini « Je suis un homme heureux. Je pense que notre civilisation occidentale est la meilleure qui n’ait jamais été développée. Mais... il faut être stupide… pour ne pas admettre que notre terre est malade... » Paul-Émile Victor (1945 !) « La principale maladie de la planète, c'est l'homme. » Paul Emile Victor « Le processus économique n’est qu’une extension de l’évolution biologique et, par conséquent, les problèmes les plus importants de l’économie doivent être envisagés sous cet angle. » Nicholas Georgescu-Roegen « Une croissance indéfinie est impossible, nous n'avons qu'une seule Terre, mais une civilisation du bonheur est possible. Les solutions existent, mais l'opinion les ignore car les structures actuelles et les détenteurs des pouvoirs économique et politique s'y opposent. » René Dumont « Le plein de la société correspond au creux de la nature, la percée et les dimensions positives de la première sont symétriques du recul et des dimensions négatives de la seconde. » Serge Moscovici « Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou, ou un économiste. » Kenneth Boulding « C’est le test définitif pour la civilisation humaine. Nous avons atteint la limite de ce que l’écologie peut tolérer et nous devons changer les technologies que nous utilisons, les critères de nos vies et être plus respectueux de l’intégrité du système écologique. » Al Gore L’examen de minuit « Sans doute était-ce le premier devoir. (…) il fallait civiliser l’homme du côté de l’homme. La tâche est avancée déjà et fait des progrès chaque jour. Mais il nous faut aussi civiliser l’homme du côté de la nature. Là, tout reste à faire. » Victor Hugo « On ne triomphe de la nature qu’en lui obéissant. » Francis Bacon « Nous comprenons la nature en lui résistant. » Gaston Bachelard « L'homme a atteint les limites de la biosphère. Nous vivons un moment historique. Et nous sommes dans un cul de sac. » Hervé Kempf « Avant, j'étais sceptique sur le réchauffement climatique, mais maintenant je suis absolument convaincu que le monde part en vrille. » Richard Brandson Les hommes qui, dans les jeux du cirque de la Rome antique, jetaient les premiers adeptes de la secte chrétienne à des fauves affamés avaient-ils l’excuse de n’être pas encore épris de l’esprit de réconciliation religieuse ? De cette religion qui plus tard portera à la flamme bénie du bûcher les corps des hérétiques, des sorcières, des juifs et des homosexuels, qui se montrera si inventive en matière de peine capitale : décapitation à l’épée, gibet devenant plus tard guillotine, roue, écartèlement… ! Les hommes qui au Liban, dans des temps lointains, dévastèrent les forêts de cèdres pour construire leurs cités grandioses et leurs navires avaient-ils l’excuse de ne rien savoir de la non durabilité des ressources écosystémiques ? Ceux qui aujourd’hui au Maroc, achèvent la cédraie millénaire en la soumettant à un surpâturage de rente, tout en faisant accroire que l’on peut la pérenniser par le biais du reboisement de semis lilliputiens, savent-ils davantage de la science écologique ? Pire, ils s’en moquent. Quand il sait, l’homme signe et persiste son action néfaste en usant de rouerie. Il était une fois une histoire équivoque, celle du rapport ambigu de l’homme à la Nature, faite d’une fine pincée d’amour et d’une lourde poignée de haine. Il n’y eut pas de jugement dernier, seulement une fin de non recevoir d’une Terre tarie. Ceux qui persistaient à penser que l'humanité saurait toujours trouver dans la science et la technique la solution aux problèmes eux-mêmes engendrés par la science et la technique, comme elle l'a toujours fait dans le passé, ceux-là ne croyaient pas en la réalité de l'avenir. Alors, le dos au mur, Grosjean comme devant, nous vint l’ultime recours d’un pathétique, bien tardif et très inutile examen collectif de conscience… « La pendule, sonnant minuit, Ironiquement nous engage A nous rappeler quel usage Nous fîmes du jour qui s'enfuit. » Charles Baudelaire Voilà donc quelques temps que nous sommes passés à l’examen d’écoconscience, mais avec une légèreté à nulle autre pareille, car nous nous gaussons de nos péchés écologiques, nous les relativisons, nous organisons des chasses aux sorcières. Le pollueur, l’exterminateur, l’agresseur de la biosphère, c’est l’autre. Mais qui, dans le sillon monothéiste, n’a jamais cherché à accéder à une béatitude environnementale, à une sainteté écologique ? Nous n’avons de modèles que des guerriers, nous n’avons d’idéologie que l’exécrable rapport du plus fort. Nous nous complaisons dans une culture du héros musclé et de la dévastation. Pour expier toutes ces horreurs, la nouvelle bonne parole, celle qui s’articule au mensonge, voudrait nous faire accroire qu’un simple tri sélectif de nos déchets pourrait tenir lieu d’acte de contrition domestique, qu’une larme compassionnelle pour les volailles en batterie saurait nous racheter, mais que l’oiseau que le chasseur flamberge demeure la mission qui nous est assignée depuis notre piédestal de faux démiurge, faute de quoi nous serions abasourdis par les trilles de ramages surnuméraires. La tache originelle de notre pression anthropogène est vite expiée ou justifiée au confessionnal des bonnes résolutions et des ministères fantoches d’impérieux énarques. Avec cette propension à adhérer au catéchisme de l’abbé Hulot et du « vous me calculerez votre empreinte écologique et vous me réciterez trois Notre Père ». C’est aussi simple que ça ! Sauf que le mal est fait et, reconnaître ses exactions et sa concupiscence comme l’Église coloniale reconnaît ses génocides ne redonne pas la vie aux peuples décimés, ne réhabilite pas les écosystèmes et ne remet pas le climat à l’endroit. La biosphère n’a que faire de notre âme, de ses états et de notre conscience. Les dieux pardonnent parce que nous les avons inventés pour nous pardonner. La Nature, elle, ne se laisse pas raconter d’histoires, elle nous aligne et nous soumet, elle nous prend à notre propre piège. L’écologisme n’atteste un certain succès que dans les versions les plus cosmétiques et les plus lénifiantes de celles qui consistent à promettre un catalogue de bonnes actions, de gestes salvateurs au quotidien et d’autres incantations ou de grandes décisions du genre : Je sauve ma planète…, Je relève le défi pour la Terre avec Pascal Obispo…, Je me mets au compost avec Julien Clerc…, J’utilise une lessive sans phosphates avec Zazie…, Je trie mes déchets avec le Prince Charles…, Je réduis l'usage du papier toilette à un carré par personne avec Sheryl Crow… Il n’y a pas de petits gestes jusqu’à l’idolâtrie anthropomorphique en peluche des seules sympathiques espèces. C’est bien la preuve que nous continuons à fonctionner comme des tartuffes et des imbéciles, comme des culs-bénits pas plus écologiques qu’ils ne furent jamais érotiques. Comme disait l’autre, on retarde ainsi la révolution, écologique cette fois. Sauver la planète n’est qu’une morale à la petite semaine, avec la fourberie de toutes les morales. Ce n’est pas être dubitatif que de le dire. C’est seulement pour se mettre en règle, se repentir, s’autoflageller, battre sa coulpe, faire amende honorable et le proclamer bien haut au confessionnal dominical et convenu de Michel Drucker, là où tout peut encore faire des petits sous. C’est pouvoir se regarder dans la glace, le visage lavé à cette eau claire que nous avons soumise, les fantasmes dûment désodorisés à la vanille d’un village du bout du monde par l’entremise de quelques mousseuses transnationales finançant complaisamment des colères vertes de pacotille. C’est l’éternel parcours du monothéiste repentant, devenu athée pratiquant, s’inspirant d’un autre décalogue. Nous en sommes là, et pas ailleurs. Et c’est aussi pour ça que les carottes sont cuites. Nous nous jouons de tout, nous nous mentons à nous-mêmes, le seul objectif étant de nous rassurer, pour mieux continuer la pantomime et mettre le désespoir en bourse. Peu nous chaut d’avoir anéanti quatre-vingt-dix-mille espèces de fleurs, tant qu’Interflora subsiste et que Jean-Paul Gaultier fait défiler ses poufiasses en peau de vison sous les cris d’orfraie de quelques indignées d’un Passy bien-pensant. L’écologisme semble trop souvent s’adresser à des Terriens en culotte courte, boutonneux à l’extrême et pas encore déniaisés. Bien entendu et pour le système, c’est la meilleure façon de récupérer la cause et de la mettre sur les sempiternels rails du faux espoir. Tant qu’il reste une orchidée au supermarché, un ourson venant de naître dans un zoo, un Indien à plumes pour tour opérateur, tant qu’il y a un rayon bio dans la vitrine de l’enfer néolibéral, pas question de désespérer Kyoto en crachant quatre vérités qui auraient le don d’exaspérer. L’écologie-révolte fout les jetons… évacuons-la ! Pas de polémique, pas d’attaque frontale, dit la rengaine qui caresse dans le sens du poil. Ne culpabilisons pas, responsabilisons, jusqu’au bord du gouffre. L’astuce ne va pas tourner court. Du sujet bigot au citoyen défroqué, du consommateur qui pourrait boycotter à l’écocitoyen dégoudronnant sa plage, il y a encore matière à presser le citron. Une imposture de 6 000 ans ne risque pas de se décourager pour un trou d’ozone ou une sixième vague d’extinction massive d’espèces. On n’apprend pas à un vieux sapiens à faire des grimaces, même s’il a l’outrecuidance de répudier les singes de sa très jactante famille humaine. L’enjeu est l’autodestruction, droit dans le mur, mais on semble encore vouloir jouer les prolongations. À l’horizon, le mur semble reculer au fur et à mesure que l’on avance, retardant l’échéance cuisante de la Vallée de Josaphat et nous permettant de réitérer cette politique de la terre brûlée qui nous va si bien. Pas de panique, on percute ! Conséquence : haro sur le déclinologue, assez de catastrophisme et de probabilisme, à bas le prophète juif, vite le messianisme, jouissons encore sous le dernier arbre du CAC 40 ! Pour s’enrichir de leurs propres fumures, les chiffonniers du changement climatique ont même indexé le droit de polluer des entreprises à la bourse. L’écologie-gisme est une aventure du marketing capitaliste. Quand elle est poudre aux yeux, elle joue à guichet fermé. Quand elle se présente aux élections, elle fait son 1 % de bonne conscience. Quand il faut la déblayer, on lui fait un beau ministère d’État à pouvoir transversal, sous la houlette de son meilleur ennemi, on l’emballe avec l’aménagement, l’industrie et l’agriculture pour mieux la bâillonner et la broyer en l’offrant à l’appréciation des grands lobbies transnationaux. Il n’y aura pas de miracle sans décroissance et le vœu de décroissance est indicible. Dix milliards d’habitants, chacun dans une bagnole dont on a déjà décidé, dans les couloirs de la finance, qu’elle roulera au colza ou au maïs. « Ne laissez pas goutter votre robinet quand vous vous lavez les dents », nous-répète-t-on sans cesse tandis qu’ils transforment tout le Sud en golfs à 18 trous. C’est une histoire à dormir debout. Alors, je suis dégoûté. Mélangez de nouveau tout dans vos poubelles, nous avons gagné quelques batailles, mais nous avons perdu la guerre contre la déraison. « La pendule, sonnant minuit, Ironiquement nous engage… ». « Dressons des antennes, des paraboles et des gratte-ciel pour tous les hommes, qu'ils vivent heureux, jusqu'ici tout va bien. » (Raphaël) Michel TARRIER Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites