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Max|mum-leterrarium

Carl von Linné

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Carl Linnæus, puis Carl von Linné après son anoblissement, né le 23 mai 1707 à Råshult (Suède) et mort le 10 janvier 1778 à Uppsala (Suède), est un naturaliste suédois qui a fondé les bases du système moderne de la nomenclature binominale. Considérant, selon la formule d'Edward Coke « Nomina si nescis, perit et cognitio rerum » (la connaissance des choses périt par l'ignorance du nom), que la connaissance scientifique nécessite de nommer les choses, il a répertorié, nommé et classé de manière systématique l'essentiel des espèces vivantes connues à son époque en s'appuyant sur ses propres observations comme sur celles de son réseau de correspondants. La nomenclature qu'il établit alors, et la hiérarchisation des classifications en classe, genre, ordre, espèce et variété, s'impose au XIXe siècle comme la nomenclature standard.

Le grand nomenclateur que fut Linné, qui consacra sa vie à nommer la plupart des objets et êtres vivants, puis à les ordonner selon leur rang, eut lui-même maille à partir avec sa propre identité, son nom et même son prénom ayant été remaniés tant de fois au cours de sa vie qu’on ne dénombre pas moins de neuf binômes et autant de synonymes ! Aux XVIIE et au XVIIIE siècles, la plupart des Suédois ne portent pas encore de noms patronymiques. Aussi le grand-père de Linné, conformément à la tradition scandinave, s’appelait Ingemar Bengtsson (signifiant « Ingemar, fils de Bengt ») et son propre fils, le père de Linné, fut d’abord connu sous le nom de « Nils Ingemarsson » (signifiant « Nils, fils d’Ingemar »).Mais Nils, pour répondre aux exigences administratives lors de son inscription à l’université de Lund, doit choisir un patronyme. Sur les terres familiales pousse un grand tilleul. La propriété en porte déjà le nom : Linnagård (ou Linnegård), toponyme formé de linn (variante aujourd’hui obsolète de lind, « tilleul » en suédois) et de gård, « ferme »). Plusieurs membres de la famille s’en sont déjà inspiré pour former des patronymes comme Lindelius (à partir de lind) ou Tiliander (à partir de Tilia, « tilleul » en latin). Il est par ailleurs de bon ton, dans les milieux instruits de pratiquer le latin. Nils choisit donc une forme latinisée et devient « Nils Ingemarsson Linnæus ». Honorant ensuite le très populaire souverain de Suède de l’époque Charles XII, (en suédois Karl XII, 1682-1718), Nils donne le prénom du roi à son fils, qui débute donc son existence en s’appelant Karl Linnæus, le plus souvent orthographié « Carl Linnæus ».
Lorsque Carl Linnæus s’inscrit à l’université de Lund à l’âge de 20 ans, son prénom est enregistré sous la forme latinisée de Carolus. Et c’est sous ce nom de Carolus Linnæus, qu’il publie ses premiers travaux en latin.
Parvenu à une immense notoriété et en qualité de médecin de la famille royale de Suède, il est anobli en 1761 et prend en 1762 le nom de Carl von Linné, Linné étant un diminutif (« à la française », selon la mode de l’époque dans nombre de pays de langue germanique) de Linnæus et von étant la particule nobiliaire. Dans le monde francophone comme en Suède, il est aujourd’hui communément connu sous le nom de Linné. En botanique, où les citations d’auteurs sont souvent abrégées, on emploie l’abréviation standardisée L. Il est d’ailleurs le seul botaniste à avoir le grand privilège d’être abrégé en une seule lettre. En zoologie, où il est d’usage de citer le nom patronymique complet de l’auteur du taxon, on emploie « Linnæus » (ou sa graphie sans ligature latine « Linnaeus », adoptée en anglais et plus pratique pour les utilisateurs de claviers dits internationaux) à la suite des taxons qu’il a décrits, et plus rarement « Linné », car c’est sous son nom universitaire « Linnæus » que ses principaux travaux de taxinomie zoologique jusqu’à 1761 ont été publiés (sauf les 1500 noms d’espèces d’animaux nouveaux établi en 1766/1767 dans la 12e édition de Systema naturae, pour lesquelles on utilise habituellement en français le nom d’auteur « Linné »). De plus, à la différence de son prénom (Carolus), « Linnæus » n’est pas une transcription latine a posteriori, mais son véritable patronyme. Quant à ses œuvres, elles furent publiées jusqu’en 1762 sous les noms de « Caroli Linnæi » (qui est la forme génitive, signifiant « par Carolus Linnæus »), ou encore « Carl Linnæus » ou seulement « Linnæus ». En 1762, sur la page de couverture de la seconde édition de Species plantarum, le nom est encore imprimé de cette manière. Mais ensuite, il n’apparaît plus imprimé que dans sa forme nobiliaire « Carl von Linné » ou « Carolus a Linné » (le a ou ab étant la traduction latine de von). Dans quelques bibliothèques, il est généralement entré comme « Linnaeus, Carolus (Carl von Linné) », d'autres utilisent « Carl von Linné ».



Carl Linnæus naît le 23 mai 1707 à Råshult, dans la paroisse de Stenbrohult du comté de Kronoberg, dépendant à cette époque de la province suédoise méridionale du Småland. La région est riche en forêts et en lacs, l’environnement y est particulièrement propice à la contemplation et à l’observation de la nature. Le père de Carl, Nils Ingemarsson Linnaeus (1674-1748) est alors un vicaire de l’église luthérienne et sa mère, Kristina Brodersonia (1688-1733) est la fille du pasteur de Stenbrohult, Samuel Brodersonius. Nils exerce cette charge d’assistant pastoral depuis son arrivée à Råshult en 1705, mais en 1709, à la mort de son beau-père, il devient lui-même le pasteur de la paroisse et la famille déménage de quelques centaines de mètres jusqu’au presbytère de Stenbrohult, au bord du lac de Möckeln. Nils est un amoureux des plantes qui transmet sa passion à son jeune fils, permettant à celui-ci d’entretenir son propre jardin dès l’âge de 5 ans. Mais avec un père et un grand-père pasteurs, la destinée de Carl est de suivre leurs traces et de devenir aussi pasteur. Carl quitte le foyer familial à 9 ans, le 10 mai 1716, pour entrer à l’école de Växjö à une quarantaine de kilomètres de Stenbrohult. Il poursuit ensuite ses études au lycée de la même ville, qu’il intègre le 11 juillet 1723 et qu’il quitte le 6 mai 1721. Mais il ne montre guère d’enthousiasme pour les études et la vocation religieuse. Il préfère s’intéresser aux choses de la nature et y passer son temps. Ses camarades le surnomment déjà « le petit botaniste ». Les professeurs, notamment celui d’histoire naturelle, le Dr Johan Stensson Rothman (1684-1763), convainquent finalement les parents de Carl de ne pas lui imposer une carrière religieuse et de lui permettre de poursuivre des études de médecine. C’est finalement son jeune frère, Samuel, qui succédant à son père et à son grand-père, deviendra pasteur de Stenbrohult.

Inscrit sous le nom de « Carolus Linnæus », il commence ses études à l’université de Lund en 1727. Il y reçoit notamment l’enseignement de Kilian Stobæus (1690-1742), le futur professeur et recteur de l’université, alors encore seulement docteur en médecine, qui lui offre son amitié et ses encouragements et lui ouvre ses collections et sa bibliothèque. Cependant, sur les conseils de son ancien professeur de Växjö, le Dr Johan Stensson Rothman, il s’inscrit à la prestigieuse université d'Uppsala qu’il rejoint en septembre 1728, où il peut effectivement trouver la richesse générale de connaissance qui lui convient. Fort peu développées à cette époque, les études de médecine n’étaient suivies que par une dizaine d’étudiants sur les cinq cents environ que comptait l’université et il n’était pas prévu que l’on puisse soutenir sa thèse de doctorat en Suède. Mais l’enseignement médical incluait une part importante de botanique, notamment l’apprentissage des caractères des plantes, de leurs vertus médicinales et de la manière de les préparer en pharmacie. Ces études furent sans doute le moyen, voire le prétexte, pour Carolus Linnæus de s’adonner à sa passion pour la botanique. Arrivé à Uppsala sans un sou vaillant, il lui faut aussi subvenir à sa propre existence. Alors qu’à peine arrivé en ville, il visite le jardin botanique fondé par Olof Rudbeck (1630-1702), il est remarqué et pris en charge par Olof Celsius (1670-1756), le doyen de la cathédrale et oncle du savant Anders Celsius (1701-1744). Olof Celsius présente Linné à Olof Rudbeck le Jeune (1660-1740), lui-même médecin naturaliste, qui engage le jeune étudiant comme tuteur de ses fils et lui permet d’accéder à sa bibliothèque. Linné remplace un temps l’assistant de Rudbeck, Nils Rozén (1706-1773), alors en voyage à l’étranger. Linné a justement comme professeur Olof Rudbeck le Jeune, ainsi que Lars Roberg (1664-1742). C’est à Uppsala, dès l’âge de 24 ans, qu’il conçoit sa classification des plantes d’après les organes sexuels et commence à l’exposer dans son Hortus uplandicus. C’est aussi à Uppsala, que Linné se lie d’amitié avec Peter Artedi (1705-1735), son aîné de deux ans, qui également issu d’un milieu d’église, destiné à devenir pasteur et venu étudier la théologie, s’intéresse finalement plus à l’histoire naturelle, particulièrement aux poissons.

Il conduit des missions scientifiques en Laponie et en Dalécarlie, à l'époque régions inconnues. Il en rapporte une très riche collection de spécimens végétaux, animaux et minéraux et publie sa première étude qui utilise le système sexuel des plantes, Florula Lapponica qu'il améliora par la suite sous le nom de Flora Lapponica (1737). Bien qu’il donne des conférences de botanique et qu’il soit considéré à Uppsala comme un génie, il n’a pas encore de diplôme de médecine. En 1735, il part aux Pays-Bas, avec l'intention d'y obtenir son diplôme de médecine et de publier ses écrits. Il met en forme ses notes et rencontre le botaniste Jan Frederik Gronovius (1686-1762) à qui il montre son manuscrit Systema Naturae. Celui-ci est si impressionné qu’il décide de financer son édition à Leyde. En 1736, il fait un voyage à Londres où il rencontre les personnes en vue de l'université d'Oxford tel le physicien Hans Sloane, le botaniste Philip Miller et le professeur de botanique J.J. Dillenius. Il rentre à Amsterdam pour continuer l'impression de son travail Genera Plantarum, point de départ de sa taxinomie. Au cours de son séjour en Hollande, il rencontre également le droguiste Albertus Seba (1665-1736) et Herman Boerhaave (1668-1738) botaniste qui le met en relation avec l’influent George Clifford (1685-1760), président de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales et botaniste distingué. Il étudie et travaille au cours de l'année 1737 dans le jardin du riche banquier. Clifford est en relation avec les marchands hollandais et les plantes collectées dans le monde entier sont ramenées à Linné qui s'efforce de les intégrer dans son Systema naturae4. Son jardin à Hartekamp était fameux à l'époque, puisqu'il y avait plus de mille espèces différentes. Linné y écrit en collaboration avec Georg Dionysius Ehret, illustrateur botanique, une description de jardin anglais, l’Hortus Cliffortianus, publié en 1737. Il obtient enfin son titre de docteur en médecine, après un court séjour à l’université de Harderwijk, puis il part pour l’université de Leyde, plus prestigieuse, où il reste une année au cours de laquelle son ouvrage Classes Plantarum est imprimé. Avant de rentrer en Suède, il va à Paris où il fait la rencontre de Bernard de Jussieu et de Claude Richard à Trianon.

Il retourne alors en Suède, où, ne recevant pas de proposition qui le satisfasse, il exerce la médecine à Stockholm en se spécialisant dans le traitement de la syphilis. Il se marie le 26 juin 1739 avec Sara Elisabeth Moræa (1716-1806), originaire de Falun. Ensemble ils auront sept enfants, deux garçons et cinq filles : Carl (1741-1783), Elisabeth Christina (1743-1782), Sara Magdalena (1744, morte à l’âge de quinze jours), Lovisa (1749-1839), Sara Christina (1751-1835), Johan (1754-1757) et Sofia (1757-1830). Finalement, en 1741, il obtient la chaire de médecine à l’université d’Uppsala puis celle de botanique, fonction qu’il occupera jusqu’à sa mort. Dans le jardin botanique de l'Université, il arrange les plantes selon sa classification. Il effectue trois expéditions en Suède et inspire une génération d'étudiants. Les compte-rendus de voyages sont publiés en suédois afin d'être accessible à tous. Outre la pertinence des observations de la vie de tous les jours, ces œuvres sont aussi appréciées pour leur qualité littéraire. Linné continue de réviser son ouvrage, Systema Naturae, qui ne cesse de grossir au fil des ans et à mesure qu'il reçoit des quatre coins du globe des spécimens de végétaux et d'animaux qu'on lui expédie et qu'il doit classer. De la brochure de dix pages du début (deux pages pour les minéraux, trois pour les plantes, deux pour les animaux), son œuvre devient un ouvrage de plusieurs volumes. Quand il n'est pas en voyage, il travaille sur l'extension du domaine minéral et animal. Il est si fier de son travail qu'il se voit tel un nouvel Adam nommant la nature, au point qu'il avait coutume de dire « Deus creavit, Linnaeus disposuit », ce qui traduit du latin signifie « Dieu a créé, Linné a organisé ». En 1747, il devient médecin de la famille royale de Suède et obtient un titre de noblesse en 1761. À la fin de sa vie, il est si célèbre que Catherine II de Russie lui envoie des graines de son pays. Il entre aussi en correspondance avec Joannes A. Scopoli, surnommé le « Linné de l'Empire autrichien », qui était docteur et botaniste à Idrija, duché de Carniole en actuelle Slovénie. Scopoli lui a transmis toutes ses recherches et ses observations pendant des années, sans qu'ils pussent se rencontrer à cause de la distance. Pour lui rendre hommage, Linné a nommé Scopolia une espèce de la famille des solanaceae. Les dernières années sont marquées par une santé déclinante. Il souffre de la goutte et de maux de dents. Une attaque en 1774 le laisse très faible et une seconde, deux ans plus tard lui paralyse la partie droite. Il meurt le 10 janvier 1778, à Uppsala, au cours d'une cérémonie dans la cathédrale, où il est par ailleurs enterré. Six années plus tard, suivant ses instructions posthumes, sa veuve vendit sa bibliothèque, ses manuscrits et la plus grande partie de ses collections à un acquéreur qui en prendrait grand soin. Ce dernier, un jeune Anglais nommé James Edward Smith, fonda une société scientifique chargée de recevoir ces trésors et l'appela la Linnean Society of London, où les collections sont conservées, protégées dans un sous-sol, mais disponibles aux chercheurs.



L’ouvrage le plus important de Linné est son Systema Naturæ (les systèmes de la Nature) qui connaît de nombreuses éditions successives, la première datant de 1735. Chacune d’elles améliore son système et l’élargit. C’est avec la dixième édition, de 1758, que Linné généralise le système de nomenclature binominale. Mais sa classification est parfois totalement artificielle. Ainsi dans la sixième édition de Systema Naturæ (1748), il classe les oiseaux dans six grands ensembles pour répondre, harmonieusement, aux six ensembles qu’il utilise pour classer les mammifères. Il définit clairement certains groupes comme la classe des amphibiens. Pour cela, il utilise les animaux décrits ailleurs (comme dans les œuvres de Seba, Aldrovandi, Catesby, Jonston ou d’autres auteurs). Mais, la plupart du temps, il décrit les espèces d’après des spécimens qu’il peut lui-même étudier.
Précurseur du racisme scientifique, il divise les Homo sapiens en quatre « variétés » en 1735, mais c’est dans la dixième édition, celle de 1758, qu’il introduit une classification de différentes espèces humaines avec l’homme blanc (Homo europaeus) en haut de l’échelle et l’homme noir (Homo afer) en bas (voir Linné, Systema Naturae, 10e éd., 1758 (t. I, p. 20 sqq.)).



Mises en vente par la veuve de Linné en 1783 pour subvenir à ses propres besoins et à ceux de ses filles, les très nombreuses lettres à Linné des plus grandes figures de l’époque du monde des sciences et des idées révèlent toute la richesse intellectuelle du personnage et mettent en lumière les controverses qui agitaient alors la pensée européenne.

Lors de son voyage en Laponie en 1732, Linné visite une pêcherie de perles au lac de Purkijaure. Il faut ouvrir des milliers de coquillages pour trouver les si rares perles : cela l’intrigue. De retour à Uppsala, il tente une expérience, introduit une petite dose de plâtre fin dans des moules perlières et replace celles-ci dans la rivière de la ville, la Fyris. Six ans plus tard, il récolte plusieurs perles de la taille d’un pois5. Il perfectionne la technique utilisant alors un fil d’argent pour tenir le granule générateur éloigné de la paroi de la coquille. La nacre peut ainsi se déposer régulièrement pour former une perle sphérique. Il vend son brevet en 1762, mais l’acquéreur néglige d’en tirer profit. Ce n’est qu’en 1900 que l’invention de Linné est redécouverte lors de la lecture de ses manuscrits conservés à Londres. Au xxe siècle, les Japonais développent alors la culture perlière et en améliorent les techniques.

Linné met au point son système de nomenclature binominale, qui permet de désigner avec précision toutes les espèces animales et végétales (et, plus tard, les minéraux) grâce à une combinaison de deux noms latins (le binôme) (il faudrait dire plus exactement le « binom », comme le Code de Nomenclature zoologique, 4e édition, 1999, le précise en français, traduction de l'anglais binomen traduit par erreur par binôme (en anglais « binomial ») ! Les rédacteurs de la dernière version française ont pris conscience de cette grotesque erreur - il n'y a aucun rapport entre le concept algébrique et le nom des organismes en nomenclature binominale - et ont rectifié. Le code de Botanique a malheureusement entériné cette confusion, et, pire, admet l'expression de nomenclature binomial ! ). Ce binom, ou binôme suivant l'usage trop répandu, comprend :
un nom de genre au nominatif singulier (ou traité comme tel), dont la première lettre est une majuscule ;
une épithète spécifique, qui peut être un adjectif, un nom au génitif ou un attribut, s’accordant avec le genre grammatical (masculin, féminin ou neutre) du nom de genre. Il est écrit entièrement en minuscules. L’épithète évoque souvent un trait caractéristique de l’espèce ou peut être formé à partir d’un nom de personne, de lieu, etc. NB. Le nom de l’espèce est constitué par l’ensemble du binom. Ces noms sont « réputés latins », quelle que soit leur origine véritable (grecque, chinoise ou autre), et écrits en alphabet latin (lettres de a à z et ligatures æ et œ, comme en français, mais sans diacritiques ni accents). Ce système binominal permet d’éviter de recourir aux noms vernaculaires, qui varient d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre. Par exemple, le renard roux est appelé en japonais aka-kitsune, mais un naturaliste japonais comprendra le nom latin, international, de Vulpes vulpes. Toutefois, avec la multiplication des recombinaisons, des synonymes et des interprétations divergentes d’auteurs, les « noms scientifiques » actuels sont parfois instables et difficiles à manier, comme d'ailleurs les noms vernaculaires.

Linné est un naturaliste « fixiste ». Pour lui, les espèces vivantes ont été créées par Dieu lors de la Genèse et n’ont pas varié depuis. Le but premier de son système est de démontrer la grandeur de la création divine. L’ordre hiérarchique des taxons y est fondé sur des critères de ressemblance « morphologiques » et d’affinités supposées, sans établir de relation génétique ou phylogénétique entre les espèces. Mais, par la suite, au fur et à mesure de l’avancée des connaissances, notamment à partir des travaux de Lamarck et de Darwin, la systématique a pris diverses formes (phénétique, évolutioniste, phylogénétique…), pour aboutir de nos jours à une systématique pragmatique (« au quotidien ») qui essaie de prendre en compte les diverses données propres à chaque méthode.

Linné, comme d’autres scientifiques de son temps, éprouve des difficultés pour concilier le contenu de la Bible avec ses connaissances. Il explique ainsi que le jardin d'Éden était comme une île tropicale qui devait comporter une haute montagne. Celle-ci, dont le climat change avec l’altitude, offre des habitats pour les autres formes de vie habituées aux régions tempérées et arctiques.

Linné a appliqué le concept de « race » à l'homme (ainsi qu'aux créatures mythologiques). La catégorie Homo sapiens fut subdivisée en cinq catégories de rang inférieur, à savoir Africanus, Americanus, Asiaticus, Europeanus et Monstrosus. Elles étaient basées au départ sur le lieu d'origine selon des critères géographiques, puis plus tard, sur la couleur de peau. Chaque « race » possédait certaines caractéristiques que Linné considérait comme endémiques pour les individus qui la représentaient. Les Indiens d'Amérique seraient colériques, rouge de peau, francs, enthousiastes et combatifs; les Africains flegmatiques, noir de peau, lents, détendus et négligents; les Asiatiques mélancoliques, jaune de peau, inflexibles, sévères et avaricieux; les Européens seraient quant à eux sanguins et pâles, musclés, rapides, astucieux et inventifs. On trouverait enfin dans la catégorie des hommes « monstrueux » les nains des Alpes, les géants de Patagonie et les Hottentots monorchistes. Par la suite, dans Amoenitates academicae (1763), il définit l'Homo anthropomorpha comme un terme fourre-tout pour une variété de créatures mythologiques et proches de l'homme, tel le troglodyte, le satyre, l'hydre, le phœnix. Il prétendit que ces créatures n'existèrent pas vraiment mais qu'elles étaient des descriptions inexactes de créatures ressemblant aux grands singes. Dans son Systema Naturae il définit aussi l'Homo ferus comme « chevelu, muet et à quatre pattes ». Il y inclut aussi le Juvenis lupinus hessensis ou garçons-loup qui furent élevés par des animaux, pensait-il ; dans le même esprit on y trouve le Juvenis hannoveranus (Pierre de Hanovre) et la Puella campanica où Linné évoque la fille sauvage de Songy.

Linné a eu une immense influence sur les naturalistes de son époque. Nombreux sont ceux qui viennent assister à son cours, apprendre sa méthode pour l’appliquer dans leur pays. Nombreux sont ceux qui s’embarquent pour des contrées lointaines pour y reconnaître la flore, Linné lui-même les nomme ses apôtres. Tous ces naturalistes trouvent avec la systématique et la nomenclature linnéenne un moyen de faire progresser les connaissances.
C’est avec sa collaboration que Philibert Commerson put écrire son traité d’ichtyologie. Il eut aussi quelques autres correspondants tels que Frédéric-Louis Allamand. Parmi ses nombreux élèves, citons : Anders Dahl, Johan Christian Fabricius, Charles de Géer, Christen Friis Rottbøll, Daniel Solander ou Martin Vahl. Il faut citer également le naturaliste suédois Peter Artedi (1705-1735). Les deux hommes se rencontrent à l’université d'Uppsala, se lient d’amitié puis se séparent, Linné partant pour la Laponie et Artedi pour la Grande-Bretagne. Avant leur départ, ils se lèguent mutuellement leurs manuscrits en cas de décès. Mais Artedi se noie accidentellement à Amsterdam où il venait réaliser le catalogue des collections d’ichtyologie d’Albertus Seba (1665-1736). Suivant leur accord, Linné hérite des manuscrits d’Artedi. Il les fait paraître sous le titre de Bibliotheca Ichthyologica et de Philosophia Ichthyologica, accompagné d’une biographie de leur auteur, à Leyde en 1738. Son influence s’exerce à travers tous les continents : Pehr Kalm en Amérique du Nord, Fredric Hasselquist en Égypte et en Palestine, Andreas Berlin en Afrique, Pehr Forsskål au Moyen-Orient, Pehr Löfling au Venezuela, Pehr Osbeck et Olof Torén en Chine et en Asie du Sud-Est, Carl Peter Thunberg au Japon, Johann Peter Falck en Sibérie… Son caractère égocentrique, conjugué à une extrême ambition, le conduit, comme Buffon, à persécuter ceux qui n’optent pas pour son système. Mais il est le premier, suivant en cela John Ray, à utiliser un concept clair d’espèce qui n’est en rien diminué par sa conviction de l’immuabilité des espèces.

Contrairement à la plupart des naturalistes européens qui reconnaissent la révolution linnéenne, des naturalistes et des philosophes français comme Julien Offray de La Mettrie, Denis Diderot, Buffon ou Maupertuis critiquent la systématique linnéenne. Ce qui lui est reproché est son caractère artificiel et fixiste. L’entreprise de Linné ne fait que partiellement appel à la raison, et peu d’incitation à l’expérimentation. Ils lui reprochent aussi une démarche empreinte de religiosité car Linné se voit en nouvel Adam décrivant et nommant la création. Pour toutes ces raisons les philosophes des Lumières en France ne peuvent le reconnaître comme l’un des leurs. Finalement, des idées de Linné, seule la nomenclature binominale survivra.

Courant en Suède, le prénom « Linnea » dérive d’une fleur des bois, nommée Linnaea borealis, en hommage à Carl von Linné, par son professeur Jan Frederik Gronovius.

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