Invité Posté(e) le 9 mai 2012 Le lévrier Jean AnouilhUn lévrier avait des idées progressistesEt tenait des propos brumeux,Mais pleins de générosité sur la misère, Au valet qui le promenait tousles matins. C'était un animal fameux *Selon le dire des héraldistes *Qui descendait directementD'un chien célèbre en Angleterre.Mais il ne prétendait s'en vanter nullement.Pour rien au monde, il n'eût salué le carlin,Qu'un autre valet le matinFaisait pisser sur l'avenue...Les deux hommes s'entendaient bien;Se retrouvant tous deux à l'heure convenueIls discutaient de la belote à petits pas.Mais les chiens ne se parlaient pas.Le lévrier, qui mettait de la complaisanceA compisser les réverbèresAprès les chiens les plus vulgaires *Reniflant quelquefois, galant,Le derrière d'un chien errant *Ne pouvait souffrir l'arroganceInsolente du carlin.« Pour qui se prend-il donc, enfin ?Disait-il. Il a un grand nom ?Bon.J'en ai un aussi, je pense ?Il a coûté une fortune ?Bon.Qu'est-ce que tout cela, au siècle où nous vivons, Quand un chien aatteint la lune ?Ce n'est pas le manteau de tissu écossaisNi l'excellence du cuir de ma laisseQui me différencie des autres, c'est Peut-être, si l'on veut,Que je cours sensiblement mieux ;Que j'ai certaine noblesseDans la démarche, certaine grâceParticulière à ma race.Mais pourtant je ne suis qu'un chienMoi aussi !Et le fox du portier voisin -*Qui n'a de fox je l'avoue, te pauvre être,Que les illusions de son maître -Est mon ami.Vous dirais-je (et je n'y mets aucune pose) Que j'ai quelquefois plaisirà croquer,Nos hommes étant occupés à bavarder,Un os, dans une poubelle ?Un os, Mais oui, mon cher, un os ! C'est excellent. Et puis tellementamusantDe le chercher du nez parmi les immondices ! Non, non. (II redevenaitgrave tout à coup.) Je suis sûr que la justiceSociale est maintenant à la base de tout.Fini le temps du toutouA sa mémère !Egaux devant la misère,Afin qu'un jour nos enfantsAient des lendemains_ _ triomphants... !**Il eût continué longtemps,Soliloquant sur ce ton,Fouillant artiste et amusé dans les ordures,Si un vieux chien bâtard sans nom,Qui y fouillait aussi cherchant sa nourriture,Ne l'eût soudain à coups de dentsFait déguerpir de son terrain de son terrain de chasse.Utilisant les vertus de sa race,Notre lévrier prudentPrit du champ.Saignant du nez, un grand accroc à sa pelisse,Derrière la porte aux deux battants cadenassésDu luxueux immeuble, il glapissait :« C’est insensé !En pleine avenue Foch ! Que fait donc la police » Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Merlin111 1 Posté(e) le 9 mai 2012 Merci pour cette découverte Pascalou Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
nadeer 0 Posté(e) le 10 mai 2012 Bien vu... Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites