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Merlin111

Le Lévrier et le serpent

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Le lévrier et le serpent







Extrait des Sept Sages , roman en prose du XVe siècle , inspiré par un conte indien : Sindibad.



"Au jour et à l' heure fixés , le chevalier se rendit au tournoi , ainsi que la dame , sa femme , et ses chambrières . Quand les nourrices de l' enfant virent que chacun y allait , elles y vinrent comme les autres . Elles laissèrent le jeune enfant du chevalier dans sa couchette , dans une salle où le lévrier était allongé , et le faucon sur son perchoir . En un trou de ce château , il y avait un serpent caché , ignoré de tous . Quand il sentit qu' il n' y avait personne dans la demeure , il mit la tête hors de son trou et , ne voyant que l' enfant couché sans son berceau , il vint vers lui pour le tuer . Le faucon le vit le premier et regarda le lévrier qui dormait . Alors , de ses ailes , il fit un si grand bruit qu' il le réveilla , pour qu' il défendît l' enfant . Le lévrier , au bruit des ailes du faucon , s' éveilla , et quand il vit le serpent près de l' enfant , il vint à lui . Tous deux se mirent à combattre si ardemment que le lévrier fut blessé grièvement : il perdit tant de sang que le sol autour de la couchette de l' enfant , en était tout couvert . Quand le lévrier se sentit ainsi blessé , il vint donner si impétueusement contre le serpent que le berceau de l' enfant en fut renversé , sens dessus dessous . Or , ce berceau était si élevé , de quatre bons pieds , que le visage de l' enfant ne fut point blessé et ne toucha point à terre . Finalement , dans la bataille , le lévrier eut le dessus , car le serpent resta mort et occis . Alors , le lévrier se retira , au pied du mur , pour lécher ses plaies .

Peu après , le tournoi prit fin et les nourrices revinrent les premières au château . Tout à coup , elles virent une grande mare de sang à l' endroit où était l' enfant , la couche renversée , puis le lévrier ensanglanté . Aussitôt , de se dire que le lévrier avait occis l' enfant , sans remarquer l' enfant qui était renversé ni ce qu' il était advenu . Elles s' écrient : " Allons-nous-en ; fuyons ! de crainte que le seigneur ne nous fasse périr comme coupables de la mort de son enfant ." Et ainsi tout égarées , elles se mirent à fuir .

Dans leur fuite , criant comme des désespérées , elles rencontrent la dame , la mère de l' enfant , qui leur dit : " Pourquoi ces cris et ces lamentations ? " Les nourrices dirent , en grands pleurs : " Ah ! madame , quel malheur pour vous et pour nous ! Vous savez , le lévrier que notre maître , votre mari , aime tant ? Il a dévoré votre fils , il est couché , au pied du mur , tout plein de sang . " Aussitôt , la dame , comme égarée et hors d' elle-même , tomba à terre et , en grands pleurs , tout en larmes , elle gémit : " Hélas ! hélas ! malheureuse que je suis , que dois-je faire ? Me voilà privée du seul fils que j' avais ! "

Le seigneur arrive du tournoi et , entendant ainsi crier sa femme , voulut promptement savoir ce qu' il y avait , et pourquoi elle se lamentait . Elle lui dit : " Mon seigneur , quel grand malheur ! votre lévrier , que vous aimez tant , a tué votre seul fils : rassasié du sang de votre enfant , il est couché là , près de la muraille ." Le chevalier , tout ému de cette affaire , se précipita dans la salle , et le lévrier , comme à son habitude se dressa vers son maître et lui fit fête , comme s' il voulait le saluer . Le chevalier tire son épée et , d' un coup , lui tranche la tête . Puis il remit la couchette de l' enfant comme elle devait être et le trouva sain et sans blessure . Alors il vit le serpent tué et comprit , à des indices certains , que le lévrier l' avait mis à mort en défendant l' enfant . Quand il vit son lévrier mort , se déchirant la face et les cheveux , à grands cris , à grandes lamentations , il s' exclama : " Hélas ! hélas ! quel malheur ! pour une parole de ma femme j' ai tué mon lévier , qui était si bon ! Il a sauvé la vie de mon enfant ; il a tué le serpent ! malheureux que je suis ! je veux me détruire ! " Il prit une lance , de désespoir , et la brisa en trois morceaux ; puis il s' en alla en Terre Sainte , où tous les jours de sa vie , il fit pénitence , en lamentations , en grands pleurs . "

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