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Marine-perruche

Pourquoi la notion de hiérarchie de dominance n'est-elle pas applicable pour les perruches et les perroquets

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Pourquoi la notion de hiérarchie de dominance n'est-elle pas applicable
pour les perruches et les perroquets





Dans le comportement animal, la domination est définie comme une relation entre des individus qui est établie par la force, l'agressivité et la soumission en vue d'établir la priorité d'accès à toutes les ressources voulues (la nourriture, le sexe opposé, des lieux de repos préférés, des sites de nidification).


« Il y a vingt ans, il allait encore de soi que les loups et les babouins
 vivaient sous la domination du plus fort. » La notion de hiérarchie de dominance a donc été longuement associée, à mauvais escient, à bien des espèces, comme chez les perruches et les perroquets. « 
Aujourd’hui, [de la notion de domination] rien n’est moins sûr, et si les hommes, eux,
 se donnent des chefs, ça n’est pas forcément une loi naturelle. »  [...]


«  Ce que l’on appelle « meute », le plus souvent, s’avère être une famille, composée de parents et de leurs descendants. Pourquoi les chercheurs ont-ils maintenu cette conception de la meute  [et donc, de hiérarchie de dominance] ? Parce que la plupart des observations avaient lieu en captivité avec des meutes artificiellement composées. Laissés libres de s’organiser [à l'état sauvage, dans leur environnement naturel], ces animaux ne semblent pas adhérer aux théories fondées sur les observations en captivité. Les fameuses inégalités qui alimentaient l’hypothèse du couple dominant sont celles que l’on peut s’attendre à trouver dans une famille dont les parents éduquent les plus jeunes.
 

Si ces notions de dominance et de hiérarchie continuent de guider les descriptions, c’est sans doute parce qu’elles s’alignent de manière privilégiée sur des modes de pensée qui guident nos conceptions de la nature.  Elles ne se sont pas limitées à réguler et à prescrire nos comportements avec les chiens, ou à décrire l’organisation de nombreuses espèces sociales [chats, oiseaux] ; elles ont en outre été largement utilisées pour justifier et naturaliser les formes contemporaines de hiérarchie des sociétés humaines. [...]

[A titre d'exemple] Pendant très longtemps, il n’a fait aucun doute que les babouins étaient très rigidement hiérarchisés. Lorsqu’un chercheur n’arrivait pas à déterminer le rang de chacun, le concept de « dominance latente » venait combler le vide factuel : la dominance devait être si bien installée que l’on ne pouvait plus la percevoir. On comprend qu’elle ait pu avoir la vie dure.
 […] Au début des années 1970, quelques voix, principalement celles de femmes primatologues, s’élèvent contre cette conception. Leur méthodologie de terrain les conduit à récolter d’autres observations : elles restent plus longtemps avec les groupes qu’elles étudient, pratiquent l’habituation, reconnaissent chacun des individus qui la composent ; la proximité les autorise en outre à prendre en compte des comportements passés inaperçus. Les babouins [observés] n’exhibent pas cette rigide hiérarchie de dominance. Bien au contraire, à l’agression sont préférées des relations pacifiques d’alliance et de coopération. Aucun mâle ne semble souhaiter clairement dominer les autres. [...]

Le modèle de la dominance apporte des réponses simples et en apparence convaincantes à la question des mécanismes qui assurent la stabilité sociale. Mais on ne peut s’empêcher de se demander si le succès de cette théorie ne tient pas à l’organisation des chercheurs eux-mêmes, et plus particulièrement des scientifiques mâles pris dans la compétition académique, et dont on remarquera, en passant, qu’ils sont ceux qui ont le plus écrit à ce sujet. »

Extrait du dossier « aux origines du pouvoir », dans Sciences Humaines n°250, extrait d'article « la hiérarchie est-elle bien naturelle », par Vinciane Despret





Cet extrait d'article met en avant les résultats d'études récentes opposées à la théorie de la dominance, qui est communément observée chez les loups, les chiens ou certaines espèces de singes, comme les babouins.


On entend souvent parler de ce modèle d'organisation qu'est la hiérarchie de dominance. Il est parfois appliqué, aux perruches et aux perroquets, par les vétérinaires, propriétaires ou comportementalistes, quelles que soient les espèces, et cela sans aucune profonde notion et compréhension de l'éthogramme de l'espèce en question. On extirpe des données scientifiques désuètes, qui sont par ailleurs controversées voire démenties, pour les appliquer aux groupes sociaux d'oiseaux en captivité. Certains acteurs en viennent ainsi à parler de dominance chez les oiseaux de compagnie.


L'hypothèse générale selon laquelle les perruches et les perroquets sont motivés par un désir inné de contrôler et de dominer leurs congénères ou les individus de leur groupe social (oiseaux comme humains) est erronée : c'est, sous-estimer et se méprendre sur la communication complexe et les capacités d'apprentissage des oiseaux.



En outre, cette hypothèse conduit à l'utilisation de techniques coercitives voire maltraitantes : coupe des plumes des ailes (censé soumettre l'individu, ce qui en réalité le met d'autant plus en situation d'insécurité), l'oiseau mis constamment au sol (censé le soumettre, ce qui en réalité le positionne en situation d'insécurité), punitions (coups sur le bec, jets d'eau, oiseau secoué, oiseau isolé). Tout cela a pour conséquence de nuire gravement au bien-être des oiseaux et d'engendrer des problèmes de comportement : hyper-vocalisations, morsures, anxiété, picage, mutilation, léthargie, troubles alimentaires.


Nous pouvons régulièrement observer en consultation des oiseaux qui ont appris à être agressif pour éviter la punition prévue, qu'elle soit physique ou psychologique. Les propriétaires n'ont d'ailleurs pas conscience que si l'oiseau réagit ainsi, ce n'est pas parce qu'il est de nature agressif ou « méchant » (tendance anthropomorphique), mais parce qu'il est terrifié par son propriétaire et par ses actes délétères. Ainsi, l'oiseau apprend à se montrer agressif et à anticiper les actions du propriétaire à cause des techniques utilisées (coupe des ailes, punitions), afin de les éviter. Cela développe un sentiment d'insécurité et de peur chez l'oiseau qui accroît son mal-être et les risques de problèmes de comportement.


Les nombreuses techniques utilisées pour « soumettre » ou « éduquer » son oiseau sont contre-productives ; vous n'obtiendrez pas de votre oiseau qu'il se soumette ou se conduise comme vous l'entendez. Vous obtiendrez, soit un oiseau si effrayé qu'il a inhibé tous ses comportements naturels et reste totalement prostré et inactif, soit un oiseau si agressif, qu'il devient dangereux de s’en approcher. L'un dans l'autre, cela n'est ni une qualité de vie recommandée pour l'oiseau, ni une situation que vous devriez subir chez vous.


Enfin, il est récurrent, lors de l'observation des groupes sociaux, que des rituels d'apaisement et de consolidation des liens socio-affectifs soient pris pour des actes de dominance. Les erreurs d'interprétation de la communication chez nos oiseaux sont donc régulières, même chez le corps scientifique. Puisque les études récentes au sujet de la hiérarchie tendent à appuyer la large controverse sur la théorie de la dominance, il serait intéressant de nous y attarder également. Notre recommandation est donc d'observer attentivement vos oiseaux, qui évoluent dans le groupe social et s’épanouissent à travers lui, afin d'apprendre leurs codes de communication et gestes de pacification, cela permettant d'éviter de se méprendre sur la signification d'un comportement.


Vous pourrez observer chez vos oiseaux des comportements agressifs occasionnels, mais contrairement à la dominance, ce n'est pas établi par la force et généralisé pour l'accès aux ressources vitales. Ces oiseaux, ponctuellement agressifs, sont évités par les autres individus afin de limiter les conflits ou sont rassurés par des rituels d'apaisement. Cela n'a aucun lien avec la possibilité de la reconnaissance d'un statut. Nos oiseaux grégaires forment des duos et des groupes sociaux qui sont dynamiques et changeants dans le temps et l'espace. De plus, nos oiseaux ne régularisent pas les conflits par la violence et les contacts physiques, mais uniquement par des tentatives d’intimidation (postures, hérissement du plumage et cris) et des comportements d'évitement.


Une vie agréable et respectueuse avec vos oiseaux trouve son origine non pas, dans des interactions conflictuelles et de soumission, mais plutôt dans des échanges positifs (renforcement positif) et le respect de leurs besoins naturels et multiples. C’est pourquoi, un oiseau ayant la possibilité d’interagir avec des congénères quotidiennement, vivant dans un environnement spacieux, libre, riche, répondant à ses besoins et ayant des interactions positives avec un grand nombre d’humains différents, aura plus  chance de présenter un tempérament confiant et exploratoire, pour le bien-être de chacun. 

©️ Juillet 2013 - MARINE SCIE
Demander l'autorisation pour diffusion

Sources :
http://www.scienceshumaines.com/la-hierarchie-est-elle-bien-naturelle_fr_30814.html,  Vinciane Despret  (Professeure de philosophie à l’université
 de Liège, elle a récemment publié
 Que diraient les animaux, si…
on leur posait les bonnes questions ?,
 La Découverte, 2012)
http://loup.org/spip/La-meute,115.html
http://www.chien-education-elevage.com/documents/dominance-par-thierry-bedossa-et-severine-belkhir.pdf
http://1001comportements.over-blog.com/article-idees-fausses-sur-la-theorie-de-la-dominance-53244437.html

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