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EVELYNE07

la triste histoire de gideon et celle de tant d'autres abandonnés

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la belle comtoise.


La porte s’est ouverte. Gédéon s’est élancé, heureux de revoir son cher pépère. Mais ce n’est pas lui, juste ses enfants et un étranger avec un cartable. Il a attendu une parole, un geste, mais personne ne l’a regardé, sauf l’inconnu. Gédéon a rejoint son panier, les oreilles basses. Ils ont visité les pièces de la maison et maintenant ils se disputent. Gédéon n’aime pas les cris, à vrai dire, il ne connait pas ; son pépère n’a jamais haussé la voix.
La grosse horloge comtoise sonne dix coups. Gédéon se rassure, se bruit est familier. C’était à ce moment que le pépère, qui s’était fait tout beau, disait "C’est l’heure, Gédéon, va chercher ta laisse, le boulanger et le boucher nous attendent, fiston." Mais depuis quelques temps, le pépère n’est plus là, pour la promenade ; c’est le voisin qui vient matin et soir et il n’oublie jamais de remonter l’horloge pour qu’elle ne se dérègle pas.
La maison s’est vidée de ses meubles, tous emportés par les enfants. L’homme au cartable jette un dernier coup d’œil et demande :
- Et le chien ?
Problème.
- Mon Rex ne l’acceptera jamais.
- Moi mon propriétaire n’accepte pas les chiens.
- Alors ?
- Il y a une SPA dans le coin, c’est un chien de race, il trouvera une famille.
- Tu t’en occupes, tu as eu la comtoise, tu peux bien faire ça.
- Bien tous les problèmes sont résolus. Met son panier et sa couverture dans le sac poubelle. Ils ont ce qu’il faut là-bas.
Et hop, en passant le sac file dans la benne.

"Pas chouette comme coin ! Et ce bruit ! Et pas aimable, cette bonne femme ! Flute, c’est son boulot de récupérer les chiens. C’est un chien de race, le père l’avait payé très cher, il y a quinze ans. Bien sûr qu’il trouvera une famille ! Défaitiste va ! Bon, voila une affaire rondement menée. Allons installer la belle comtoise dans le salon.

Gédéon a peur. Les aboiements, les cris, les portes des box qui claquent, les gamelles qui s’entrechoquent, l’odeur de désinfectant... Et ce panier qui sent la lessive... la douceur de sa couverture lui manque, il ne veut pas dormir ici ; il veut son vieux pépère. Il écoute les bruits dans la nuit ; un chien gémit dans son sommeil, un autre aboie, plus loin, un troisième se frotte inlassablement contre la grille...
Les jours se suivent. Des gens passent devant son box sans s’y arrêter. Les bénévoles l’emmènent en promenade avec la vieille Daisie, celle qui attend sa mémère depuis si longtemps.

Les soigneurs murmurent tristement le mot "vacances." Gédéon lui est heureux ; les vacances c’est bien mais il ne se souvient plus pourquoi.

Un matin, l’homme en blouse blanche est venu chercher Daisy. Puis il est revenu pour Gédéon. Il est gentil l’homme mais si triste ; il discute et sa main caresse. Gédéon le suit en remuant la queue. L’assistante vétérinaire le monte sur la table. Un sac poubelle attend, le même que celui qui avait pris son panier et sa couverture. L’homme murmure :
- Encore une horrible journée, et il est à peine dix heures.
Puis il explique à Gédéon qu’il va lui faire une piqure, il lui caresse la tête une dernière fois, avant de chercher la veine. "Tu vas être en paix, petit. Je suis désolé mais les abandons sont si importants... Et les places si chères ! Pardonne aux humains si tu peux, moi je n’y arrive plus." La voix douce berce Gédéon. L’assistante se tourne pour cacher ses larmes.

Dans un salon, une belle comtoise égrène gaiement ses 10 coups.

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