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Envenimations par des serpent exotiques

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PROBLÈMES POSES PAR LES MORSURES DE SERPENTS EXOTIQUES
EN FRANCE MÉTROPOLITAINE

Dr L. de HARO - Centre Antipoison - Marseille



Points essentiels :
Parmi les "nouveaux animaux de compagnie", les serpents venimeux exotiques sont les animaux les plus dangereux que peuvent posséder des particuliers. Il existe un marché du "venimeux" qui ne cesse de se développer en France.
Parmi les 4 observations d’envenimation par serpents exotiques collectées en 1999 par le Centre Antipoison de Marseille, 3 ont été entraînées par les morsures de "fers de lance" asiatiques du genre Trimeresurus très prisé par les éleveurs. Ces serpents ont une fausse réputation de reptiles peu dangereux, alors qu’ils sont responsables d’œdème extensif et de CIVD.
Les antivenins permettant de traiter les patients envenimés ne sont pas facilement disponibles en France, D’une part, il n’existe aucune structure publique ayant les moyens financiers et humains pour gérer une banque d’antivenin et, d’autre part, les éleveurs ont de grandes difficultés à obtenir ces médicaments sans AMM française et fabriqués à l’étranger.
Les éleveurs de serpents exotiques sont des collectionneurs à la recherche de spécimens rares. La toxicité des espèces les plus recherchées est souvent inconnue. De plus, certains éleveurs n’hésitent pas à hybrider les espèces, créant de nouvelles variétés dont il est difficile de prévoir la toxicité.
Le corps médical français n’est pas formé pour prendre en charge des patients envenimés par des animaux exotiques. Actuellement, il est conseillé de prendre l’avis d’un service spécialisé (Centre Antipoison) pour évaluer les risques en fonction de l’espèce de serpent incriminée.
Introduction
Les "nouveaux animaux domestiques" sont devenus en France une mode directement importée des États-Unis, où l’on peut parler d’un véritable phénomène de société. Ces animaux - reptiles, amphibiens, oiseaux exotiques - sont maintenant proposés dans les animaleries à côté de compagnons "classiques", chats, chiens et hamsters, et la fascination qu’ils exercent sur la population explique le développement de ce marché très particulier. Si certaines espèces d’araignées, de poissons et de scorpions peuvent posséder des venins toxiques pour les humains, nous devons considérer que les animaux les plus dangereux que peuvent posséder des particuliers sont sans conteste les serpents. Le risque zéro n’existant pas, tout propriétaire de serpent venimeux s’expose un jour ou l’autre à une morsure avec envenimation pouvant mettre en jeu le pronostique vital. Afin de mieux comprendre toutes les conséquences possibles découlant de la possession de serpents venimeux, nous présentons brièvement les observations d’envenimation ophidiennes collectées par le CAP de Marseille au cours de l’année 1999. Ceci nous amène à développer plusieurs notions devant être connue.

Les serpents exotiques élevés en France métropolitaine
Les serpents exotiques importés dans notre pays pour devenir des animaux de compagnie sont souvent des reptiles assez primitifs dépourvus d’appareil venimeux, tels que les constricteurs de la famille des boas ou des pythons. La morsure de certains spécimens de grande taille peut entraîner de graves lésions. Les plaies sont profondes et chaque dent réalise une dilacération cutanée qui s’infecte facilement. Ces morsures doivent être traitées comme celles de grands chiens, avec notamment la prescription d’une antibiothérapie systématique. L’éventualité de constriction avec étouffement d’humains n’est pas non plus à exclure.
Les couleuvres sont moins inquiétantes car leur taille réduite ne leur permet pas d’infliger des blessures sérieuses. Les principales espèces de couleuvres disponibles sur le marché ne présentent aucun danger pour leur propriétaire. Cependant, il existe des variétés dont il faut se méfier. Certaines possèdent en effet de petits crochets postérieurs (opistoglyphes), et donc situés au fond de la gueule de l’animal. Notre couleuvre autochtone dite "de Montpellier" (Malpolon monspessulanus) possède un appareil venimeux opistoglyphe et un redoutable venin neurotoxique. Bien que cette espèce soit commune, aucun cas d’envenimation n’a été décrit en France, mais il existe des observations en Espagne. D’autres espèces de couleuvres, les plus nombreuses, ne possèdent pas d’appareil pour injecter le venin (aglyphes), ce qui ne signifie pas que leur salive n’est pas dangereuse. Plusieurs cas de morsure de serpents aglyphes ont entraîné de véritables envenimations plus ou moins sévères. Nous devons retenir que, dans la nature, de nombreuses espèces de couleuvres n’ont jamais été à l’origine d’envenimation, mais les contacts nombreux et prolongés lors de l’élevage à domicile peuvent révéler une toxicité jusque là ignorée. Cela a été le cas avec l’espèce japonaise Rhabdophis subminatus.
La méconnaissance de la toxicité d’un venin implique l’absence de thérapeutique spécifique. Hormis l’antivenin sud-africain contre le boomslang Dispholidus typus et l’antivenin japonais contre Rabdophis tigrinus, il n’existe pas de sérothérapie pour neutraliser le venin de couleuvre. En cas d’envenimation, seuls des traitements symptomatiques sont disponibles.
De nombreux éleveurs maintiennent chez eux des espèces redoutables d’élapidés ou de vipéridés. Comme nous pouvons le constater, les fers de lance asiatiques du genre Trimesurus sont impliqués plusieurs fois dans des cas d’envenimations sévères. Ces petits crotales arboricoles sont en effet recherchés pour leur couleurs vives et leur comportement plutôt actif, et sont à tort considérés comme des reptiles peu dangereux que l’on peut conseiller à un éleveur débutant de venimeux ! Pourtant ces serpents sont à l’origine, d’une part, de symptômes loco-régionaux importants et nécessitant parfois une intervention chirurgicale et, d’autre part, de troubles de la coagulation qui doivent être traités par un antivenin spécifique. Bien peu d’éleveur détiennent celui-ci...
D’autres espèces aussi dangereuses sont vendues comme animaux de compagnie. Il existe en France des élevages amateurs de vipères africaines (genre Bitis, Echis et Cerastes), de crotales américains (Crotalus atrox est très prisé...), d’élapidés asiatiques et africains (genre Naja et Bungarus). Tous ces serpents peuvent être responsables d’envenimations pouvant mettre rapidement en jeu le pronostic vital à cause de troubles de la coagulation majeurs ou par dépression respiratoire (neurotoxicité des cobras et de Crotalus durissus).

Une autre observation nous a permis de réaliser à quel point certains éleveurs sont inconscients des risques encourus. Il s’agissait d’une projection oculaire est par un serpent hybride entre 2 espèces de cobra. L’hybridation entre les espèces est un jeu auquel s’adonnent de nombreux appentis sorciers sans bien comprendre que les spécimens issus de croisements possèdent une toxicité inconnue ! Face à ces envenimations, nous ne pouvons préconiser que des traitements symptomatiques prescrits en fonction du tableau clinique observé.

Les éleveurs de serpents exotiques
Il existe en France un marché du venimeux, et plusieurs commerçants subissent la pression d’une clientèle fascinée par ces reptiles. Les vendeurs ne sont pas formés pour être au contact de tels pensionnaires. Exposés et inexpérimentés, ils constituent une population à risque. Le personnel de vivariums professionnels ouverts au public est tout aussi exposé, quoique bien mieux informé. Pour attirer le public et être rentable, une exposition de reptiles vivants se doit de présenter des espèces spectaculaires. Il faut noter que la loi française oblige les élevages professionnels à posséder les antivenins des espèces venimeuses présentes, ce qui n’est pas le cas pour les élevages amateurs. Il existe de plus une incroyable différence entre la facilité d’achat de serpents venimeux et la difficulté d’obtention d’antivenins.

Situation du corps médical face aux envenimations par serpents exotiques
Au cours du cursus universitaire médical français, il n’existe pratiquement pas de formation concernant les animaux venimeux et a fortiori traitant des envenimations entraînées par les animaux exotiques. Le corps médical français est donc peu préparé à la prise en charge de patients mordus pas leurs serpents tropicaux. Face à l’augmentation régulière du nombre de reptiles élevés dans notre pays, un enseignement universitaire pourrait être dispensé, d’autant plus que les médecins français peuvent être confrontés à des envenimations au cours de circonstances diverses (postes dans les DOM-TOM, missions humanitaires, rapatriements sanitaires de touristes français envenimés à l’étranger, ce qui est de plus en plus fréquent vu le développement du tourisme mondial).
La conduite à tenir résumée dans le tableau I insiste tout particulièrement sur l’utilisation des antivenins. Pour éviter toute complication, ceux-ci ne doivent être injectés à l’hôpital que lors d’envenimations patentes avec troubles loco-régionaux extensifs et/ou troubles de l’hémostase liés à une action toxique. Les antivenins modernes doivent être considérés comme des médicaments indispensables pour traiter correctement des envenimations sévères. Il est en effet illusoire d’espérer juguler des troubles de l’hémostase entraînés par des vipères africaines en apportant simplement des facteurs de la coagulation qui seront rapidement consommés. De même, il est impossible d’obtenir rapidement une respiration autonome chez un patient présentant un syndrome cobraïque si l’on n’utilise pas d’antivenin spécifique.
Il n’existe pas en France de structure publique possédant les moyens financiers et humains permettant la gestion d’une banque d’antivenin la plus complète possible. En résume, les hôpitaux et le système de santé français renvoie la balle aux éleveurs en leur demandant de se responsabiliser. Le résultat n’est pas satisfaisant et implique des moyens au coût exorbitant ainsi qu’une importante dépense d’énergie qui n’est pas toujours couronnée de succès.

Conclusions
La mode des "nouveaux animaux de compagnie" n’est pas sans conséquence médicale. Les accidents d’envenimations restent peu fréquents mais leur nombre augmente régulièrement (de 1-2 cas/an au début des années 90, à 4-5 cas/an colligés au CAP de Marseille. Le système de santé français n’est pas préparé à la prise en charge des patients envenimés par des animaux exotiques. Nous pouvons dès lors nous demander si la société doit supporter les conséquences d’un tel hobby sachant qu’il existe des espèces inoffensives et tout aussi intéressantes pour les passionnés.

Conduite à tenir en cas de morsure par un serpent exotique en France métropolitaine - L. de Haro



Texte Rédigé par le Docteur Luc de HARO

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