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pacemaker91

Vaches abandonnées

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http://www.liberation.fr/societe/0101560140-au-pre-des-vaches-abandonnees
Au pré des vaches abandonnées


Reportage


Elevage . Deux frères sont mis en examen pour «délaissement d’animaux».

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JUILLENAY (Côte-d’Or), envoyé spécial JACKY DURAND

C’est un paysage de bocage sous un pâle soleil de fin d’hiver. Dans les prés, l’herbe est rase, jaunie. Le 16 février, Eric Cunin, 38 ans, agriculteur est allé voir la pousse de son champ de blé d’hiver quand il a découvert dans le pâturage voisin «deux bêtes mortes, puis une troisième, puis une quatrième, puis d’autres en voie de décomposition». Il a téléphoné à la gendarmerie de Dijon. Les militaires sont venus, poursuivant le macabre décompte. Car au total, ce sont une cinquantaine de génisses qui ont ainsi été retrouvées mortes de faim dans ce coin de Côte-d’Or, au cœur du parc naturel du Morvan.
«Cruauté». Une telle hécatombe, en plein Salon de l’agriculture, ne pouvait tomber plus mal. Dans la foulée, deux frères, âgés d’une cinquantaine d’années ont été mis en examen pour «délaissement d’animaux et actes de cruauté» et placés en liberté sous contrôle judiciaire après avoir versé chacun une caution de 70 000 euros. La Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de Côte-d’Or s’est constituée partie civile et souhaite «une sanction exemplaire» contre ces deux éleveurs qui «ont dépassé les limites de l’acceptable», selon Emmanuel Bonnardot, président de la FDSEA. «Etre éleveur est un métier professionnel qui oblige au respect des règles et de mesures de bonne pratique et de bonne conduite d’élevage des animaux.» Depuis, les gendarmes ont continué de ratisser les 450 hectares sur lesquels les deux éleveurs parquent leurs 750 bovins pour vérifier l’état du cheptel et détecter d’éventuelles autres carcasses. Car cette histoire intrigue. Les frères mis en examen n’ont pas le profil habituel des mis en cause dans les abandons de troupeaux. Fils d’un vétérinaire influent, aujourd’hui décédé, ils sont à la tête du plus important élevage de Côte-d’Or. «Il y a de l’argent sur leurs comptes. Ils ne sont pas dans la misère», indique une source proche de ce dossier qui ne cadre pas vraiment avec «la détresse sociale» de ce genre d’affaire décrite par Frédéric Freund, directeur de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) qui s’est constituée partie civile. «On est souvent en présence d’éleveurs qui perdent les pédales après un divorce ou un décès. D’autres relèvent de la psychiatrie ou sont trop vieux pour s’occuper de leurs bêtes», explique-t-il.
Neige. D’ordinaire, les abandons de troupeau ont lieu en hiver quand les bêtes ne trouvent plus rien à manger et que l’eau se fait rare à cause du gel. «Un bovin boit 40 litres par jour, indique Frédéric Freund. Mais il y a des gens qui pensent qu’une vache peut manger de la neige alors qu’il faut lui apporter du foin et de l’eau quand il n’y a plus d’herbe.» En matière de soins à leur cheptel, les deux frères mis en examen n’étaient pas réputés les meilleurs éleveurs, reconnaît la Direction des services vétérinaires (DSV) de Côte-d’Or qui a contrôlé leurs bêtes au mois de décembre : «Leur situation était préoccupante mais ne méritait pas une alerte. Cela dit, je ne peux affirmer qu’ils nous aient tout montré», affirme Pierre Aubert, directeur des services vétérinaires. «Pour leur défense, ils disent qu’ils se sont laissés déborder par la taille de leur cheptel après le décès de leur père et le départ d’un ouvrier agricole. Mais ça ne les gênait pas de laisser pourrir les carcasses dans les champs», dit une source proche de l’enquête.
Dans son écurie, Eric Cunin montre une génisse née dans la nuit et flatte Frissette, une charolaise «bonne mère mais presque aveugle». Ce petit-fils d’agriculteur a quitté la Haute-Marne et son métier de routier pour reprendre l’unique ferme de Juillenay en janvier 2008. En juin, il avait déjà découvert une bête morte appartenant aux éleveurs aujourd’hui incriminés. A l’époque, un habitant «lui avait dit que c’était monnaie courante mais que tout le monde se taisait». «Maintenant les élus du coin affirment qu’ils n’étaient pas au courant mais j’ai du mal à les croire», indique un proche de l’enquête. En décembre, Eric Cunin a vu un nouveau cadavre de vache. «Je m’étais dit que si elle était toujours là au 31 décembre, je la transporterais sur la place de Dijon.» Il y a quinze jours, il a téléphoné aux gendarmes, révolté par cette misère passée sous silence alors que la semaine précédente des chasseurs passaient encore par le pré où se trouvaient les vaches mortes. L’éleveur était aussi inquiet pour la sécurité sanitaire de ses propres bêtes. «J’ai investi 90 000 euros pour améliorer mon troupeau. Je n’avais pas envie qu’il soit tué à cause d’une maladie provoquée par ces bêtes à l’abandon.» Les gendarmes concentrent leurs investigations sur la comptabilité de l’exploitation. Histoire de vérifier si les deux éleveurs n’auraient pas touché indûment des subventions sur la totalité de leur cheptel alors qu’une partie était déjà morte.

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