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BelleMuezza

Kenya / Nord désertique : nouvel Eldorado ? Or noir, éolien, autoroute, port....

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Pauvre, aride, peuplé de rares nomades, le nord du Kenya a été ignoré pendant des décennies. Le pétrole et l'énergie éolienne en feront peut-être demain le moteur de la première puissance économique d'Afrique de l'Est.

"Le Kenya a longtemps été divisé entre une région à haut potentiel et une autre à bas potentiel, selon une politique gouvernementale tout à fait délibérée", relève Mzalendo Kibunjia, président de la Commission nationale pour la cohésion et l'intégration.

"Mais aujourd'hui, la région à -bas potentiel- est en train de devenir celle à -haut potentiel-", ajoutait ce responsable lors d'un récent colloque sur l'avenir du nord du Kenya, organisé à Loyangalani, au bord du lac Turkana, une des régions les plus chaudes et les plus désolées d'Afrique.

Il y eut d'abord début mars le lancement de ce qui est présenté comme le projet d'infrastructure le plus ambitieux d'Afrique: un oléoduc, une voie ferrée et une autoroute traversant le nord du Kenya jusqu'au port de Lamu, au bord de l'océan Indien, pour offrir une fenêtre maritime au Soudan du Sud -- et à son pétrole -- ainsi qu'à l'Ethiopie, voisins enclavés du Kenya. Coût: 18 milliards d'euros.

Quelques jours plus tard, la société britannique Tullow Oil annonçait avoir trouvé une quantité très prometteuse de pétrole sur son site de Ngamia 1 au nord-ouest du Turkana, potentiellement plus importante que partout ailleurs en Afrique de l'Est.

Enfin, un consortium de sociétés européennes et africaines doit lancer dans les prochains mois au Turkana la construction du plus important parc éolien d'Afrique, susceptible de subvenir à 20% des besoins énergétiques du Kenya.

Quelques mois qui suffiront peut-être à bouleverser la configuration historique du Kenya: l'immense nord du pays, à peu près la moitié de la superficie du pays de 582.600 km2, n'est peuplé que par 10% des 38,6 millions d'habitants.

Les trois comtés de l'extrème nord du pays sont, de loin, les plus pauvres du pays. 94,3% des habitants du Turkana vivent sous le seuil de pauvreté, contre 22% dans la capitale Nairobi, selon le dernier recensement de 2009.

Un habitant du Turkana doit parcourir en moyenne 52 km pour accéder au premier hôpital, contre 5 km à Nairobi. "Il y a une partie du Kenya dont l'autre partie ne sait rien et se soucie semble-t-il encore moins", relevait dès 1947 l'écrivain et voyageur américain Negley Farson.

Encore aujourd'hui, la route bitumée s'arrête un peu plus de 40 km au nord d'Isiolo, la "ville-frontière" implicite du Kenya. Le reste n'est que pistes, impraticables en saison des pluies, parfois à la merci de bandits.

"Ce sont d'abord les Britanniques qui ont traité cette région comme une frontière: il n'y avait ni café, ni thé, pas d'industrie. C'était tout au plus une zone de front entre Britanniques et Italiens" pendant la deuxième guerre mondiale, rappelle Hassan Wario, directeur des musées et des sites aux Musées nationaux du Kenya.

Après l'indépendance, "le gouvernement kényan a repris à son compte cette idée", poursuit M. Wario, un natif de Wajir (nord) dont l'enfance a été marquée par le couvre-feu imposé à la population et ...autres mesures punitives.

A mille lieux des sphères du pouvoir de Nairobi, les Turkana, Samburu, Somali, Rendille, Gabra et autres El Molo, nomades éleveurs de chèvres et de dromadaires privés d'électricité et d'eau courante, tiennent-ils aujourd'hui leur revanche ?

"Si on fait du bon travail, il suffit de cinq ans" pour permettre au nord du Kenya de rattraper son retard, assure le député de la circonscription de Laisamis (nord), Joseph Lekuton. D'autant plus qu'une nouvelle Constitution adoptée en 2010 va décentraliser dès l'an prochain d'importants budgets vers les régions.

Mais déjà à Lamu, la population s'inquiète d'être submergée par la main d'oeuvre importée pour construire le port en eau profonde censé être trois fois plus grand que celui de Mombasa (sud), le plus important d'Afrique de l'Est à ce jour.

"Nous sommes au Kenya, où il n'y a pas un corps intermédiaire politique honnête mais des intérêts et du chauvinisme liés aux origines ethniques" et le décollage énergétique du nord "bénéficiera d'abord aux élites en place", craint M. Wario.

La spéculation immobilière fait déjà rage autour des champs pétroliers du Turkana, avec certains ministres aux avant-postes. "Cela prendra du temps avant qu'un El Molo ou un Turkana voient la couleur d'un pétrodollar", ajoute cet expert.



Sciences et Avenir 31/05/2012

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