BelleMuezza 0 Posté(e) le 28 février 2013 Sur la route qui mène au village de Bulaocun, des dizaines de camions rouges défilent à toute vitesse, avec, dans leurs remorques, des tonnes de détritus couverts par de grandes bâches noires. "Circulez, il n'y a rien à voir. Si vous allez plus loin, je vais perdre mon travail !" peste un gardien lorsque l'on s'approche de la déchetterie, une fosse dans laquelle s'entassent, dit-on, des piles usagées, des vieux médicaments et même des cadavres de poulets.Ce "bourg" de 27 000 habitants était jusqu'à présent surtout connu pour ses sentiers de randonnées, ses restaurants de poisson et ses châtaigniers. Situé à une centaine de kilomètres au nord-est de la capitale, le village fait face au réservoir de Miyun, le plus grand lac artificiel de la région. Construit en 1958 peu après l'arrivée des communistes au pouvoir pour développer l'irrigation et la pisciculture, il approvisionne aujourd'hui 20 millions de Pékinois en eau potable.Mais, depuis quarante-huit heures, Bulaocun vit désormais sous étroite surveillance. À l'entrée du site, une voiture de police et plusieurs patrouilleurs, brassards aux bras, scrutent le moindre mouvement depuis que les autorités locales ont donné, dimanche 24 février au soir, l'ordre de déplacer les ordures vers un centre de tri approprié. "Nous avons mobilisé 40 chauffeurs. Tout sera terminé d'ici à demain", promet un officiel local en charge de la propagande.Voilà trois ans déjà que les déchets s'amoncellent là où il y avait autrefois une rivière, aujourd'hui à sec. En 2009, le gouvernement local avait prévu de la "draguer" - une technique permettant d'en nettoyer le fond -, mais le projet fut abandonné. Depuis, les habitants craignaient le pire : que les déchets ne pénètrent le sol et contaminent l'eau du réservoir. "Dans les villages autour du lac, les poubelles sont souvent jetées n'importe où", explique Guo, un chauffeur de taxi de 48 ans né à Miyun.La Chine fait face depuis longtemps à une crise de l'eau. Le problème est en partie démographique : le pays abrite 20 % de la population mondiale mais seulement 6 % des réserves en eau de la planète. Or, ses besoins industriels, énergétiques et alimentaires sont énormes. Les réserves en eau sont non seulement insuffisantes, mais aussi abîmées par trente années de développement à tout crin. Selon une estimation officielle récente, 90% des ressources souterraines en eau sont polluées à divers degrés. Dans la capitale, l'eau du robinet est chargée en nitrate et en métaux lourds, et les classes moyennes lui préfèrent de plus en plus l'eau minérale, livrée à domicile. Longtemps taboue, la pollution de l'or bleu est aujourd'hui très commentée par les médias chinois. Et notamment sur les réseaux sociaux. C'est ainsi grâce au journaliste Deng Fei qu'elle est revenue à la une de la presse ces jours-ci. Reporter pour Phoenix TV, une chaîne de télévision libérale basée à Hong Kong, Deng Fei a mené sur Sina Weibo, le Twitter chinois, une campagne de sensibilisation. Avec un sens parfait du timing. Juste avant les vacances du nouvel an chinois, ce journaliste avait invité les internautes - qui se préparaient alors à rentrer en famille pour les fêtes - à témoigner en postant des photos montrant la pollution de l'eau dans leurs provinces natales. Le succès fut immédiat : en quelques jours, des centaines de clichés ont inondé le réseau de micro-blogging.Depuis, le gouvernement central a multiplié les annonces. Le mécontentement généralisé contre l'épais brouillard jaunâtre qui a recouvert Pékin pendant 26 jours en janvier a joué comme un détonateur. Par un effet domino, la pollution de l'eau, pourtant moins visible que celle de l'air, a attiré l'attention. "Le pic de pollution enregistré à Pékin le mois dernier a tout déclenché. La Chine a pris conscience qu'elle ne pouvait plus offrir un cadre de vie agréable à ses citoyens", analyse Daphné Richet-Cooper, consultante basée à Pékin pour l'Union européenne et spécialiste des problématiques environnementales.L'agence Reuters a ainsi appris que la Chine avait décidé d'investir un record de 650 milliards d'euros d'ici à 2020 pour soutenir des projets hydrauliques dans les zones rurales et améliorer la qualité de l'eau. Soit près de 8 fois plus que le budget alloué entre 2005 et 2010 à ce même dossier - et presque autant que le plan de relance lancé en 2008 par Pékin contre la crise économique.De son côté, le ministère de l'Environnement a annoncé, jeudi 21 février, un plan d'action qui, pour la première fois, reconnaît les conséquences directes des polluants chimiques sur l'environnement et la santé. De façon inattendue, la Chine a également reconnu dans cette note d'intention l'existence des "villages du cancer", ces localités jusqu'à présent taboues où le taux de cancer, première cause de mortalité en Chine, est anormalement élevé. "Reconnaître le problème est la première étape, la condition nécessaire. Si on n'admet pas le problème, comment le résoudre ?" note Ma Jun, fondateur de l'Institut pour les affaires publiques et environnementales, une ONG basée à Pékin. carte des villages du "cancer" en Chine.Mais si ce plan d'action place 58 produits chimiques sous contrôle et prévoit le référencement des entreprises polluantes, selon la méthode du "name and shame" déjà utilisée par Ma Jun et les ONG internationales, il n'a cependant aucune force légale. "Par ailleurs, il a été émis par le ministère de l'Environnement, qui n'a pas le même poids politique que la Commission nationale pour la réforme et le développement", relève Daphné Richet-Cooper, en référence à ce super-ministère aux compétences très larges. Reste à voir maintenant comment les "parlementaires" chinois, qui doivent se retrouver mardi 5 mars à Pékin pour l'ouverture de la session annuelle de l'Assemblée populaire, s'empareront du débat.Le 27 mai 2012, pollution à l'algue verte à Qingdao, dans la province du Shandong. Quirky China News/Rex features/SipaLE POINT 28/2/2013 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites