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BelleMuezza

Boîte? Tube? Sac? Le dur apprentissage du tri sélectif

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PARIS - L'approche est toujours la même, explique Georges Thomas. Ne jamais donner de leçons ou avoir l'air de contrôler les poubelles. Mais frapper à la porte, sourire et demander poliment: Vous avez des problèmes de compréhension du tri?.

Georges, 58 ans, ex-employé de l'industrie musicale au chômage, est l'un des 4.700 ambassadeurs de tri dont la mission est d'inspecter les bacs à déchets recyclables et les autres.

Et quand le bilan est trop mauvais, il porte la bonne parole et explique, encore et encore, que le sac plastique n'est pas recyclable, ni le polystyrène et les mouchoirs en papier, et que si le tube de dentifrice ne se recycle pas, le déodorant en aérosol si.

Mauvais trieurs, les Français? En 20 ans, le tri sélectif, même avec des trous dans la raquette, est devenu le premier geste environnemental, répond Eric Brac de la Perrière, directeur général d'Eco-emballage, organisme en charge du financement du recyclage.

Des trous dans la raquette... qui expliquent en partie que la France occupe la 11e place en Europe pour le recyclage matière et compostage des déchets ménagers collectés par le service public.

Avec un taux de 35%, elle se situe loin derrière l'Allemagne (62%), premier pays européen à avoir légiféré sur le sujet en 1991, ou la Belgique (56%). L'objectif: parvenir à 45% en 2015.

Le taux du recyclage matière -la bouteille d'eau qui devient fourrure polaire, la canette muée en boule de pétanque-, est de 20%, à peu près la moitié de ce qui est théoriquement recyclable, dit Sylvain Pasquier de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Gagner 20 points est difficile, reconnaît-il: cela implique notamment de développer de nouvelles filières de recyclage de polymères. Seuls 40 % des emballages plastiques sont concernés par la consigne de tri aujourd'hui en France.

Mais atteindre 30% fait partie des objectifs que tout le monde regarde, et cela se joue clairement sur la progression du geste de tri : faire que la bouteille en plastique gagne le bac recyclable, mais aussi retenir le geste malheureux du pot de yaourt qui souille une poubelle de tri sélectif immaculée.

Dans le meilleur des cas, les intrus finiront sur les tapis des centres de tri (16% des déchets) où des dizaines de personnes séparent les bons des mauvais déchets, à raison de 4.500 gestes l'heure: sacs plastique d'un côté, la plus grande source d'erreur, journaux et lettres personnelles de l'autre....

Ils seront incinérés ou enfouis et le dommage restera essentiellement financier. Plus dommageable, ce mauvais geste peut entraîner le refus de toute la poubelle ou, dans 5% des cas, de la benne entière.

Toutes les poubelles ne se ressemblent pas en France. On recycle quatre fois plus en Alsace qu'en PACA, et on trie mieux si on est une femme, vivant en maison individuelle, en province, qu'un jeune étudiant à Paris où le taux de recyclage n'est que de 16%.

Une contre-performance largement attribuée au manque de place dans les logements construits à une époque où on ne demandait pas de séparer verre, journaux et boîtes à pizza.

La capitale s'est attaquée au problème en identifiant des immeubles où le tri est particulièrement défaillant. Fin 2011, elle a commencé à y dépêcher ses ambassadeurs. On évangélise les foules, s'amuse Georges Thomas, gilet jaune fluo, qui a arpenté des dizaines de courettes et loges de gardien, tantôt élogieux, tantôt désespéré par les gens qui s'en foutent.

Un constat s'impose: le porte-à-porte est le seul moyen efficace de faire de la pédagogie. Plus d'un mois après le passage des ambassadeurs, on a pu voir une amélioration, assure-t-on à la mairie.

Mais de là à crier victoire? Le geste de tri n'est jamais acquis!, insiste Eric Dagnaud, président du Syndicat de traitement des ordures ménagères en Ile-de-France (Cytcom). Il faut constamment refaire de la pédagogie, mais on ne peut pas répéter pendant dix ans que c'est utile pour la planète, tout le monde a compris... , ajoute-t-il, conscient que les consignes de tri peuvent parfois sembler trop compliquées.

Il faut une information d'une simplicité biblique, acquiesce Nicolas Garnier, président d'Amorce qui regroupe les collectivités locales.

Aujourd'hui, le gros des emballages sont flanquées du point vert qui, contrairement aux apparences, n'indique pas qu'il est recyclable mais que son producteur finance le tri sélectif, via Eco-emballages. Source d'erreurs? C'était ambigu, reconnaît Eric Brac, qui fait la promotion de nouveaux logos pour le compléter.

Parallèlement, un autre logo en préparation depuis des années, le tri man, fait son apparition. L'Ademe voudrait le généraliser début 2015.

L'autre voie royale pour simplifier tri est de systématiquement recycler une matière, quelle que soit sa forme ou sa texture.

Depuis 2009, par exemple, tous les papiers sont recyclables, journaux ou magazines qui ne représentent qu'un tiers du gisement. Mais encore faut-il le faire savoir.... Les collectivités locales ne mettent à jour les consignes de tri que tous les 4 ou 5 ans. Aujourd'hui, 47% des papiers sont recyclés et l'objectif est de 60% en 2018.

Le plastique s'y met doucement. Une expérience est en cours auprès de 3,7 millions de Français invités à séparer tous les emballages plastique, et non plus seulement les bouteilles (une sur deux recyclées aujourd'hui).

Après un an, seuls 5% de bouteilles et flacons en plus ont gagné la bonne poubelle. Ca prend du temps pour libérer le geste, justifie Eric Brac, qui espère de vrais progrès dans un an ou deux.

Et s'il fallait frapper au portefeuille? C'est le pari de la tarification incitative instaurée dans une centaine de municipalités. Moins l'usager trie, plus sa redevance est élevée. Pour cela, le bac gris est pesé ou le nombre de levées calculées. Le taux de recyclage peut alors bondir de 20 à 40%, selon l'Ademe.

Mais cela implique une forte implication de la collectivité, dont certaines hésitent aussi à cause des fraudes. On a tout vu, reconnaît le président d'Amorce: les déchets posés dans la poubelle du voisin, brûlés, ou encore la poubelle de la résidence secondaire qui rentre avec la famille le dimanche soir. Mais c'est un phénomène marginal, qui concerne 5% de la population.

Tout le monde attend un peu les résultats des premiers pour voir. Je ne dis pas que toute la France va basculer mais ça peut aller assez vite, prédit M. Garnier.


ROMANDIE 12/4/2013

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