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BelleMuezza

Comment le minuscule planton arctique pourrait perturber le climat

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Une expérience menée par des scientifiques vient de montrer que les plus petits organismes planctoniques grandissaient mieux lorsque la concentration en dioxyde de carbone (CO2) des océans augmentait. Cette croissance se fait aux dépens des plus grands planctons, ce qui bouleverse de façon inquiétante la chaîne alimentaire et à plus grande échelle, le climat.

Depuis le XIXème siècle, les océans ont absorbé environ 30% des émissions de CO2 dues aux activités humaines. Un phénomène qui provoque une acidification des océans, comme l’a, entre autres, prouvé le projet EPOCA (European Project on Ocean Acidification) qui a duré quatre ans. Lancé en 2008 et coordonné par Jean-Pierre Gattuso, chercheur du CNRS au Laboratoire d'océanographie de Villefranche (LOV), ce projet a rassemblé plus de 160 chercheurs de 32 institutions européennes.

EPOCA a notamment mené une expérience d’envergure dans l’Arctique, en 2010. Réalisée dans des eaux qui absorbent davantage de CO2 que les autres (car plus froides que les autres), l’étude consistait à évaluer sur place l’acidification de cet océan tout en tenant compte des liens existants entre les organismes (compétition, prédation…). Pour cela, une équipe internationale constituée de 35 chercheurs et pilotée par Ulf Riebesell de l'institut allemand GEOMAR, a déployé neuf mésocosmes dans un fjord. Ces espèces de tubes à essai flottants étaient formés d'immenses sacs en plastique de 50 mètres cubes tendus par des structures de huit mètres.

 L'un des mésocosmes installés dans le fjord Gullmar, en Suède. Ces mésocosmes sont les plus grands jamais réalisés. ©️ Geomar


Grâce à ces pièges, les chercheurs ont pu capturer l'ensemble du plancton présent dans le secteur. Ensuite, les scientifiques ont progressivement augmenté les concentrations en dioxyde de carbone dans sept mésocosmes de façon à atteindre les niveaux attendus d’ici 20, 40, 60, 80 et 100 ans. Les deux sacs restants, non modifiés, servaient de témoins. Chaque jour, des relevés chimiques et biologiques permettaient de mesurer et d’évaluer 50 paramètres différents.


 Les chercheurs s'apprêtent à injecter de l'eau riche en CO2 dans les mésocosmes à l'aide d'une « araignée ». ©️ Jean-Pierre Gattuso, CNRS


Tout ceci a abouti à des résultats étonnants. Ils montrent avec évidence que le plancton de petite taille (le pico- et le nanoplancton) prospère abondamment lorsque la teneur en CO2 est élevée. Problème, en se développant, il consomme les sels nutritifs habituellement disponibles pour les espèces de plus grande taille. Ainsi, la croissance de ce tout petit plancton, base de la chaîne alimentaire, se fait aux dépens du phytoplancton, relève le CNRS dans un communiqué.

L’expérience n’ayant duré que 5 semaines, les chercheurs n’ont pas eu le temps de voir si ce phénomène avait un impact sur la nutrition du zooplancton, qui se nourrit du plancton d'origine végétale.

Plusieurs constats s’imposent. D’une part, le dioxyde de carbone acidifie les océans. D’autre part, il acidifie davantage les océans arctique et antarctique. De plus, il favorise la croissance du pico- et du nanoplancton ce qui provoque un bouleversement de la chaîne alimentaire.

Par ailleurs, ce plancton de petite taille transfère moins de carbone dans l'océan profond, ce qui réduit l'absorption de CO2 par les océans. Enfin, le gros plancton émet en principe du sulfure de diméthyle (DMS), un gaz qui favorise la formation de nuages au-dessus des océans. Or, avec une production moindre de DMS, la quantité de rayonnement solaire atteignant la Terre serait augmentée ce qui accentuerait l'effet de serre. L'acidification des océans pourrait ainsi affecter le système climatique dans son ensemble.


MAXISCIENCES 20/9/2013

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