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BelleMuezza

L’évolution explosive de la faune benthique autour de l’Antarctique

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En formalisant la détection des «bouquets» d’espèces, des chercheurs, sous l’égide du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, ont montré que la faune benthique du plateau continental antarctique a évolué de manière «explosive». Auparavant, l’existence de bouquets d’espèces était considérée comme exceptionnelle en milieu marin, mais neuf d'entre eux viennent d'être découverts.

Du fait de l'isolement provoqué par le courant circumpolaire, l'océan Austral qui entoure le continent Antarctique est connu pour abriter de nombreuses espèces endémiques  que l’on ne retrouve donc qu’en ce lieu. L'émergence de cette biodiversité marine australe semblerait bien obéir, dans des groupes aussi divers que les poissons téléostéens (donc osseux avec la bouche projetée en avant), les crustacés, voire les échinodermes, à une modalité d’évolution biologique particulière décrite dans les années 1980, celle des «bouquets» d'espèces (species flock en anglais). Elle se caractérise par une évolution rapide, dans un endroit délimité, de multiples espèces apparentées qui colonisent une palette de niches écologiques diverses.

Le plateau continental de l'Antarctique est étroit et profond dans sa partie proche des côtes, puisque situé entre 400 m et 800 m de profondeur. Ailleurs dans le monde, les plateaux continentaux ont une profondeur moyenne de 133 m, selon l'Institut polaire français Paul Émile Victor. ©️ benontherun.com, Flickr, cc by nc sa 2.0

De tels species flocks sont bien documentés dans les lacs et les îles : poissons cichlidés des grands lacs africains, poissons cottidés du lac Baïkal, mouches drosophiles des îles du Pacifique… mais ils étaient tenus pour exceptionnels en milieu marin et seulement deux cas avaient été détectés jusqu'à aujourd'hui.

Des chercheurs d’un réseau international, dirigés par le Muséum national d’histoire naturelle de Paris (MNHN), viennent de formaliser la détection des «bouquets» d'espèces en hiérarchisant leurs critères d'identification et en distinguant les critères historiques (endémisme, monophylie, richesse spécifique) des critères écologiques (diversité écologique et prédominance dans l’habitat), ce qui leur a permis de faire une importante découverte.

En appliquant cette démarche aux inventaires faunistiques acquis au cours de plusieurs missions océanographiques internationales, l'étude publiée dans Plos One vient ajouter neuf cas supplémentaires avérés de «bouquets» d'espèces marines, tous apparus sur le plateau continental antarctique ! Huit «bouquets» supplémentaires pourraient même être ajoutés, mais ils doivent encore être testés du point de vue écologique.

Artedidraco shackletoni, un représentant téléostéens (il s'agit d'un poisson osseux à la bouche projetée en avant) d’un bouquet d’espèces récemment découvert en Antarctique. ©️ C. Ozouf-Costaz, C. Gallut et G. Lecointre

Cette étude, qui a reçu le soutien de l’Institut polaire français Paul Émile Victor (IPEV) et de l’Agence nationale pour la recherche (ANR), remet en cause la prétendue rareté des «bouquets» d’espèces marines. Mais est-ce dû à des circonstances régionales ? La réponse pourrait bien être oui, l’hypothèse avancée étant que le plateau continental antarctique aurait agi comme un générateur de «bouquets» d’espèces.

En effet, ce plateau est isolé des autres marges continentales du fait de son éloignement, du froid qui y règne et de la qualité particulière de l’eau marine de l’océan austral, plus dense, plus oxygénée et moins salée. Cet isolement relatif, mais à grande échelle, aurait favorisé l’évolution locale des organismes qui habitent le fond. Et ce sont certainement les successions des phases glaciaires-interglaciaires qui, provoquant la libération récurrente de niches, ont été propices à l'émergence de ces nombreux «bouquets» d’espèces faisant d'un océan glacé un lieu de riche biodiversité.


FUTURA SCIENCES 23/9/2013

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