BelleMuezza 0 Posté(e) le 21 janvier 2014 L'évolution du monde moderne modifie les enjeux liés aux ressources mondiales en eau potable, expliquent l'hydrologue Eric Servat, directeur du Laboratoire HydroSciences Montpellier et directeur de l'Institut montpelliérain de l'eau et de l'environnement (IM2E)et Jacques Gardon, chercheur au Laboratoire HydroSciences Montpellier et de l'IM2E .La gestion des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques constitue l'un des défis majeurs de l'humanité pour le XXIe siècle. Les États membres des Nations unies ne s'y étaient pas trompés en inscrivant parmi les cibles des Objectifs du millénaire pour le développement la nécessité de «réduire de moitié, d'ici à 2015, le pourcentage de la population qui n'a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable et à un assainissement de base». Au rythme actuel, cependant, ces objectifs ne seraient atteints en moyenne qu'à partir de 2016 pour l'eau potable et de 2022 pour l'assainissement, mais, par exemple, en Afrique subsaharienne, ils ne le seraient qu'en 2040 et 2076 (1)! La rivière Buriganga à Dhaka, la capitale du Bangladesh, victime de rejets divers et massifs est gravement polluée.Au niveau mondial, si on estime qu'un milliard de personnes n'ont pas accès à une eau de qualité améliorée et propre à la consommation, on constate aussi que l'échec est encore plus patent au regard de l'assainissement, car c'est près de 2,6 milliards de personnes qui n'utilisent pas de solution hygiénique et sûre pour leur santé comme pour l'environnement.En France, nous sommes très exigeants sur la qualité de l'eau de boisson que nous consommons, bien plus que sur la qualité de l'air que nous respirons. Une odeur, un goût, une légère coloration suffisent à nous convaincre de ne pas consommer une eau jugée suspecte et peut-être dangereuse pour notre santé. Dans tous les pays du monde se développe une industrie de l'eau en bouteille qui s'appuie sur cette appréhension de l'eau jugée incertaine. Plus récemment, dans les pays développés, ces craintes ont permis le développement massif de filtres domestiques, alors que l'eau distribuée est généralement de très bonne qualité.Notre appréhension de la contamination chimique de l'eau ne doit pas nous faire oublier que, dans la majorité des pays, les risques sont avant tout infectieux. Environ un million et demi d'enfants meurent ainsi chaque année de diarrhée aiguë. C'est souvent dans ces mêmes contextes tropicaux que la mauvaise gestion des eaux de surface est susceptible d'accroître la transmission de maladies infectieuses du fait de vecteurs arthropodes (malaria, filarioses) ou mollusques (bilharziose). Récemment, l'émergence d'anophèles vecteurs du paludisme urbain renforce encore les craintes pour l'avenir si l'on considère l'urbanisation explosive que connaissent les pays du Sud. groupeize 9/12/2011Depuis 2008, la population mondiale urbaine est supérieure à la population rurale et cette tendance va s'accélérer dans les années à venir. La production des déchets, organiques comme chimiques, se concentre dans ces zones urbaines et risque de contaminer les ressources en eau locales qui répondent difficilement à une demande croissante. Les innombrables composés chimiques que nous utilisons dans l'industrie, dans les usages domestiques et sanitaires, se retrouvent dans l'environnement à l'état de trace et peuvent contaminer les eaux de surfaces comme les eaux souterraines. Il y a là un immense champ d'exploration scientifique et d'innovation pour les années à venir que nous voulons explorer à l'Institut montpelliérain de l'eau et de l'environnement (IM2E).De même, la chloration, utilisée depuis des décennies, soulève actuellement des questions du fait de la formation de sous-produits dus à la réaction entre le chlore et des composés organiques issus de la dégradation des composés azotés. Certains de ces sous-produits sont classés comme possiblement cancérogènes - classés 2B par l'IARC (2) -, même à des doses faibles car l'exposition des populations est de longue durée. Les conséquences de l'agriculture intensive, pourvoyeuse de nitrates et de pesticides, sont une autre piste de recherche très importante.Parallèlement, la nécessaire adaptation des infrastructures érigées par nos sociétés à l'évolution démographique est particulièrement mise à l'épreuve dans les pays du Sud. Certaines solutions simples et rapides à mettre en œuvre ont parfois des effets inattendus qui rappellent l'importance de mener des travaux de recherche en parallèle des interventions. Documentaire ARTE Stephan Kalb 10/2/2013Au Bangladesh par exemple, dans les années 1970, pour faire face à la croissance de la population, des dizaines de milliers de forages profonds ont été construits. Cette eau s'avérait exempte de bactéries pathogènes. Mais quelques années plus tard, ces forages ont révélé des excès en arsenic, naturellement présent dans les sédiments profonds, mais qui n'avait pas été détecté initialement. Il en résulte une épidémie de maladies liée à la consommation d'eau arséniée, maladies d'abord dermatologiques mais aussi cancéreuses, d'une ampleur jamais vue jusqu'à ce jour. En France, des centaines de petites communes sont concernées et surveillent attentivement la concentration en arsenic des eaux distribuées pour éviter tout risque sanitaire. Les solutions pour l'éliminer sont simples et bien connues, mais, dans certains contextes, elles peuvent être difficiles à mettre en œuvre. 6toyenvid 15/9/2010Chaque fois que de nouvelles tensions sur l'usage de l'eau apparaissent, la santé est toujours un argument central des revendications des populations. En France, au moment du débat sur les gaz de schiste, c'est le risque pour nos réserves en eaux qui a été mis en avant car la fracturation hydraulique pourrait contaminer certains aquifères. Au Pérou et en Bolivie, ce sont les pollutions minières et les drainages acides dans les déchets d'exploitation qui contaminent de façon durable les eaux de surface souvent rares dans ces régions des Andes. En Équateur, au Venezuela, au Nigeria, ce sont les activités pétrolières qui sont en ligne de mire…L'eau est un bien naturel, que nous devons protéger par une prise en compte locale des conséquences des activités humaines. Cependant, une réflexion globale s'impose si nous voulons maintenir les équilibres entre les différents secteurs qui dépendent de cette ressource précieuse, santé, alimentation, agriculture, et les nouveaux défis comme le changement climatique ou l'érosion de la biodiversité.(1) PFE, d'après le Rapport sur le développement humain 2006 et 2008, PNUD.(2) IARC: International Agency for Research on Cancer.Figaro 20/1/2014 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites