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BelleMuezza

Quand les coléoptères aident à reconstruire les paysages végétaux du passé

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L'analyse de restes d'insectes a permis de reconstituer les paysages végétaux qui entouraient les remparts de Marseille entre le 14e et le 17e siècle.

Lors de fouilles archéologiques, il n'est pas rare de trouver dans les sédiments des fossiles d'insectes plus ou moins bien conservés. Parmi eux, un grand nombre de coléoptères. L'analyse de ces fossiles d'insectes, la paléo-entomologie, permet de reconstruire les paysages du passé car chaque coléoptère vit dans un environnement bien spécifique.

 La ville de Marseille au 17ème siècle, d'après Maretz (1631). La position des fouilles de la place Général-de-Gaulle est approximativement dans l'angle inférieur droit de l'image Marseille, Archives communales.

Spécialiste de cette discipline confidentielle - il n'y a que quelques experts en Europe - Philippe Ponel, chargé de recherche au CNRS, a travaillé sur un chantier de fouille à Marseille. Son étude, publiée dans la revue Quaternary International, a permis de restituer l'environnement végétal de la cité phocéenne et de mieux comprendre les activités humaines qui s'y déroulaient.

Les fouilles ont concerné la place du Général de Gaulle, située dans le centre près du Vieux-Port et de la Canebière. À l'époque, cette zone était hors des remparts de la ville. "Durant les fouilles on a mis au jour une structure en forme de puits dans lequel on a retrouvé de nombreux restes d'insectes piégés" se souvient Philippe Ponel. Ces fossiles ont été prélevés, nettoyés puis traités en laboratoire pour faciliter leur identification.

"Si les tissus mous disparaissent avec le temps, de nombreuses structures subsistent, notamment les pièces génitales qui sont importantes pour reconnaître les différentes espèces de coléoptères" précise le chercheur. L'équipe de Philippe Ponel a ainsi pu identifier des centaines d'espèces (plus de 300 taxons) de coléoptères différentes dans les sédiments marseillais, au terme d'un travail de plusieurs mois.

Les coléoptères retrouvés et identifiés ont permis, avec l'analyse des pollens fossiles, de dresser un tableau de la zone fouillée. "Il en ressort qu'entre le 14e et 17e siècle, juste sous les remparts de la ville et à l'emplacement de l'actuelle Canebière, s'étendaient de vastes terrains vagues avec une flore rudérale typique associée à grande diversité de coléoptères phytophages" décrit Philippe Ponel.

 Le paysage autour de Marseille entre le 14e et le 17e siècle ressemblait à celui de la colline de Notre-Dame de la Garde. SIPA.

Sur ces terrains venaient paître des troupeaux dont la présence est révélée par un nombre important de fossiles de coléoptères coprophages ainsi que de pollens de plantes nitrophiles, associées aux sols enrichis en nitrates provenant de la décomposition des fèces. L'abondance de coléoptères xylophages indique également la présence de bosquets d'arbres dont des pins d'Alep et des figuiers.

 Ce paysage était parsemé de vieux murs délabrés où vivaient d'autres espèces de coléoptères constituant une "faune des ruines" qu'on peut retrouver dans les arènes de Nîmes par exemple. (Photo Parmi les nombreux insectes identifiés dans le site archéologique figure ce gros Coléoptère ténébrionide du genre Akis (Akis bacarozzo), qui fréquente les vieux bâtiments et les ruines en région méditerranéenne. Philippe Ponel).

D'autres petites communautés de coléoptères à exigences écologiques très fines "fournissent encore une multitude de détails qui croisés avec les données archéologiques, l'examen des pollens et l'étude des macrorestes végétaux permettent aussi de se faire une idée précise des activités humaines autour de Marseille" rajoute Philippe Ponel. On retrouve, bien sûr, la trace de chantiers de construction navale, des marais salants ou encore à proximité de la Canebière l'exploitation du chanvre dont les fibres servent à tresser les cordages. Le nom de la célèbre artère marseillaise provient d'ailleurs du mot latin cannabis.

 Cette étude paléo-entomologique est sans équivalent en France et dans le bassin méditerranéen. Elle permet de compléter le travail des archéologues avec une approche originale très peu usitée en France et même en Europe, à l'exception du Royaume-Uni. Si elle apporte certaines réponses, elle soulève aussi des interrogations. Ainsi, la découverte d'un scolyte (encore un coléoptère!) associé aux noyaux de dattes interroge sur la présence de ces fruits dans la région à cette époque. Le palmier dattier Phoenix dactylifera était-il déjà introduit à Marseille ? Les scolytes sont-ils arrivés avec des cargaisons de dattes en provenance d'Afrique du Nord ? Mystère... (Photo Phoenix dactylifera MPF CC BY-SA 2.5)


Sciences et avenir 11/7/2014

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