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BelleMuezza

Les corbeaux peuvent raisonner comme un enfant

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Différentes espèces de corbeaux ont réussi des tests où il fallait véritablement raisonner pour récupérer un ver flottant dans un tube. Ajouter des pierres pour faire monter le niveau d’eau : voilà une astuce évidente pour un corvidé... Les scientifiques ont corsé l’affaire avec des exercices plus subtils. Les oiseaux ont souvent réussi et parfois échoué. De quoi cerner la limite des capacités cognitives de ces surprenants animaux.

 À l’université d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, une équipe étudie depuis plusieurs années les performances cognitives de plusieurs espèces de corvidés. Corbeaux, corneilles, pies et autres choucas sont connus pour se servir d’outils et réussir des tests qui exigent de vrais raisonnements. Dans la nature, on a observé des corbeaux en train de fabriquer des outils ou se servir des voitures pour casser des noix. (Photo Une corneille noire (L. B. Tettenborn CC BY-SA 3.0)

 Un corbeau de Nouvelle-Calédonie (Corvus moneduloides), l'une des espèces dont le comportement cognitif est étudié à l'université d'Auckland. ©️ Jolyon Troscianko

Au début de cette année, le dénommé 007 (un corbeau calédonien, Corvus moneduloides) réussissait devant les caméras de la BBC à manipuler un dispositif compliqué de leviers pour récupérer de la nourriture. En 2009, à l’université de Cambridge (Royaume-Uni), l’équipe du professeur Bird (cela ne s’invente pas) démontrait qu’un corvidé connaît quelques lois de la physique et peut résoudre le problème de la fable d’Ésope, La corneille et la cruche.

 Dans cette histoire, l’oiseau assoiffé découvre une cruche contenant de l’eau au fond du récipient qui lui est donc inaccessible. C’est alors que lui vient l’idée de jeter des pierres dans la cruche. Le niveau monte et finit par s’approcher suffisamment du bord pour que le bec puisse y plonger. Moralité, nous dit Ésope, devant l’adversité, il faut réfléchir et persévérer. C’est exactement ce qu’a fait un corbeau de Nouvelle-Calédonie, sous les yeux des chercheurs, pour récupérer un ver flottant à la surface de l’eau. (Photo une pie bavarde (Pica Pica) Stauss CC BY-SA 3.0)

 Corina Logan et l’équipe de l’université d’Auckland ont voulu aller plus loin dans l’expérience de la cruche d’Ésope et présentent ses résultats dans un article de la revue Plos One. Une série d’exercices ont été proposés à des spécimens de trois corvidés, les corbeaux de Nouvelle-Calédonie (à laquelle appartient le célèbre 007), les corbeaux freux (Corvus frugilegus) et les geais des chênes (Garrulus glandarius). Ces tests avaient déjà été réalisés avec de jeunes mammifères de l’espèce… Homo sapiens, ce qui a permis des comparaisons. (Photo un corbeau freux Andreas Trepte CC BY-SA 2.5)

Les expériences ont toutes porté sur la récupération d’un ver appétissant (remplacé par un badge pour les petits humains) au fond d’un récipient transparent (en plexiglas) avec cependant, des variantes plus ou moins subtiles. Dans l’un des tests, du sable remplaçait l’eau dans l’un des deux récipients. Les oiseaux allaient-ils jeter préférentiellement les pierres à leur disposition là où il y avait du liquide ? Plusieurs ont échoué ou renoncé mais globalement les corvidés s’en sont bien sortis : pour les cinq oiseaux qui sont allés jusqu’au bout de l’exercice, les trois quarts des pierres furent jetés dans le récipient contenant de l’eau.

 La cruche d’Ésope dans sa version sophistiquée. Le ver convoité se trouve dans le tube étroit et, pour s’en saisir du bec, il faut faire monter l’eau en jetant des pierres. Mais dans un autre tube. Pourquoi ? Parce qu’il y a un mécanisme caché dans la boîte en bois. Et encore n’existe-t-il que pour le tube à col rouge. L’oiseau comprendra-t-il ? Et un enfant de 5 ans ? ©️ 2014 Logan et al.

D’autres exercices donnaient à choisir, en guise de pierres, entre des objets qui coulent et des objets qui flottent, ou bien encore entre des objets pleins ou creux. Les oiseaux ne se sont guère trompés et ont su choisir les objets les plus efficaces.

 Plus difficile : devant eux se trouvait une paire de récipients, l’un étroit, l’autre large. Parfois, le niveau d’eau était le même et, avec les pierres à leur disposition, les oiseaux ne pouvaient récupérer le ver que dans le récipient étroit. Les vainqueurs de ce test avaient droit au suivant, un cran au-dessus : le niveau était plus haut dans le récipient large et lui seul permettait de faire monter suffisamment l’eau. Résultat excellent. Sur les quatre oiseaux qui ont passé le premier exercice, trois réussirent le suivant. (Photo un geai des chênes. Luc Viatour CC BY-SA 3.0)

 Deux paires de tubes en U, avec un dispositif similaire à celui de l’image précédente : à droite, les deux sont solidaires et il est donc possible de faire monter le ver dans le petit tube en lâchant des pierres dans le grand. La plaque de plexiglas rendant le mécanisme visible, il est évident qu’à gauche, le ver ne sera pas accessible. Mais pour un corvidé, c’est un raisonnement trop subtil. ©️ 2014 Logan et al.

 En revanche, le dernier test a trouvé les limites du raisonnement de ces corvidés. Il est vrai qu’il fut assez machiavélique. Deux récipients, l’un étroit et l’autre large, se trouvaient devant l’oiseau, le plus petit contenant le ver. Mais les pierres, trop larges, ne pouvaient être introduites que dans le grand. Or, dans un cas, un tube en U, caché, raccordait les deux. Les pierres lâchées dans le grand récipient faisaient donc monter l’eau dans le petit. Pour corser l’affaire, les chercheurs avaient fabriqué un appareil semblable mais sans connexion, les deux étaient différenciés par une étiquette de couleur, rouge ou bleue selon la présence ou l’absence du tube en U. Avec le rouge, la récupération du ver était possible mais pas avec le bleu. Encore plus fort, la même expérience a été répétée avec un support transparent qui laissait voir le tube de raccord. (Photo Choucas de Daourie Snowyowls CC BY-SA 1.0)

 Les oiseaux sauraient-ils comprendre ce mécanisme de vases communicants ? Réponse : non. À part une dénommée Kitty, qui a brillamment passé les autres tests, aucun oiseau n’a vraiment compris l’intérêt de mettre des pierres en l’endroit où il n’y a pas de ver et cela, uniquement dans le dispositif à l’étiquette rouge. Encore les auteurs ont-ils un doute sur la raison de la performance de Kitty. (Photo un choucas des tours. Darkone CC BY-SA 2.5)

Et au fait, les enfants ? Entre 4 et 6 ans, ils mettent les pierres dans l’un ou l’autre tube, indifféremment, et ne semblent pas imaginer l’existence d’un raccord caché. Pour les autres exercices, où il est question de prendre en compte le volume d’eau, ils peinent aussi. Selon les auteurs, les performances des corvidés correspondent, pour les meilleurs, à peu près à celles d’enfants de 7 à 10 ans. En revanche, soulignent-ils, rien ne prouve que les mécanismes mentaux mis en jeu soient les mêmes. Les expériences vont reprendre rapidement, maintenant que la saison des amours est passée pour ces oiseaux. L’équipe veut comparer ces performances avec celles de passereaux communs en Amérique.

Futura Sciences 27/7/2014

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