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Aborigènes: la dégradation de la Grande barrière de corail menace leur identité

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Cairns (Australie) (AFP) - Joyau de la planète, la Grande barrière de corail d'Australie est menacée par le réchauffement climatique, la pêche ou l'urbanisation. Mais pour les Aborigènes, minorité autochtone de l'île-continent, ces dégradations environnementales constituent aussi des atteintes à leur identité culturelle.

Gavin Singleton, un représentant de cette communauté longtemps ostracisée, s'est récemment engagé aux côtés des autorités pour aider à la préservation de la plus grande formation vivante au monde. A ses yeux, la Grande barrière est bien plus qu'un trésor de la nature, c'est l'âme de son peuple.

Poissons clowns et anémones de mer au milieu de la Grande barrière de corail en Australie, le 22 septembre 2014 (c) Afp

"La plupart de nos traditions, de nos coutumes, de nos langues viennent de la mer. La perte du récif aurait un impact direct sur notre propre identité", a-t-il déclaré à l'AFP.

"Nous étions là avant la formation du récif et de générations en générations, on se transmet des histoires relatant l'invasion de la région par la mer, la +grande inondation+".

La famille de Gavin appartient au peuple Yirrganydji, dont le territoire d'origine s'étend dans le nord-est de l'Australie, sur une bande littorale allant de Cairns à Port Douglas, 65 kilomètres plus au nord.

A la fin de l’ère glaciaire, il y a environ 10.000 ans, la mer a envahi le plateau continental ainsi qu'une partie du territoire des Yirrganydji et d'autres peuples autochtones pour constituer le récif que l'on connaît aujourd'hui.

A l'instar des Yirrganydji, plus de 70 communautés aborigènes et habitants du Détroit de Torres, possèdent leurs territoires ancestraux sur le récif. Certains y vivaient même il y a plus de 60.000 ans.

Aujourd'hui, la Grande barrière attire pas moins de deux millions de touristes chaque année, tandis qu'un million de personnes vivent dans sa zone de chalandise et en dépendent pour leur subsistance ou leur activité. Son poids dans l'économie australienne est évalué à 5,4 milliards de dollars AUD (3,7 milliards d'euros) et à 67.000 emplois.

En 2013, l'Unesco s'est cependant inquiété des menaces croissantes de dégradations qui pèsent sur les 2.300 kilomètres de la Grande barrière, inscrite depuis 1981 au patrimoine de l'humanité.

L'Organisation des Nations unies a donné à l'Australie jusqu'au 1er février 2015 pour présenter un plan de préservation du site, faute de quoi elle risque de voir le récif déclassé au rang des lieux "en danger" du patrimoine mondial.

En août, le gouvernement australien a confirmé que les perspectives du site étaient "mauvaises", citant le réchauffement climatique au rang des premières menaces pour ses écosystèmes, mais également la pêche, le ruissellement des eaux usées ou l'urbanisation du littoral.

Un "siècle de défrichage, d'agriculture et d'utilisation de pesticides" est le responsable numéro un de la santé déclinante du site, estime Russell Reichelt, président de l'Autorité gouvernementale de conservation de la Grande barrière.

Le ruissellement des eaux est aussi considéré par les scientifiques comme un facteur de développement d'espèces invasives comme l'acanthaster, une étoile de mer qui dévore le corail. Les femelles peuvent pondre jusqu'à 60 millions d'oeufs par an pour un taux de fécondation situé entre 70 et 80%.

Mi-septembre, Canberra a présenté l'ébauche d'un plan d'action sur 35 ans, proposant notamment une meilleure coordination des pouvoirs publics ainsi que l'interdiction dans certaines zones de nouvelles activités portuaires ou de dragage.

"Nous avons écouté et répondu au monde sur la question de la Grande barrière", a assuré le ministre de l'Environnement, Greg Hunt, ajoutant que "le Premier ministre Tony Abbott voulait faire du rétablissement du site le marqueur de son action pour l'environnement".

Pour sa part, l'ambition de Gavin Singleton est que de plus en plus d'Aborigènes soient autorisés à gérer les zones qui furent les terres de leurs ancêtres.

Dans une telle hypothèse, la "gestion du récif" serait "efficace", dit-il. "Nous serons là pour rester et nous surveillerons le récif comme le lait sur le feu".

Sciences et Avenir 5/10/2014

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