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Paraguay : l'un des derniers espaces de forêts vierges de la planète dévoré par l'expansion agricole

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Alors que la consommation mondiale de boeuf est en pleine croissance, le taux de déforestation associée à l'expansion de l'élevage bovin grimpe en flèche ! La déforestation de l'Amazonie a bénéficié d'une ample couverture médiatique et a été considérablement réduite au cours de la dernière décennie. C'est au tour du Chaco, un biome très méconnu, d'être touché par l'un des taux de déforestation les plus élevés de la planète.

Au coeur de l'Amérique du Sud, les riches forêts sèches du Chaco paraguayen sont rapidement défrichées et transformées en pâturages pour le bétail, menaçant la riche biodiversité du biome et le mode de vie traditionnel des Guaranis.

 Une rapide déforestation a été observée dans les départements de Boquerón et Alto Paraguay dans le Chaco paraguayen, autour du peuplement mennonite de Filadelfia. Les zones en couleurs vives correspondent aux zones déboisées entre janvier 2004 et novembre 2013. ©️ Terra-i

L'élevage bovin est un secteur en expansion rapide au Paraguay. En 2013, le pays s'est ainsi classé parmi les plus importants exportateurs de boeuf au monde selon le rapport annuel du département d'agriculture des États-Unis. La taille du cheptel bovin du Paraguay est de 15 millions de têtes, soit le double de sa population humaine du pays. La majorité de la production est exportée vers le Brésil, le Chili et Israël.

Parallèlement, le Paraguay récolterait l'un des titres de champions du monde de la déforestation selon une étude scientifique de l'Université du Maryland publiée en 2013 dans la revue Science. La déforestation du Chaco, un biome couvrant plus de 60% du pays, a lieu à une ampleur démesurée et à une vitesse alarmante. L'outil de détection satellitaire Terra-i a permis d'observer une perte de 2,5 millions d'hectares de forêts du Chaco paraguayen au cours de la dernière décennie. En 2009 et en 2011, ce sont plus de 400 000 hectares de forêts qui auraient été coupées chaque année, une superficie qui correspond à plus de huit fois l'île de Montréal.

 Un éleveur clôture illégalement des terres à l'intérieur du territoire de la communauté Guarani Ñandeva de Pykasu. Au Paraguay, il n’est pas rare qu'un seul terrain soit associé à plusieurs titres de propriété selon des représentants de l'ONG Alter Vida. ©️ Miriane Demers-lemay

Pourtant, le Chaco paraguayen était jusqu'à très récemment une région presque sauvage. Surnommé « l'enfer vert », le Chaco était reconnu pour ses températures extrêmes, ses forêts impénétrables et ses indigènes hostiles. Ces conditions inhospitalières ont longtemps tenu le biome à l'écart de la colonisation par l'homme, permettant ainsi de conserver son incroyable richesse biologique et culturelle.

Aujourd'hui, le Chaco paraguayen est maintenant menacé par l'avancée rapide de la frontière agricole. La croissance exponentielle de l'élevage bovin est stimulée par l'augmentation de la consommation de boeuf dans le monde et les prix très compétitifs des terrains au Paraguay. Les terres boisées publiques sont vendues à des éleveurs sud-américains, européens et mennonites allemands.


 Situation approximative de la région Gran Chaco (carte provenant du CIA World Factbook). Flyhighplato / domaine public


Les forêts sont coupées ou brûlées pour être transformées en pâturages pour le bétail. Au Paraguay, la vente et le défrichement des terres sont libéralisés par le manque de mesures régulatrices et l'un des taux de corruption les plus élevés en Amérique latine selon l'indice de perception de la corruption de Transparency International.

Peu connu, le Gran Chaco est un biome de forêts tropicales sèches ayant une grande importance écologique. D'une superficie de 1,2 million de km2, le biome constitue la plus grande aire boisée d'Amérique du Sud après la forêt amazonienne. Il constitue également un important point chaud de biodiversité (HotSpot). On y compte, entre autres, plus de 3 400 espèces de plantes, 500 espèces d'oiseaux et 150 espèces de mammifères. Parmi celles-ci, on retrouve des espèces menacées comme le jaguar, le puma, le guanaco, le tapir et le nandou d'Amérique.


 Paysage du Gran Chaco. Ilosuna CC BY-SA 1.0


La déforestation accélérée du Chaco peut générer des impacts écologiques désastreux. Elle peut provoquer la perte de services écosystémiques, comme la régulation du climat et du cycle de l'eau ainsi que la séquestration du carbone.

La perte d'habitats provoquée par la déforestation menace la biodiversité de la région. « L'abondance de plusieurs espèces a énormément diminué au cours des dernières années à cause de la déforestation », confie Mario Torrales, garde-parc du parc national Teniente Agripino Enciso.

Malgré sa richesse, la biodiversité du Chaco demeure incroyablement méconnue. En 1975, on y redécouvrait le pécari du Chaco (Catagonus wagneri), une espèce relique qui était considérée éteinte depuis 1930. Or, la perte d'espèces inconnues constitue une grande perte du potentiel du biome pour la découverte de nouveaux remèdes ou de nouveaux aliments dont pourrait profiter l'humanité.

La destruction des forêts du biome peut constituer un processus difficile à renverser. Le Chaco possède un sol sablonneux vulnérable à l'érosion et un faible taux de précipitations. Ces caractéristiques limitent la capacité de régénération de la végétation et réduisent la capacité de récupération du biome. Il est ainsi possible d'observer des chemins créés pendant la guerre du Chaco dans les années 1930 qui sont encore ouverts actuellement malgré l'absence d'utilisation.

La rapide déforestation du Chaco menace les droits et les traditions de la vingtaine d'ethnies Guaraní de la région. Les territoires ancestraux de ces dernières sont rarement reconnus par l'État. Les Guarani sont souvent dépossédés de leurs terres. Ils vont alors peupler les bidonvilles des villes.

La déforestation peut également menacer la sécurité alimentaire des Guaraní, qui repose sur la chasse de subsistance et la cueillette. « Quand ils auront tout coupé, il n'y aura plus d'animaux à chasser », s'inquiète Sindulfo Camino, un chasseur Guaraní Ñandeva de la communauté de Pykasu, « Il faudra aller vivre ailleurs ».

Dans le Chaco paraguayen se trouve également l'une des dernières tribus autochtones sans contact avec la civilisation de la planète : les Ayoreo-Totobiegosode. L'éventuelle extinction de la tribu est envisagée par l'organisme Survival International, qui dénonce la rapide déforestation de leur territoire. « Des actions doivent être entreprises de manière urgente pour la conservation des écosystèmes du Chaco paraguayen et des populations indigènes qui l'habitent », opine José Ibarra, directeur du programme de biodiversité de l'ONG Alter Vida.

Le Chaco paraguayen constituait jusqu'à récemment une des grandes forêts vierges de la planète. Elle est maintenant en train de disparaître en silence, avec toutes ses richesses biologiques et culturelles.

Voir les sites de détection satellitaire de la déforestation :

http://www.terra-i.org/es/terra-i/data/data-statistics.html
http://www.globalforestwatch.org
http://earthenginepartners.appspot.com/science-2013-global-forest

Références :

- Barnes, K. (2012). Scientists develop first satellite deforestation tracker for whole of Latin America, EurekAlert, le 19 juin 2012.

- Coca, A. & Reymondi, L. (2012). Is the « Paraguayan Gran Chaco » at risk for extreme habitat destruction?. Terra-i, 27 août 2012.


- Daniels, A. (2011). El Chaco paraguayo ante la sed por tierras. BBC Mundo, 17 août 2011.

- Depecker, C. (2012). La déforestation de l'Amérique du Sud en un clic, INFORET, no. 14, p. 1-31.

- EFE (2010). Survival pide a Paraguay que frene la extinción de los ayoreos, 26 janvier 2010.

- Guyra Paraguay (2014). Resultados del Monitoreo Mensual de los cambios de uso de la tierra, incendios e inundaciones en el Gran Chaco Americano, Rapport. Avril 2014.

- Hansen, M.C., Potapov, P.V., Moore, R., Hancher, M., Turubanova, S.A., Tyukavina, A., Thau, D., Stehman, S.V., Goetz, S.J., Loveland, T.R. et al. 
(2013). High-resolution global maps of 21st-century forest cover change. Science no. 342, p. 850-853.

- Informe BBC Mundo (2011). Carrera por acaparar las baratas tierras del Chaco Paraguayo. Argentinaadiario, 18 août 2011.

- Martins, A. (2010). Chaco paraguayo: tesoro verde en peligro. BBC Mundo, 26 novembre 2010.

- Naumann, M. (2006). Atlas del Gran Chaco Sudamericano. Buenos Aires, Argentina, Sociedad Alemana de Cooperación Técnica (GTZ), 92 p.

- Romero, S. (2012). Vast tracts in Paraguay forest being replaced by ranches, The New York Times, 24 mars.

- Skjerping, M. (2011). Times of change: Local responses to REDD, deforestation and climate change in Paraguay, Master thesis, University of Oslo, Oslo.

 Terra-i Ciat 9/7/2013 : les parties en rouge montrent la déforestation galopante de la région entre 2004 et 2012.


Le Gran Chaco est une des principales régions géographiques d'Amérique du Sud, située dans le Cône Sud, elle s'étend en partie sur les territoires de l'Argentine, de la Bolivie, du Brésil et du Paraguay, entre les rivières Paraguay et Paraná à l'est, et l'Altiplano andin à l'ouest. Chaco est un terme qui provient du quechua chaku et qui signifie : « (territoire de) chasse ».

Son origine structurelle est un bassin sédimentaire recouvert de matériaux provenant de l'érosion des massifs voisins (Andes mais aussi socle brésilien).

Il forme la partie nord de la grande plaine chacopampéenne. Il se distingue de la région pampéenne par la présence importante de bois et de forêts avec prédominance d'espèces de bois durs.


Miriane Demers-lemay 6/1/2014 (Notre Planète Info) - Wikipedia

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