BelleMuezza 0 Posté(e) le 19 janvier 2015 Le CNRS et l’IRD ont décidé de dédier aux mangroves l’année 2015 afin de mieux faire connaître le rôle crucial joué par ces écosystèmes pour le bien-être des populations locales et de la planète en général. Petit tour d’horizon des recherches actuellement en cours sur le sujet. Parmi les palétuviers les plus communs, seul le genre Rhizophora possède des racines échasses (celles qui partent du tronc). Photo F. FROMARD/ECOLABLes mangroves sont des écosystèmes forestiers (voir encadré à la fin de l'article) couvrant près des trois quarts des côtes tropicales, où leur capacité à s’adapter leur permet de prospérer dans des estrans soumis aux variations des courants marins, des flux sédimentaires et de la salinité. Ils assurent des services écosystémiques irremplaçables, limitant l’érosion côtière, séquestrant le carbone et servant de zone tampon face aux cyclones et aux tsunamis. Riches en jeunes crustacés et en alevins qui finissent par migrer dans les eaux côtières voisines, ils constituent, directement ou indirectement, une ressource importante pour les populations locales. Toutefois, leur surface s’est réduite de 30 % au cours des trois dernières décennies, et elle continue de régresser au rythme inquiétant de 1 à 2 % par an, principalement en raison de l’extension des fermes d’élevage de crevettes.Paradoxalement, peu d’études détaillées ont été consacrées aux mangroves, et l’intérêt croissant qu’elles suscitent depuis quelques années n’est pas parvenu à ralentir le déclin de cet écosystème. Des équipes du CNRS et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ont tenté de combler cette lacune en étudiant les mangroves dans une perspective pluridisciplinaire. Elles ont de plus contribué au lancement de l’opération CNRS/IRD 2015 Année de la mangrove afin d’alerter le public sur leur importance tant en France que dans les territoires d’outre-mer, où se situent certaines des forêts les mieux préservées au monde. Afin d’évaluer la capacité de dépollution des mangroves, les chercheurs ont aménagé, sur le site de Malamani, à Mayotte, une parcelle qui reçoit les eaux usées domestiques via un réseau de tuyaux. Photo F. FROMARD/ECOLABL’île française de Mayotte, située dans l’archipel des Comores, au large de Madagascar, abrite de belles forêts de mangroves qui subissent cependant une pression considérable en raison de l’essor de l’urbanisation et d’une très forte densité humaine. Afin d’harmoniser l’expansion démographique de l’île avec la préservation de son habitat naturel, des chercheurs d’Ecolab (1) ont collaboré avec les autorités locales afin de mettre en place une expérience à grande échelle permettant d’évaluer la capacité de dépollution des mangroves.« Nous avons établi un réseau de collecte des eaux usées domestiques, explique François Fromard, responsable du groupe Ecolab. Nous avons ensuite introduit ces eaux, de façon strictement contrôlée, dans différents faciès de mangrove pour retracer comment y sont exfiltrés les polluants tels que le phosphore ou l’azote, et analyser l’effet que cela a sur l’écosystème en général. »Les scientifiques ont constaté que les zones de mangroves recevant les eaux usées ont une croissance plus rapide, comme si la forêt parvenait à intégrer les polluants dans sa biomasse. Les chercheurs réalisent maintenant une étude microbiologique afin de déterminer comment les polluants tels que l’azote sont absorbés, ainsi que l’effet qu’aura une augmentation de cette pollution sur les sédiments, l’eau et la faune qui vit dans cet écosystème. Vue aérienne de la mangrove de la baie de Chirongui, à Mayotte. Entre lagon et littoral urbanisé et cultivé, la mangrove agit comme une zone protectrice, retenant les rejets des eaux usées et les sédiments. Photo F. FROMARD/ECOLABFrançois Fromard et ses collègues étudient aussi la mangrove de Guyane française, un autre territoire d’outre-mer situé cette fois en Amérique du Sud. Là, les mangroves subissent peu l’influence humaine, mais elles sont soumises aux variations incessantes de la ligne côtière, qui peut avancer ou reculer de deux à trois kilomètres par an. Ce phénomène naturel est dû à l’énorme quantité de sédiments déposés à l’embouchure de l’Amazone, qui, migrant le long de la côte guyanaise, repousse au large la ligne côtière jusqu’à ce que l’érosion la rabote à nouveau. Ces Avicennia germinans, ou palétuviers blancs, qui bordent l’estuaire du fleuve Oyapock, en Guyane, sont caractéristiques de la végétation des mangroves. Photo F. FROMARD/ECOLAB« Ce processus d’expansion puis de retrait s’inscrit dans des cycles d’environ trente ans, note François Fromard. Nous avons créé une base de données d’image de la côte contenant des clichés aériens et des images satellitaires remontant jusqu’aux années 1950, cela afin de déterminer de quelle manière ce cycle est affecté par des facteurs climatiques tels que le réchauffement global, ainsi que la quantité de carbone libérée lors des épisodes de recul côtier. »Le dynamisme des mangroves guyanaises se manifeste, entre autres, par leur grande biodiversité et le rôle de celle-ci au sein de cet écosystème. Emma Michaud et ses collègues du Lemar (2), le laboratoire coordonnateur du projet ANR jeune chercheur Biomango (3) dont le but est d’étudier les relations entre la biodiversité benthique et le fonctionnement écologique de la mangrove, s'intéresse à la faune qui vit dans les sédiments, notamment les petits coquillages et crustacés, les vers et les crabes. Les crabes, tel cet Uca maracoani (Guyane française), jouent un rôle écologique très important dans les écosystèmes à mangrove, notamment de par leur activité de bioturbation. Photo H. BRETON« Les crabes peuvent être très nombreux, environ 100 à 500 au mètre carré, et ils jouent un rôle très important par leur activité de bioturbation, lorsqu’ils creusent le sédiment de la mangrove, souligne Emma Michaud. L’eau passe à travers les trous créés, oxygénant l’environnement, ce qui permet à d’autres organismes de proliférer, accroissant ainsi la biodiversité locale. »Le surcroît d’oxygène active également certains types de bactéries capables de décomposer rapidement des déchets organiques tels que les feuilles mortes. « Nous ne savons pas encore quel est l’impact global de ces bactéries sur la dynamique de l’écosystème, notamment sur la séquestration ou la minéralisation du carbone, précise Emma Michaud. Néanmoins, des projets sont en cours pour mieux évaluer ce phénomène, ainsi que pour réaliser un inventaire des différentes espèces benthiques de l’écosystème, sur lesquelles nous disposons de peu d’informations. »Ces projets, aux côtés de nombreux autres relatifs à tous les écosystèmes et communautés caractéristiques du littoral guyanais, sont aujourd’hui rassemblés au sein d’un Groupement de recherche (GDR) créé en 2014 par le CNRS, intitulé Littoral guyanais sous influence amazonienne (Liga) et coordonné par François Fromard et Antoine Garde (4).Des chercheurs du CNRS et de l’IRD basés en Nouvelle-Calédonie ont étudié les mangroves locales pour mieux comprendre leur capacité à séquestrer le carbone et comment cette capacité évolue avec le changement climatique. « La Nouvelle-Calédonie est l’endroit idéal pour ce type d’étude, souligne le responsable d’équipe, Cyril Marchand (5), parce que ses mangroves, quoique bien conservées, certaines bénéficiant même du statut de Patrimoine mondial de l’Unesco, sont néanmoins sujettes à une pression humaine significative : déforestation, aquaculture et exploitation minière. »Cyril Marchand et ses collègues ont mis en place dans les forêts de mangroves un dispositif de mesures. Celui-ci inclut des trépieds équipés de détecteurs d’ultrasons capables de mesurer le niveau des eaux et les flux sédimentaires, ainsi que des tours permettant d’enregistrer les concentrations de gaz et le régime des vents. Ces mesures leur ont permis de calculer les échanges de CO2 entre l’écosystème et l’atmosphère et d’analyser différents facteurs contribuant à la séquestration du carbone, tels que la température ou la charge sédimentaire de l’eau. Les données recueillies ont également amené les chercheurs à identifier un facteur jusqu’ici négligé : le biofilm qui recouvre la surface sédimentaire. Constitué de micro-organismes végétaux, il réduit le flux de CO2 des sédiments vers l’atmosphère, accroissant ainsi la quantité de carbone piégée dans la mangrove. Des études plus poussées de l’impact de ce biofilm pourraient aider à établir des budgets carbone plus précis.La mangrove est un écosystème de marais maritime incluant un groupement de végétaux principalement ligneux spécifique, ne se développant que dans la zone de balancement des marées appelée estran des côtes basses des régions tropicales. On trouve aussi des marais à mangroves à l'embouchure de certains fleuves. Les estuaires à mangrove sont l'habitat de nombreux organismes animaux et végétaux. Ce sont des écotones, des corridors biologiques et d'importantes zones tampons entre mer et terre, notamment pour l'atténuation des effets de tempêtes ou tsunamis. Mr. Ben Mieremet, Senior Advisor OSD, NOAA / domaine publicCes milieux particuliers procurent des ressources importantes (forestières et halieutiques) pour les populations vivant sur ces côtes. Les mangroves sont parmi les écosystèmes les plus productifs en biomasse de notre planète. Les espèces ligneuses les plus notables sont les palétuviers avec leurs pneumatophores et leurs racines-échasses.La mangrove se développe sur le littoral dans des zones calmes et peu profondes. Elle occupe les trois-quarts des côtes et deltas des régions tropicales assurant une excellente protection contre l'érosion et même les tsunamis. Elle couvre une superficie d'environ 150 000 km2 sur notre planète. Elle se situe le long des zones côtières entre les 30° parallèles Nord et Sud, c'est-à-dire la zone intertropicale. Le plus grand ensemble de mangrove du monde est le delta du Gange et du Brahmapoutre. Mais c'est l'Indonésie qui avec 4 251 011 hectares a la superficie la plus importante de mangroves à travers le monde, viennent ensuite le Nigéria avec 3 238 000 hectares, le Mexique avec 1 420 200 hectares et l'Australie avec 1 161 700 hectares. Compte tenu du milieu particulier de la mangrove, peu d'espèces végétales on pu s'y adapter. Les plus fréquemment rencontrées sont : les palétuviers, la fougère dorée, le manglier jaune (Avicennia), le manglier rouge (Rhizophora) et quelques autres considérées comme minoritaires. Cela dit, 4 espèces de palétuviers sont presque toujours présentes dans une mangrove : - Rhizophora mangle (palétuvier rouge) est le moins résistant à la salinité ; il se développe en bord de mer.- Avicennia germinans (palétuvier noir des Antilles ou palétuvier blanc en Guyane) se développe juste en arrière, suivi des palétuviers blancs.- Laguncularia racemosa (palétuvier blanc dans les Antilles, ou palétuvier gris en Guyane).- Conocarpus erectus (palétuvier gris dans les Antilles) ne sont pas adaptés à l'immersion, mais supportent une salinité très élevée. Pour une information plus détaillée, cliquez ICINotes :(1) . Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement (CNRS/Univ. de Toulouse-III/INP Toulouse).(2) . Laboratoire des sciences de l’environnement marin (CNRS/Ifremer/IRD/Univ. de Bretagne occidentale).(3) . Biodiversité et fonctionnement des écosystèmes dans les mangroves de Guyane française : perspectives pour une gestion de l’écosystème dans son contexte amazonien(4) . Du Laboratoire d’océanologie et de géosciences, en délégation au CNRS Guyane.(5) . Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (CNRS/IRD/UPMC/MNHN).CNRS Le Journal 16/1/2015 - Wikipedia Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites