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En Inde, la soif d'eau de la grande banlieue de Delhi, grandie trop vite

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New Delhi (AFP) - Ranbir Singh se souvient encore de l'époque où les puits de son village, situé au sud-ouest de New Delhi, déversaient une eau au goût sucré et le bétail s'abreuvait à de petits étangs qui parsemaient la région. Le village a depuis été absorbé par Dwarka, une ville-satellite hérissée de gratte-ciel née dans les années 1990 de l'expansion de la capitale.

 Un homme porte une bombonne d'eau tirée d'une citerne le 18 mars 2015 dans un camp de migrants dans le quartier de Dwarka à New Delhi (c) Afp

Les puits se sont asséchés et le niveau des nappes phréatiques, surexploitées, a tellement baissé que des pompes industrielles sont désormais nécessaires pour remonter l'eau en surface.

"Aujourd'hui, l'eau tirée du sous-sol n'est pas buvable", regrette cet habitant de Pochanpur, dont les puits sont désormais remplis d'ordures. "Ceux qui en consomment encore se plaignent de maux d'estomac et beaucoup de jeunes de notre village ont des problèmes de peau à cause de l'eau".

La forte croissance démographique et l'urbanisation anarchique ont déclenché une crise hydrique en Inde.

Selon le World Resources Institute, organisme de recherche basé à Washington, le niveau d'eau de plus de la moitié des puits en Inde est en baisse en raison de la surexploitation et les réserves pourraient être inférieures de 50% à la demande d'ici à 2030.

L'ONU doit présenter vendredi à Delhi un rapport appelant à une gestion durable des ressources en eau de la planète et mettant l'accent sur le problème des nappes surexploitées, particulièrement en Inde et en Chine.

Pour Sushmita Sengupta, du Center for Science and Environment basé à Delhi, l'urbanisation incontrôlée est largement à l'origine des problèmes de l'Inde. "Nos lacs et mares permettaient autrefois de recharger de façon naturelle les nappes phréatiques mais l'urbanisation les a détruits", explique-t-elle. "Les eaux usées ne sont pas traitées donc les rivières sont contaminées. Nous avions autrefois une excellente gestion de l'eau en Inde mais nous perdons cette expertise".

De son côté, Diwan Singh milite auprès de la ville pour que les eaux de pluie actuellement mélangées aux eaux usées soient déversées dans les lacs et mares afin de reconstituer les nappes phréatiques. Singh a expérimenté les problèmes d'eau lorsqu'il a déménagé dans une tour de Dwarka, qui comme de nombreuses zones de la capitale n'est pas raccordée au réseau d'eau et repose sur l'approvisionnement par des camions et des puits de forage. "La gestion des nappes phréatiques de Delhi est mauvaise", souligne-t-il, dénonçant une bureaucratie lente et parfois corrompue. "Dans certaines zones autour de Dwarka, le niveau des nappes a baissé de 60 mètres. Pendant ce temps, l'eau de la mousson va dans les égoûts et est perdue", ajoute Singh.

A quelques kilomètres de Dwarka, dans la banlieue ouvrière de Kailash Puri, la vie est rythmée par les livraisons d'eau deux fois par semaine. L'eau des nappes que ses habitants buvaient autrefois est trop toxique et peu d'entre eux peuvent s'offrir les purificateurs d'eau qui équipent les foyers les plus aisés. A l'arrivée des camions colorés, des familles entières se ruent pour remplir leur bidon. "Je devais avoir un entretien d'embauche aujourd'hui mais j'ai dû faire l'impasse en raison du passage de l'eau", explique Neha Rana, 22 ans, en remplissant son seau. "Quoi qu'il arrive, il faut être là pour obtenir de l'eau. Certaines fois, les gens se mettent en colère et des bagarres éclatent".

Personne n'a voulu s'exprimer officiellement au sein de l'autorité chargé de la gestion de l'eau à Delhi mais un responsable, sous couvert d'anonymat, a estimé qu'il s'agissait d'une crise nationale. "C'est une question qui demande une planification concertée à long terme au niveau national", a-t-il dit.

Le problème est si grand dans la capitale que la fourniture d'eau gratuite a été l'une des grandes promesses de campagne du nouveau chef de l'exécutif de Delhi, Arvind Kejriwal, lors de sa campagne électorale le mois dernier. Pendant ce temps, des "mafias" de l'eau fournissent au prix fort le précieux liquide à ceux qui en sont dépourvus. Nombre d'entre elles s'approvisionnent à des puits illégaux, ce qui exacerbe le problème.
 

Sciences et avenir 20/3/2015

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