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la lettre hebdo de gérard charollois (04/02)

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De l’âme au libre arbitre, l’anthropocentrisme vacille

Malgré la montée d’une diffuse, indécise empathie pour les animaux et la Nature, nos contemporains demeurent formatés par des siècles d’anthropocentrisme.

Ils aiment leurs chiens, leurs chats et ne supporteraient guère, pour l’immense majorité d’entre eux, le spectacle d’actes de cruauté envers un animal, et sa simple mise à mort dans un abattoir.

Ils aiment les beaux paysages, les arbres des parcs publics, une Nature domestiquée et rassurante, mais une Nature tout de même.

Néanmoins, cet homme et cette femme « basiques » s’accommodent d’une société qui marchandise les bêtes, exploite et détruit la Nature lorsqu’elle n’est pas au bout de leur jardin, couvre d’un manteau d’hypocrisie les pires agressions contre le vivant, nie l’unité profonde de la vie et le droit de tout être sensible à ne pas être soumis à la violence et aux mauvais traitements.

C’est que les obscurantismes ancestraux, les ignorances et les abus des lobbies pèsent sur les mentalités anesthésiées.

Pour les tenants de l’anthropocentrisme, il y a l’espèce élue, sacrée, dotée d’un "plus" et les autres espèces, vouées au mépris et à l’exploitation absolue.

Qu’est-ce que ce «plus» ?

Il y a quelques siècles, les théologiens répondaient : l’âme, dont ils ignoraient le siège mais dont ils affirmaient que les animaux étaient dépourvus, bien qu’ils ne sachent pas trop de quoi elle était faite.

L’âme autorisait l’humain à se montrer infernal envers les êtres inférieurs qui n’en possédaient pas.

L’éveil de la science, le recul des brumes obscurantistes, sources de crédulités farfelues, conduisirent les penseurs, à compter du XVIIe siècle, à soutenir que la Raison faisait l’homme et le séparait irréductiblement des autres animaux.

« Nous en avons ! Ils n’en ont pas ».

Toujours, ce manque qui discrimine et disqualifie.

Le Droit, la dignité, la considération de l’existence de l’autre se fondent dès lors sur ce privilège de rationalité.

L’animal n’est qu’une machine naturelle privée de raison, donc de tout intérêt éthique.

Problème : que fait-on de l’homme qui a le malheur de perdre l’esprit ? du fou, de l’enfant en bas-âge, du vieillard sénile ?

Ils n’ont pas de raison. N’ont-ils droit à aucune protection ?

Ne sont-ils pas des êtres dotés de droits, de dignité ?

Bien sûr, ce sont des hommes, pas des chevaux, des renards, des amphibiens.

Mais, ils n’ont pas de raison et puisque c’est la raison qui discrimine, comment expliquer qu’on ne leur refuse pas l’accès à la reconnaissance de leur être .

Et puis, l’observation empirique que chacun peut faire et l’éthologie scientifique révèlent que les animaux, incapables d’écrire un traité de philosophie ou de concevoir un théorème, n’en sont pas moins dotés de formes étonnantes de Raison.

Les anciens parlaient de « l’instinct », concept aussi inepte que celui de « l’âme ».

Il n’y a pas d’instinct, mais des prédispositions, des déterminismes biologiques qui se rencontrent dans toutes les espèces, y compris la nôtre.

Il suffit d’avoir fréquenté un animal dans sa vie, pour savoir qu’il ne manque ni de caractère individualisé, ni de sensibilité, ni de capacité à apprendre, à comprendre, à s’adapter.

Certes, les facultés cognitives d’un grand singe font pâles figures à côté de celles d’un humain, mais des différences de degrés se mesurent entre toutes les espèces et si nous sommes au sommet de la hiérarchie pour la force des neurones, le monde animal ne présente aucune homogénéité.

Les hommes pouvant s’avérer privés de raison et les autres animaux n’en manquant pas fondamentalement, il fallait trouver autre chose pour les adeptes du spécisme.

Les derniers défenseurs de l’anthropocentrisme se replient sur un autre critère pour justifier leur mépris du vivant.

Après l’âme, la raison, voici le « libre arbitre ».

Seul l’humain en serait attributaire, les autres animaux étant strictement déterminés.

Ce concept offre l’avantage, pour les contempteurs de l’écologie, d’être plus flou, moins saisissable, donc apparemment irréfutable.

Ce n’est pourtant qu’un écran de fumée.

L’homme neuronal, prisonnier de ses acquis, de ses synapses, de ses médiateurs dopaminergiques et sérotoninergiques n’est sans doute guère plus riche de « libre arbitre » que n’importe quel autre être vivant.

Le libre arbitre, fiction indispensable à la vie sociale, doit en effet être reconnu pour asseoir la responsabilité de chacun .

Le politique, le juge, le moraliste peuvent et même doivent croire ou feindre de croire au libre arbitre.

Mais le scientifique ?

Le scientifique mesure chaque jour, avec les progrès des neurosciences sa part hélas extrêmement réduite.

Souhaitons même qu’elle existe, cette part de libre arbitre que tant de molécules peuvent supprimer, domestiquer, muter si aisément.

Non, ce qui fonde le droit, la dignité des êtres ne tient ni à l’âme, ni à la raison, si mal répartie, ni au libre arbitre, si fragile, mais à l’universelle capacité des êtres sensibles à éprouver le principe du plaisir déplaisir.

Dès lors, c’est la vie qui vaut.

A ce stade, l’anthropocentriste de média et de spectacle, complaisamment invité à éructer sa haine anti-écologiste sur les plateaux, se déchaîne et sombre dans le délire idéologique : il en appelle au nazisme, aux religions d’antan, aux terrorismes effrayant, pour assimiler l’écologiste aux pires exactions du passé.

Nous voudrions soumettre, selon nos détracteurs, la société à la dictature du vivant, interdire aux femmes de procréer par la coercition, voire éliminer l’espèce humaine par une guerre virale.

Délires, car l’écologie marie le respect du vivant et l’amour de la liberté individuelle.

Pourquoi tant de passion hargneuse contre nous ?

Parce que nous affirmons simplement que la Vie est merveilleuse dans sa diversité et qu’au nom du profit, des traditions, de la croissance on ne peut pas anéantir cette luxuriance.

L’espèce humaine ne doit plus être le cancer de la terre.

Certes, la loi devra demain interdire la chasse, la corrida, la torture, encadrer la cupidité des exploiteurs, mais la loi interdit aujourd’hui aux délinquants et criminels de nuire en tuant, en volant, en franchissant les feux rouges.

Le surplus, l’émergence d’une société écologiste, seront affaire de culture, de prise de conscience, d’élévation du comportement libre de chacun.

Comportement libre ? Mais alors, voici consacré le « libre arbitre ».

Non, la liberté individuelle, valeur importante à l’instar du respect de la vie sensible, réside dans la faculté reconnue à chacun de vivre ses propres déterminismes, avec cette seule restriction que ceux-ci ne nuisent pas à autrui.

Or, le mépris de la vie et de la souffrance des êtres sensibles confine à la nuisance absolue et justifie l’interdiction par la loi de la chasse, de la torture tauromachique, des actes de violence contre tout ce qui éprouve le principe du plaisir déplaisir.

Pour l’heure, les médias, aux ordres des groupes de pressions, se déchaînent contre notre pensée censurée, dénigrant l’écologie profonde sans laisser s’exprimer les prétendus oppresseurs, terroristes, qui « en font trop ».

Pendant ce temps, les amuseurs publics, valets des entreprises, dissertent sur la maison qui brûle et qu’ils incendient chaque jour un peu plus .

Gérard CHAROLLOIS

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