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terrienne

très beau texte

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La corrida est une caricature du sud. La peur de l'autre (alors tuons-le). La peur d'ailleurs (alors restons-là). Le type qui cogne sa femme, ses enfants, son chien ou les ignore. Cette peur nettoyée un instant par le spectacle de la mort. Un rite archaïque en forme d'affront à l'intelligence. A mi-chemin entre la pornographie et les jeux télévisées: un spectacle pour se vider.

Je n'aime pas la corrida et je crois qu'une vérité se situe là face à la bravoure de la bête. Ceux qui "combattent" seront épargnés. Des gladiateurs dans d'étroits frocs moulants à qui l'on offre une épée et une cape pour briller vite fait et tuer une bête noire splendide; symbole de la puissance et de la vélocité réunies. Une bête à cornes soignée pour être éxécutée sous les regards de gens qui payent. Payer pour marquer son silence. Payer pour jouir et se divertir en regardant mourir.

Aficionados. Ceux qui exultent comme ceux qui se bouffent les ongles dans les gradins, ceux qui la pipotent cette corrida et ceux qui l'entourent du mystère. Oui, ceux qui se recroquevillent et ceux qui brandissent Picasso pour mieux vivre le malaise de leur propre mort dans la poussière rouge du midi.

Mon grand-père m'avait un jour (j'avais dix ans) emmené voir à Céret (Pyrénées-Orientales) avec la complicité d'un vieux picador les taureaux de la course du dimanche, à l'endroit même où ils attendaient. Les animaux n'avaient encore jamais vu, ni senti trop de gens et dans cet espace comme une fente de boîte aux lettres où je mis mon oeil pour les voir, le sentiment sauvage avait jaillit dans leurs yeux noirs de condamnés. Ce fut la même chose avec l'aigle sur un sommet des Alpes qui se posa à l'aube à mes côtés, les phoques, les cerfs, les sangliers, les daims, le renard et toutes les bêtes que j'ai eu la chance de croiser un instant dans la nature, bien loin des hommes... et décidemment l'arène, le zoo, la réserve, la piste ne font que donner encore plus de petitesse à l'espèce humaine enfonçée dans son esprit grégaire de conservation, d'entretien de ce folklore qui rapporte de l'argent; empétrée dans ses coutumes, sa tradition, la vulgarité d'un commerce opportuniste.. Les gens du sud qui vont à la Corrida portent des panoplies de Romains, leurs petites couilles assorties trempant encore dans l'anisette apéritive et le rosé aigrelet servis frais sur toutes les tables avant la messe tauromachique. Ils claironnent, ils fanfarent, ils ont tous vu l'ours en allant chercher des champignons autour de la bagnole garée, là à côté dans les collines.

Je ne vais pas changer la donne. Hemingway était un génie, Dali aussi ! ils sont pour des décennies encore d'une barbarie esthétique de mauvais goût, la caution intellectuelle de ceux qui ne les ont jamais lu, ni vu.

Le trou béant que le picador inflige au taureau dans le rachis; une perforation du diamétre de la pique et d'une profondeur sans équivoque vis à vis de la douleur ressentie. Quand un flot de sang vomit de la sorte sur les flancs; il faut peser son poids pour résister encore quelques minutes et cela seulement aprés une entrée furieuse dans l'arêne. Une blessure qui ne permet plus à l'animal de dicter quoique ce soit au destin. Oui, juste relever la tête face à la mort et parfois pour sa race, s'offrir une artère qui traine et faire le martyr à l'autre, en grand seigneur qu'il est de toute façon.

Les types qui sont dans les tribunes ont des têtes de cons. Des têtes qu'ils n'ont pas tout le temps d'ordinaire mais là, oui. Des vraies têtes de cons ahuries, sanguines, jouisseuses, pissant l'alcool et la frustration par les yeux et d'autres têtes de cons encore, hautaines, critiques, revenchardes, luisantes de pouvoir et de privilèges. Les têtes des parvenus sous le soleil sont les belles peintures que des esprits libres ont réalisé loin du cloaque.

C'est un sentiment de gratuité que j'ai gardé les jours ou je me suis rendu aux arènes. La première fois à Céret par facilité, la seconde fois à Ronda pour comprendre vraiment.. et pour la dernière fois aussi.

Christophe Massé

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En effet terrienne c'est un très beau texte et malgré la tristesse du sujet, je n'ai pu m'empêcher de mdr

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