terrienne 0 Posté(e) le 4 juin 2007 Eclipse de démocratie sur la France Dans des vapeurs hallucinogènes, les Français s'abandonnent au pouvoir des forces d'argent, sans même le savoir, sans inquiétude pour la plupart d'entre eux, sans la moindre conscience du caractère inédit de leur situation politique. Nous connûmes, après notre Révolution, en deux siècles d'Histoire contemporaine, la dictature impériale que les politologues qualifient de régime césariste-démocratique, les restaurations monarchiques et catholiques, les républicains bourgeois de CAVAIGNAC à THIERS et quelques formes hybrides, tel le gaullisme. En faisant coïncider l'élection présidentielle et les élections législatives tout en maintenant l'inique scrutin majoritaire uninominal à deux tours, en unifiant la droite, parti de l'argent donc des puissances économiques et médiatiques sous la direction d'un chef habile, machine à conquérir le pouvoir, les dirigeants du pays ont créé les conditions d'un pouvoir monolithique temporaire et électif, mais quasi-monarchique puisque durant des années tous les pouvoirs appartiendront à un homme seul, capable de révoquer tout ministre d'un froncement de sourcil, faisant et anéantissant discrétionnairement les carrières de ses courtisans. Face à lui, aucun contre-pouvoir, aucune borne à sa volonté, aucun frein à son emprise absolue sur son parti détenteur de tous les postes décisionnels. Le problème n'est pas lié à un individu dont les qualités et les défauts ne sont que péripéties subalternes, mais à un système institutionnel comportant en germe ce péril antidémocratique et à une idéologie perverse façonnant le monde occidental sous contrôle. Pour nous, la politique n'est jamais affaire de personnes mais d'idéologie et d'organisation des pouvoirs. Les médias débitent des fadaises du genre : « Le Président a cent jours pour réaliser ses promesses qui font rêver les citoyens et nous connaissons un état de grâce qui pourrait ne pas durer ». Mensonges de médecins anesthésistes de l'opinion publique ou stupidités répétées sottement par des commentateurs pour le moins dénués de tout esprit d'analyse ! Cette petite musique de fond est en effet débile ou trompeuse à dessein. Non, quoi qu'il advienne, quelle que soit la dureté des mesures que les privilégiés de la fortune imposent au pays, quelle que soit la vigueur d'un improbable sursaut, le souverain ne dispose pas de cent jours mais de1825 jours, soit cinq ans. Cinq ans sans aucune échéance électorale de portée nationale susceptible d'apporter une hypothétique sanction à son pouvoir. Cinq ans sans opposition, avec un Etat totalement sous contrôle, des syndicats affaiblis, sans moyens de réaction, des partis adverses privés de représentation dans des assemblées légiférantes quasi-monocolores, véritable injure pour un parlement démocratique, plus proche d'un grand Conseil Fasciste ou d'un soviet suprême d'un Etat totalitaire dans lequel le parti unique détient 80% des sièges. Deux facteurs ajoutent ici leurs effets pervers : d'une part, la propagande des forces d'argent qui conditionnent l'opinion publique et assure la suprématie des privilégiés de la fortune, d'autre part le mode de scrutin accentuant la prime au parti dominant. Ainsi, à supposer que l'UMP obtienne 40% des suffrages en ce mois de juin, elle aura 80% des sièges alors qu'un scrutin proportionnel, avec prime à la liste arrivée en tête, ne lui aurait conféré que 53% de députés, c'est-à-dire une majorité décente, conforme au visage d'une démocratie, flanquée d'une opposition existante. Une opposition réduite à de la figuration, muselée de fait, discréditée par des médias aux ordres et des journalistes, parfois de bonne foi, diffusant la musique d'ambiance, marque le naufrage de la démocratie française. De quel conditionnement médiatique parle-t-on ? Enonçons, pour mieux s'en prémunir, le prêt-à-penser du bourrage de crâne . Ceci : « Le président est l'élu du suffrage universel. Il devient dès lors le président de tous les Français et sa critique est un attentat contre la démocratie. Le système libéral, le Marché, la croissance demeurent les seuls choix concevables et ceux qui les contestent ne sont que des marginaux extrémistes et décalés, parfaitement irresponsables. Les leaders de l'opposition ne sont que des éléphants usés et revanchards, ce que ne sont pas des personnages au même âge avec le même passé politique, s'ils sont à droite.. il n'y a que l'UMP et rien d'autre au monde, pour aujourd'hui, pour hier, pour demain, pour toujours, mais la pensée de gauche est une pensée unique ! ». Voilà ce que vous devez vous mettre dans la tête en allant voter. Après, silence pendant cinq ans, le Président tiendra la barre, présidera, gouvernera ! Et dans cinq ans ? Dans cinq ans : ils recommencent la même opération médiatique : « rupture, majorité nouvelle, confiance retrouvée, énergie en marche, contestation de la pensée unique » avec les mêmes, toujours les mêmes. Ce n'est pas cent jours qu'il leur faut, ni six mois, ni cinq ans, mais un règne qui durera ... Le peuple est littéralement abruti par la propagande des forces d'argent dont nous venons de résumer l'antienne. Si un dormeur s'éveille quelques instants, il peut se dire qu'il n'y a rien de nouveau sous le ciel de la Gaule et qu'après tout la cinquième république se perpétue, depuis 1958, avec son exécutif un peu trop fort, mais au fond en s'accommodant des libertés publiques et même d'une éventuelle et éphémère alternance, puisqu'il y eut 1981. Erreur : jamais la situation ne fut aussi grave pour la liberté, le pluralisme, l'impartialité de l'Etat, pour la démocratie. Souvenez-vous, Charles de GAULLE, que ses adversaires accusaient de « pouvoir personnel », avait contre lui un Sénat que présidait son farouche opposant Gaston MONNERVILLE. La gauche de ce temps-là était virulente, puissante, soutenue par une jeunesse généreuse et des forces sociales encore bien organisées. La droite, dans les années 1960, non encore « décomplexée » de ses crimes, ne s'avouait pas la droite. La presse écrite et les forces d'argent n'aimaient guère le Général, parfois iconoclaste et trop épique pour l'esprit petit bourgeois et affairiste plus à l'aise avec un BERLUSCONI. Valéry GISCARD D'ESTAING et François MITTERRAND durent constamment composer avec des majorités parlementaires relatives, plurielles, travaillées par des ambitions et des courants centrifuges. Jacques CHIRAC et son Etat RPR n'avaient ni la durée, ni la maîtrise ni l'emprise dont bénéficie le nouveau chef de l'Etat. Aujourd'hui, les facteurs de limitation du pouvoir n'existent plus . Le découplage des élections présidentielles et des élections législatives fragilisait le gouvernement puisque tous les deux ou trois ans, le peuple pouvait remettre en cause le pouvoir, un peu comme aux USA avec les élections au congrès à mi-mandat du président. Ici et maintenant, plus de Sénat contestataire, plus d'opposition puissante, plus de jeunesse bouillante, plus de forces sociales structurées, plus d'échéance rapprochées et confusion totale du pouvoir politique et des pouvoirs économiques et médiatiques. Français, vous avez le malheur d'inaugurer une forme sans aucun précédent de pouvoir personnel, une forme encore jamais rencontrée dans l'Histoire et nul ne vous l'expose, nul ne commente cette situation, fruit poison produit par la rencontre de plusieurs facteurs : --un homme énergique, habile, à la tête d'un parti représentant les intérêts des puissances financières ; --un vieillissement du corps électoral le portant au conservatisme et à l'abdication de la critique politique au profit de l'ordre, --- un mode de scrutin bien peu démocratique, totalement inique lorsqu'il fonctionne en synergie avec l'élection présidentielle ; --- une atomisation de la société farouchement individualiste sans idéologie transcendante, sans organisations puissantes représentant des contre-pouvoirs. Que voilà une passionnante expérimentation pour le politologue et un champ de commentaires pour l'historien futur ! Le militant de mieux que je suis, aspirant toujours à davantage de droits, de liberté, d'empathie, de justice, vous appellera à voter, au premier tour, pour l'écologie et, au second tour, pour les candidats d'opposition à la dictature de l'argent-roi. Appel vibrant à la Résistance, appel nécessaire, mais appel inaudible en ce temps de censure graduée. Ce pays va connaître une régression durable. A force de rêver, nos concitoyens finiront par comprendre qu'ils font un horrible cauchemar. Quand verrons-nous les forces de la générosité, de la liberté, de la justice, de la compassion faire reculer la puissance de l'argent arrogant et destructeur, invoquant rituellement l'ordre, l'autorité, la morale, l'effort, ces vieilles lunes de la droite de tous les temps ? Combien de malheurs faudra-t-il pour que, nonobstant la propagande notamment télévisée, la voix de la contestation retentisse à nouveau ? Je pense à l'ami victor HUGO, réfractaire au prince président, lui aussi déjà si populaire et si bien élu sur la légende napoléonienne, proclamant, fort dignement : « s'il en reste dix, je serais le dixième et s'il n'en reste qu'un, je serais celui-là ». Soyez, non pas les derniers, mais les premiers résistants à la dictature de l'idolâtrie de l'entreprise privée, du Marché, de la croissance . Car, par-delà les mots trompeurs, la propagande habile, l'énergie d'un chef, c'est une idéologie malfaisante que nous combattons et non un homme, ni pire, ni meilleur que beaucoup, une idéologie qui cultive l'esprit de cupidité, de peur, de ringardise et qui tourne le dos à l'empathie et au respect de la Nature et de l'humain. G. CONDORCET. CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE. Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites