terrienne 0 Posté(e) le 30 juillet 2007 Faut-il troubler l’agonie de la Nature ? Nul ne conteste plus que l’homme met en péril la plupart des espèces qui constituent les rameaux florissants de la vie. Certaines espèces ont déjà disparu victimes de la chasse et d’autres sont en passe d’extinction sous les coups conjugués des destructions intentionnelles et directes, des disparitions d’habitats, des empoisonnements par la chimie agricole, de l’expansion démographique humaine. Partout dans le monde des humains plus généreux, plus éclairés, militent ardemment pour sauver la faune, la flore et leurs milieux d’accueil. Les figures de proue étendent le champ de l’empathie au vivant, transcendant les familles, les clans, les ethnies, les espèces pour admettre l’unité fondamentale de la vie. J’ai pris ma modeste part à ces combats contre les lobbies de la mort et de l’anéantissement. Cependant, comment échapper à une interrogation fondamentale, radicale, essentielle. L’homme, désormais maître de sa planète, mérite-t-il de vivre dans un environnement viable ? Ce grand nuisible lorsqu’il porte fusils ou fait de l’argent en détruisant le vivant est-il encore digne de la vie ? Il est permis d’en douter sérieusement en observant ces éleveurs de moutons qui fulminent contre les ours, loups et lynx, ces pêcheurs industriels qui incriminent les dauphins, alors que leurs malheurs n’ont qu’une unique cause : l’économie cupide du Marché. Faut-il faire de l’acharnement thérapeutique en faveur du vivant, lorsque des dirigeants irresponsables et au service des spéculateurs qualifient de « biocarburants », des agrocarburants dont l’extension accélère le massacre de la forêt équatoriale et l’empoisonnement par les pesticides ? Faut-il défendre le maintien des espèces, si cela aboutit à offrir à des arriérés féroces de la chair à fusil ? Le grand nuisible n’appelle-t-il pas une politique de la terre brûlée ? Lorsqu’il n’y aura plus de prédateurs naturels dans les forêts et dans les océans, les déprédateurs se retrouveront seuls, face à eux-mêmes, à leur inextinguible appétit de profits et à leur cruauté insondable. Lorsque les chasseurs n’auront plus rien à tuer, que feront-ils de leur instinct de mort ? Contre qui retourneront-ils leurs armes rutilantes que d’aucuns caressent avec amour ? Au fond, y a-t-il encore place sur cette terre pour les tigres, les éléphants, les hippopotames, les grands singes et ici pour nos petits prédateurs ou va-t-on vers une inéluctable aseptisation dont l’espèce nuisible finira ultime victime. Nombre d’amis des animaux s’interrogent sur la pertinence de maintenir ou de réintroduire des espèces que des lobbies contre Nature vouent aux plombs, aux pièges et aux poisons . Je comprends parfaitement leur position consistant à penser que l’homme ne mérite pas la Nature. Je ne trancherai pas ce débat car, scientifiquement parlant, manquent des paramètres permettant d’opter. Il est permis d’espérer que l’homo economicus mute en homo ecologicus et qu’un lien nouveau avec l’animal et la Nature justifie la conservation des espèces pour ce temps meilleur, à venir, de la réconciliation de l’homme avec le vivant. Les décideurs « responsables » peuvent prendre des mesures règlementaires et financières incitant au maintien de la diversité biologique : par exemple en supprimant toute aide à l’agriculture de montagne sans subordination à la présence d’ours, de loups et de lynx. Ces mesures techniques et éminemment politiques visent à accompagner la prise de conscience et la mutation radicale des mentalités. Ceux qui ont réintroduit des ours dans les Pyrénée feront figures de précurseurs auxquels nos successeurs sauront gré d’avoir lutté contre les préjugés d’une fraction obscurantiste de la population. En revanche, si la mutation comportementale tardait, si l’humain conservait trop longtemps ses passions de violence et de mépris du vivant, les sacrifices auront été vains et notre combat n’aura fait que prolonger une agonie. Au fond, l’urgence réside dans le changement des mentalités. Nous assistons aux effets opposés de deux processus dont l’un exclura l’autre, en bout de course : ---d’une part, une mise en coupe réglée de la terre et de ses formes de vies par l’accaparement et les forces du mépris ; --- d’autre part, une prise de conscience de la nécessité de modifier les attitudes ancestrales envers le vivant. Impossible, à ce jour, de dire qui l’emportera de la vie ou de la mort, de la mutation ou de l’extermination, des écologistes ou des massacreurs. A l’échelle d’une vie humaine, nous sommes légitimement impatients de voir s’accélérer le processus d’hominisation. Le temps prend son temps et l’évolution prépare un avenir impénétrable. Notre devoir commande d’agir avec lucidité sur l’état de ce monde inquiétant dans lequel il nous est donné de prendre place, d’agir pour que la présence, voire les réintroductions d’espèces, appellent une reconquête de la biodiversité dont notre espèce sera la compagne bienveillante,pour peu qu’elle cesse d’être la fossoyeuse. L’évolution n’est nullement achevée et l’hominisation en cours passe par l’abandon de l’instinct de mort qui conduisit notre espèce, à un stade de son développement, à tant aimer la chasse et la guerre dont l’une n’est jamais qu’ersatzde l’autre. Et puis, face à l’interpellation de l’ami du vivant, déplorant les réintroductions d’ours, au motif fondé que des arriérés veulent aseptiser la Nature et tuer l’animal, me vient cette réflexion radicale : comment accepter la vie puisqu’elle débouche sur l’inéluctable mort ? Ce qui est vrai de l’ours pyrénéen menacé par les fusils des brutes débiles, l’est de chacun de nous, de tous les êtres vivants menacés chaque jour par tant de périls qu’il faut oublier pour tenir debout. La vie est un défi dont le dénouement sera donné par le stade parachevé de l’évolution, stade qui se cache soigneusement dans les brumes du futur. Gérard CHAROLLOIS Président de la CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE. Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites