Le loup risque-t-il de perdre son statut d’espèce protégé ? La confrontation entre ceux qui sont pour et contre la révision des mesures de protection du loup en Europe s’intensifie.
Après l’annonce d’une possible modification du statut de protection du loup au sein de l’UE faite dans le communiqué de presse de la Commission européenne le 4 septembre 2023, le premier débat commence ce mardi 12 septembre 2023 au Parlement européen.
Les propos de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen cités dans le communiqué annoncent déjà la couleur en ciblant le loup comme un « réel danger ».
« La concentration de meutes de loups dans certaines régions européennes est devenue un réel danger pour le bétail et, potentiellement, pour les humains », a déclaré la présidente en invitant les autorités locales et nationales à « prendre les mesures qui s'imposent ».
La Commission constate une augmentation de conflits avec les agriculteurs et chasseurs et vise à obtenir de la part de toutes les parties prenantes des données récentes sur l’évolution des populations de loups et l’impact de leur présence sur les activités humaines.
La collecte de nouvelles données est prévue jusqu’à 22 septembre 2023. À l’issue de cette phase, et en fonction des données actualisées, la Commission prévoit à réexaminer le cadre juridique de la protection du loup en Europe et éventuellement modifier le statut de l’espèce.
Si actuellement les populations de loups en Europe bénéficient, dans la majorité de cas, d’une « protection stricte » règlementée par la directive européenne « Habitats, faune, flore » de 1992 (assortie de possibilités de dérogation) ce régime de protection peut être rendu plus flexible au vu des derniers chiffres présentés à la Commission Européenne.
Le sujet divise profondément la société et risque de provoquer des vifs débats au Parlement européen, tout comme dans la sphère médiatique.
La réaction des défenseurs de l’environnement face à la position d’Ursula von der Leyen sur la protection du loup
Le WWF a déjà signé avec 7 autres ONG de protection de la nature une lettre ouverte adressée à la Présidente de la Commission Européenne et publiée le 11 septembre 2023.
Les associations signataires de ce texte qualifient le message contenu dans le communiqué de presse de la Commission Européenne comme « trompeur » et anticipant sur les résultats de la consultation publique.
“Les loups ne représentent pas un problème dangereux pour les humains. Les loups ne voient pas les humains comme des proies. Par ailleurs, les dégâts causés dans les élevages sont souvent liés à un manque de surveillance adéquate et/ou de protection physique”, insistent les militants tout en s’indignant du fait que la Commission a prévu 18 jours seulement pour collecter les données sur les problèmes liés au retour des loups sur le territoire européen : « Les lignes directrices pour une meilleure réglementation exigent que toutes les parties prenantes disposent d’un délai raisonnable pour apporter des contributions éclairées et efficaces. »
En France, les associations FERUS (Première association nationale de protection et de conservation de l'ours, du loup et du lynx en France) , ASPAS (L’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel ) et SFEPM ( la Société française pour l'étude et la protection des mammifères ) ont réagi également à l’intervention d’ Ursula von der Leyen avec un communiqué virulent.
En traitant la déclaration de la Présidente de la Commission Européenne « d'un niveau rare d'ignorance et d'irresponsabilité », ils déplorent l’absence totale d’une base scientifique pour affirmer que le loup est un danger pour les humains. « Il n'existe aujourd'hui aucun témoignage sérieux d'attaque de loup sur l'homme en Europe », précise le collectif des signataires français.
« Nos associations continueront de soutenir qu'une cohabitation apaisée avec l'élevage et les humains est possible et que le retour du loup est une chance pour nos écosystèmes. Elles rappellent que seules les mesures de protection (berger, chiens de protection, filets électriques notamment) sont efficaces pour protéger les troupeaux. »
La réaction au sein du réseau agricole
Dans l’autre camp, les représentants de l’univers agriculteur s’expriment en faveur de la démarche de la Commission. Ainsi, Jean-Marie Bernard, Président du Département des Hautes-Alpes, a soutenu qu’elle a un réel fondement et une vraie légitimité. Dans son communiqué de presse diffusé presque immédiatement après l’annonce litigieuse de l’institution européenne, il affiche son soutien à la modification du statut de l’espèce : « Seule une révision du statut de protection du loup permettra de redonner espoir aux éleveurs et de faciliter leur travail. Je salue la prise de position de la Présidente de l’Union et l’encourage à aller au bout de sa démarche. »
Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, est sur la même longueur d’ondes. « Je félicite @vonderleyen pour cette prise de position courageuse et lucide », s’est-il exprimé dans son Tweet sur la polémique autour du changement du régime de protection du loup. « Cela conforte la stratégie que je défends dans le futur Plan loup, à savoir une réévaluation basée sur des donné es scientifiques du statut de l’espèce en question, tout en tenant compte de manière plus approfondie des enjeux de l’élevage. »