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BelleMuezza

FRANCE / PARIS : Un "Herboriste" hors-la-loi, la faute à QUI ?

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Michel Pierre est un féru de plantes. Il l'est encore aujourd'hui, alors qu'il exerce depuis plus de 40 ans une profession illégale : herboriste. Son échoppe du premier arrondissement de Paris ne désemplit pas. Dix personnes, dont une pharmacienne, y travaillent. La devanture du magasin embaume le trottoir situé - cela ne s'invente pas - rue des Petits-Champs.

Son produit phare : la tisane, sous toutes les déclinaisons possibles. "Les gens ont de plus en plus de problèmes d'acidité gastrique dus à l'alimentation, et pour les Parisiens, en particulier, au stress !" témoigne Michel Pierre. Savonnettes d'Alep, jus de myrtille et sirop d'agave encombrent les comptoirs. Plus haut, du tournesol décortiqué. À gauche, de la sève de bouleau pour une cure de vitalité. Pour obtenir l'inaccessible, il vous faudra demander à ces dames, qui s'empresseront de monter sur l'escabeau pour aller vous dénicher quelques mixtures de valeur.

Seul hic : Michel Pierre n'a pas le droit d'exercer. Le diplôme d'herboriste a été supprimé en 1941, sous le régime de Vichy. C'est aujourd'hui les pharmaciens qui ont le monopole de la commercialisation des plantes médicinales.

Ancien préparateur en pharmacie : "J'ai exercé à la campagne !" précise-t-il -, Michel Pierre a acheté l'herboriste de mademoiselle Magallon, ancienne propriétaire, en 1972. "Je me suis retrouvé à exercer une profession que je connaissais à peine. L'herboriste diplômée qui me couvrait juridiquement a complété ma formation. Elle m'a parlé des plantes, tous les jours, pendant deux années. Au bout de ces deux ans, on peut dire que je connaissais bien les plantes", confie Michel Pierre.

Il y a quelques mois, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) remarque sur le site internet de l'herboriste un certain nombre d'"allégations" illégales. Michel Pierre n'a aucun droit pour donner des conseils thérapeutiques. Cela est le privilège des pharmaciens. Le parquet se saisit de l'affaire. Les déboires judiciaires commencent. De fait, des articles du Monde placardés sur la vitrine racontent ses déboires. Le propriétaire des lieux s'esclaffe : "Oui, ben, je suis quand même au tribunal !"

En 2010, le sénateur socialiste du Finistère Jean-Luc Fichet interpelle le gouvernement. "Le diplôme de pharmacien n'est pas adapté et les tentatives gouvernementales pour récréer le diplôme d'herboriste, en 1986 et en 1987, ainsi que les propositions de loi en ce sens n'ont jamais abouti", lâche-t-il.

La demande de soins "moins agressifs", à base de plantes, est pourtant revenue à la mode, insiste le sénateur, qui poursuit : "Les préparations magistrales à base de plantes réalisées en pharmacie ne sont plus remboursées par la sécurité sociale, et ce, depuis 2007. Quelle est donc la logique de leur maintien sous monopole pharmaceutique ?"

C'est Rama Yade, à l'époque secrétaire d'État chargée des Sports, qui lui répondra : "Le pharmacien reçoit des cours de botanique au cours de sa formation. (...) Avec près de 23.000 officines de pharmacie réparties sur le territoire national, nous disposons d'un maillage suffisant pour répondre aux besoins de la population. "Ne reste aux derniers herboristes encore en activité - il y en a une quinzaine en France - qu'une liste de 148 plantes libéralisées par décret en 2008.

Mais, une fois encore, les herboristes ne peuvent donner aucune indication thérapeutique sur les produits qu'ils vendent. "Le problème est que ces plantes sont médicinales. Cela veut dire que vous posez un diagnostic. Du coup, on frise l'exercice illégal de la médecine !" racontait au Monde Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l'ordre des pharmaciens. Le 4 avril dernier, Michel Pierre comparaissait en appel pour "exercice illégal de la profession de pharmacien".

Le plaidoyer du procureur de la République, rapporté par Le Monde, résume la situation : "Formellement, vous serez déclaré coupable, mais j'ai totalement conscience des limites de cette loi puisque l'on est dans une impasse totale. On peut aussi déplorer que le savoir-faire des herboristes, qui existe depuis des siècles, voire depuis toujours, et qui sont les ancêtres des pharmaciens, se perde... J'espère que les législateurs trouveront les moyens de régulariser les choses."

En attendant la date du délibéré, prévu fin mai, Michel Pierre patiente. Mais il juge la situation grotesque : "La DGCCRF est en train d'établir une liste de plantes qui vont être utilisées pour les compléments alimentaires. Cette liste est au nombre de 600 (...) Mais je n'ai pas le droit de les mélanger, à l'heure actuelle, sous forme de tisane."




LE POINT 4/5/2013

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