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BelleMuezza

Parasites «émergents» : alerte aux nouveaux envahisseurs !

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Ce n'est pas qu'une impression. Le nombre d'insectes, de champignons, de bactéries ou de virus fossoyeurs de plantes en tous genres est en nette augmentation depuis une quinzaine d'années. Toutes ne meurent pas mais toutes sont frappées par ces parasites «émergents» ou «invasifs», venus des quatre coins de la planète.


 Un sphinx des palmiers (Paysandisia archon) Didier Descouens CC BY-SA 4.0


Palmiers de la Côte d'Azur déplumés par un gros papillon argentin (Paysandisia archon), buis et marronniers défoliés par de voraces chenilles venues de l'Est, cerises et petits fruits impitoyablement dévorés par une cousine asiatique de la célèbre mouche drosophile, poireaux minés par les asticots d'une autre mouche, polonaise cette fois…: la liste ne cesse de s'allonger.

Côté maladies, le tableau n'est guère plus réjouissant. Dans les années 80, les ormes ont été décimés par la graphiose, un redoutable champignon (Ophiostoma ulmi) transmis par un insecte du bois, tandis que les platanes sont durement touchés par le chancre coloré (Ceratocystis platani) importé lui aussi. Et que dire des frênes, carrément menacés de disparition par un autre champignon émergent (Chalara fraxinea) d'origine inconnue. À se demander s'il restera des arbres dans nos forêts…

 Chancre du platane ou Chancre coloré (Ceratocystis fimbriata). Serge Tanet Flickr / CC BY-SA 2.0

Dans son numéro de janvier-février 2015, la revue Jardins de France, éditée par la Société nationale d'horticulture de France (SNHF), consacre un dossier à cette épineuse question. Elle dresse une liste de 116 espèces d'«insectes invasifs d'importance agronomique», introduites dans notre pays sur la période 2000-2014. Vertigineux! La grande majorité de ces drôles de «touristes» à six pattes provient d'Asie (45 %) et d'Amérique du Nord (15 %). Il s'agit à 50 % d'hémiptères (58 espèces), autrement dit de pucerons, psylles, cochenilles, aleurodes, cicadelles et punaises particulièrement nuisibles pour les plantes et bien souvent vecteurs de maladies, notamment virales.

Certes le phénomène n'est pas nouveau. Le mildiou de la pomme de terre, maladie provoquée par un micro-organisme pathogène (Phytophtora infestans) importé d'Amérique, provoqua une effroyable famine en Irlande au milieu du XIXème siècle. Quelques décennies plus tard, le phylloxéra (Daktulosphaira vitifoliae), un insecte originaire lui aussi du Nouveau monde, faillit décimer le vignoble français et européen. Sans parler du doryphore arrivé à Bordeaux pendant la première guerre mondiale dans les «bagages» des fantassins de l'oncle Sam… Mais, force est de constater, que le flux de ces «passagers clandestins» s'est nettement accéléré ces derniers temps.

 Un doryphore adulte. Scott Bauer, USDA ARS / domaine public

«Le changement climatique, la modification des pratiques culturales, l'introduction de nouvelles espèces et, surtout, l'intensification des échanges commerciaux au niveau mondial, qui favorisent la dispersion des pathogènes et des ravageurs, sont autant de facteurs qui expliquent la fréquence accrue avec laquelle les phénomènes d'émergence sont observés, note Thierry Candresse, chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) dans l'éditorial de Jardins de France. Cette tendance devrait malheureusement se poursuivre dans les années à venir, nécessitant une vigilance et une réactivité toujours accrue des jardiniers amateurs ou professionnels.»

D'où l'importance stratégique du Réseau d'épidémiosurveillance mis en place à l'échelon national et régional sous l'égide du ministère de l'Agriculture. Plus les jardiniers seront nombreux à participer à ce dispositif, en signalant la présence de parasites traditionnels ou émergents dans leurs massifs ou leur potager, plus la lutte gagnera en précision et en efficacité.


 Mineuse des feuilles d’Allium (poireau, ail, ciboulette, oignon, etc.), porte le nom scientifique de Phytomyza ou Napomyza Gymnostoma. NoFraJe CC BY-SA 3.0


Même si elles sont loin d'être suffisantes, diverses actions préventives ou prophylactiques permettent, dans certains cas, de limiter les dégâts. En empêchant les femelles de pondre, la pose de filets à mailles très fines sur les cultures de poireaux permet, par exemple, de protéger ces braves légumes contre la redoutable mouche mineuse (Phytomyza gymnostoma ou Napomyza gymnostoma) dont l'arrivée en France remonte à 2003.

L'incinération des feuilles de marronniers, à l'automne, permet également d'éliminer les chenilles et les chrysalides hivernantes de Cameraria ohridella (mineuse ddu marronnier). La chenille de ce minuscule papillon, observé pour la première fois en Macédoine en 1980, s'est répandue dans toute l'Europe comme une traînée de poudre. Et pour cause: ce lépidoptère réalise pas moins de 3 générations par an! Mais le ramassage des feuilles mortes, très gourmand en main d'œuvre, est loin d'être systématique.

 Cameraria ohridella adulte. Soebe CC BY-SA 3.0

Tout aussi prolifique, la pyrale du buis (Cydalima perspectalis), un petit papillon nocturne d'origine chinoise arrivé en France en l'an 2008, sème la désolation dans nombre de parcs et jardins. Christophe Brua, président de la Société alsacienne d'entomologie cite le cas d'une haie de buis de 16 m de long sur laquelle pas moins de 10 litres de chenilles  ont été récoltés manuellement! (Photo Didier Descouens CC BY-SA 4.0)

 Pyrale du buis adulte. Didier Descouens CC BY-SA 3.0

Heureusement, «la destruction des chenilles par l'emploi d'insecticides conventionnels est facile», à condition de «bien traiter l'intérieur des arbustes», note Christophe Brua dans Jardins de France. En revanche, les insecticides bio à base de Bacillus thuringiensis ont, selon ce spécialiste, une «efficacité très variable».

 Mais, il n'en reste pas moins vrai que, dans certaines situations, agriculteurs et jardiniers sont totalement démunis. Aucune parade n'existe encore pour contenir les assauts d'une drosophile asiatique (Drosophila suzukii), arrivée en France en 2010. Or cette petite mouche, voisine de la mouche à vinaigre, dont la larve se nourrit de baies, cause des dommages considérables sur les cerisiers, les fraisiers et les arbustes à petits fruits (cassissier, framboisier, groseillier). (Image Dégâts causés par l'insecte. Martin Hauser CC BY-SA 3.0)

 Mâle de Drosophila suzukii. Martin Hauser Phycus CC BY-SA 3.0.de

Une chose est sûre: la multiplication de ces parasites émergents -qui n'est pas près de s'arrêter, bien au contraire- pose une redoutable question. Si la réduction de l'usage des pesticides est une nécessité, leur interdiction totale dans les jardins amateurs à compter du 1er janvier 2022, comme le prévoit la récente loi Labbé, est-elle réellement opportune, sachant que les méthodes bio alternatives sont encore, dans bien des situations, largement insuffisantes?

Le Figaro 30/1/2015 Marc Mennessier

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