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kti

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Tout ce qui a été posté par kti

  1. Lol Fagio ! Je vois que chacun t'a répondu ! Je serais méfiante aussi, vu leur écart d'âge. Chacun dans une cage mais qu'ils puissent se voir, s'appeler, commencer par la vue et la voix.
  2. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Les nouvelles littéraires ne sont pas bonnes : Lavil, que Vic a contacté lundi pour accélérer les choses, a répondu sans diplomatie aucune qu’ils ne savaient pas encore pour son livre mais qu’elle n’avait rien a en espérer puisqu’ils n’en publiaient qu’un sur mille. Piquée au vif, elle a répondu «Ce sera le mien» mais ne veut même plus y croire. Un sur mille, c’est craint-craint. Et elle a reçu ce matin la réponse de Julius delta : Paris, le 30 novembre 1990 Madame, Nous avons examiné votre manuscrit avec attention. Malheureusement, celui-ci ne correspond pas à ce que nous souhaitons éditer. Nous ne pouvons donc vous en proposer la publication. Avec nos regrets, nous vous prions de croire, Madame, à l’assurance de nos sentiments les meilleurs. Le service manuscrit pour Julius Delta. Le lendemain, Vic se réveille désespérée. Elle en veut à la terre entière, et avant tout à son mari. Il est très affable en ce moment —disons depuis une semaine et avec quelques restrictions quand même : s’il est vrai qu’il vient volontiers la câliner, s’il lui raconte de nouveau les petites anecdotes de ses journées, il ne peut s’empêcher, de loin en loin, quand c’est elle qui se risque à un geste affectueux, de la rabrouer brutalement, du style : «De toutes façons, maintenant, j’ai le cœur tout desséché…», ou alors : «Je travaille comme un fou parce que je n’ai rien d’autre à faire…», «Je suis déçu par le mariage…» Des petites phrases comme ça, pour «rire», mais qui ont immédiatement l’art de refroidir Victoire, et qui, cumulées, finissent par s’incruster dangereusement dans sa cervelle. Hier soir, Philippe avait une dingue envie de baiser. L’aurait bien sautée sitôt les enfants couchés, n’a cessé de glisser la main entre ses cuisses, frétillant à la vue de la moindre paire de fesses sur l’écran TV. Vic vient d’arrêter de fumer —pour satisfaire son mari— et elle n’a pas envie de faire l’amour. Et plus Philippe insiste, plus elle sent l’irrésistible désir du mâle se rabattre tout entier sur sa petite personne —normal, puisqu’elle est sa femelle— et plus elle est coincée. Elle préfèrerait bouquiner le prix Fémina qu’elle s’est offert et qui, depuis qu’elle l’a ouvert, lui plaît. Bon, elle s’exécute. Rejoint le mari devant l’écran et fait sa petite gentille, pour finir, comme elle l’avait prévu, la bouche pleine de son sexe. Pour qu’il lui foute la paix avec sa libido. Libido qui hier soir n’était pas venue d’elle, mais plutôt de la minette qui avait dragué Phil toute la journée, exploit dont il s’était allègrement vanté. Bref, devoir conjugal et Vic aurait tant préféré oublier ses soucis, et son manque de désir, et son manque tout court avec Pierrette Fleutiaux. Au lit, elle refuse que Philippe la prenne. Cette pipe, loin de l’exciter, l’avait enfoncée davantage. Elle avait senti la crampe de ses maxillaires, elle avait trouvé ça long et n’avait pas apprécié cette main sur son crâne, brutale, pour l’astreindre à le finir et à l’avaler. Un ordre : «Surtout ne t’arrête pas, je veux jouir dans ta bouche…» Avait-elle l’habitude de s’arrêter ? Cadeau et pourtant ce matin, Phil est à peine aimable : — Puisque tu vas à la cuisine, tu peux faire chauffer l’eau du café ? — Non. C’est pour «rire» et Vic ne trouve pas ça drôle. Elle ne supporte plus son «humour», sa libido de jeune homme qui tirerait dans tout ce qui bouge, ses bouderies interminables… Elle ne supporte plus la bonne non plus, elle s’interroge. Elle arrive à la conclusion qu’il est plus sain de fumer et se précipite au tabac racheter des cigarettes.
  3. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Ce dimanche 26 novembre, jour de la sainte Victoire, Vic se coltine le traditionnel repas chez les beaux-parents. Elle aurait voulu mieux, en tous cas, elle aurait aimé qu’ils lui souhaitent, tous autant qu’ils étaient, cette fête désuète que Zina et Charles n’oubliaient jamais. Mais elle a dû choisir son camp. Philippe lui impose les dimanches à Montmorency, les enfants courent, comme elle l’avait rêvé, entre les arbres du jardinet propret. Elle en néglige sa famille et ses amis, et néglige tant et tant qu’elle sait qu’un jour, la corde cassera. Mais la corde est solide, s’effiloche à mesure et Victoire s’amuse, de loin, à regarder les fils s’individualiser. La tête dans le sable, les enfants rient, l’objectif est atteint. Rauque comme à l’ordinaire, son mari s’inquiète des interventions verbales de sa femme. Vic a compris depuis longtemps qu’elle n’avait rien à dire en dehors de «merci, c’est bon, je reprendrai bien du poisson, c’est vous qui avez fabriqué le pain aux graines de sésame ?… Bravo Rachel, il faudra me donner la recette…» Victoire n’échange rien d’autre que des fiches-cuisine, le dimanche à Montmorency. Bof ! Pourquoi pas !… S’il suffit de ça pour faire semblant. Pour croire que tout est arrangé, le passé oublié, malgré la solitude de ces mois de voleuse, voleuse de la graine du Juif, s’il suffit de ça pour reconstruire un couple sur des ruines… Vic s’en balance. Elle apprécie les frères de Philippe et ses belles-sœurs. Elle les trouve un peu lâches, mais ne l’est-elle pas également, comment être soi-même, le dimanche à Montmorency ? Elle sait malgré sa bonne figure qu’elle va en prendre pour son grade dès la porte de la R5 claquée. Philippe ne supporte pas ces dimanches familiaux. Il tourne, retourne, dans le pavillon charmant, arbore une mine boudeuse, répond mal à sa mère lorsque la pauvre femme tente une pauvre question. Il est chez lui, dans le décor de son enfance, mais ne supporte pas l’intrusion de ses parents. Il impose sa lignée mais fait payer à Vic, le soir, l’effort qu’il a subi. Elle s’est habituée. Le dimanche est un jour maudit. Inéluctable et maudit. Samuel s’est dépassé pour la sainte Victoire. Parce qu’elle n’a pas réalisé, immédiatement, qu’il venait de coucher David, il s’est offert un «mère dénaturée» humoristique et qui n’a révolté personne. Samuel et Philippe ont le même humour, Vic, touchée en plein cœur, n’a pas même répondu. Seule contre quinze !… L’esclandre est inimaginable… Et puis Philippe, au pied du mur, lui aurait reproché sa susceptibilité mal placée. C’est vrai, il ne faut pas accorder d’importance aux mots ; ni aux mots, ni aux sous-entendus : «Victoire ! Votre Nico n’a-t-il pas faim ?… Depuis quand n’a-t-il pas mangé ?…» Et Vic, prise en flagrant délit de mauvais traitement, parce qu’ils sont si nombreux et qu’elle délègue le dimanche, qu’elle laisse au père les rôles ingrats, se sent comme une citrouille. Répond poliment : «Je ne sais pas, demandez-donc à Phil…» Mais l’aveu est trop grave : comment peut-elle ne pas savoir ? Pourquoi Phil serait-il coupable alors qu’elle est la mère ?… La mère !… Victoire se marre : le dimanche à Montmorency, elle est la mère pour le mépris, pour tout ce qui cloche : «Nico a mauvaise mine… Mange-t-il correctement ? David est agressif… Est-il élevé correctement ?…» La mère qui bâcle son boulot de mère, et les diplômes ?… Mais ils ne veulent même pas entendre, ces braves gens, que Vic a le même statut que leur fils et qu’elle ramène autant… Elle n’a aucune excuse, cette goy mal élevée qui leur a volé leur petit… En fait et pour l’avouer, cette belle-fille est la Honte avec le H majuscule. Aussi vient-elle le dimanche sans savoir la contenance à prendre. Aussi accepte-t-elle les remontrances de son mari au retour. Quoiqu’elle fasse, elle aura toujours faux. Victoire attend lundi, sublime, écrit ses livres. Oublie cette famille qui la déteste et n’hésite pas à le montrer, tâche de sortir Philippe du lot, parce que c’est le père de ses enfants.
  4. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Vic a déposé hier chez Tallendier la version numéro deux du «Soleil Rose». Elle est évidemment très fière de son travail. Court moment de panique cependant à l’accueil : les réceptionnistes sont différentes des autres fois, elles n’ont jamais vu la jeune femme, échangent des regards perplexes et Vic se sent martienne sur la lune. Elles font appel à une plus vieille et celle-ci se souvient, plisse les yeux : — Marie-Christine dites-vous ?… Marie-Christine… Elle se gratte les neurones : Marie-Claude Dauphiné, voulez-vous dire ?… — C’est ça ! Marie-Claude Dauphiné ! Ouf ! Vic ne sait plus ou se mettre, elles sont trois maintenant à s’agiter autour de son humble personne qui serre contre son cœur le bébé, à présent vêtu de jaune. Une seconde, elle regrette son audace, elle perturbe, elle aurait mieux fait de laisser son exemplaire incognito. Pourtant, dès qu’elle la voit, Marie-Claude lui adresse le plus franc des sourires, sans rouge à lèvres, ce qui la rend plus familière : — Comme vous avez fait vite ! s’exclame-t-elle éberluée. — J’ai eu du mal à me résoudre aux coupures de la seconde partie, répond Vic empourprée… Je laisse juge le lecteur. — Oui, rassure Marie-Claude, vous verrez ça avec lui (comme si elle était déjà dans la place…) — Je ne vous dérange pas davantage… Sachez seulement que même si votre Maison ne l’édite pas, avec cette fin-là, il a pris cinq kilos et est devenu un très beau livre grâce à vous. Vic s’enfile un cognac à l’Escurial. Elle réalise difficilement que son testament est dans ce livre. En principe, elle devrait être morte. Elle remercie le ciel, du cadeau que Dieu lui a fait. Il l’attend, de toutes façons, et ce n’est que partie remise, mais Vic, un peu pompette, ne s’en doute pas.
  5. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Qu’est-ce qu’un livre ? Rien. Sinon le souvenir de celui qui n’a pas eu la chance d’aboutir : vivre pour ses enfants. Faute de mieux, celui-là laisse un livre pour ses enfants.
  6. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Philippe craque. Depuis qu’elle a changé de travail, qu’elle dose 800 plasmas par jour dans le plus grand hôpital d’Europe, Victoire s’occupe moins de lui. Et depuis le rendez-vous Tallendier, il ne vit plus avec une femme, mais avec un cerveau. Il souffre, cet homme. Dès qu’il arrive, trop heureuse de lui laisser les enfants, elle s’enferme dans la chambre pour avancer. Evidemment, elle fume et Philippe n’a trouvé que ça pour exprimer son désarroi. Hier, le drame a éclaté : «Ohé Bouboule !… Quand est-ce qu’on mange ?…» (Bouboule est le surnom de Victoire, depuis les vingt kilos pris pour David. Pourtant la mère a vite retrouvé sa ligne d’avant-mère, mais le nom est resté.) Elle arrive, avenante, veut embrasser la joue de son époux mais l’époux est à vif : L’haleine que t’as !!! (allusion discrète à la fumette). Vic ne relève pas : — On dîne quand tu veux, tout est prêt. Il continue : — L’haleine de toxico !… Justement, il tombe mal, elle n’a fumé qu’une tige depuis son retour, il y a au moins une heure. Et vas-y que j’en ai marre d’avoir une femme comme ça, qui fume à longueur de journée… — De toutes façons, tu râles tout le temps : quand je bosse, tu râles parce que je bosse, quand je glande, parce que je glande, quand je suis enceinte, à cause du gros ventre, quand je fume, à cause de l’odeur… OK, j’arrête demain, mais j’ai peur de ce que tu iras inventer après… Phil ne peut la stopper : — De toutes façons, il n’y a pas que la nicotine !… Mon bouquin aussi te sort par le nez !… Impossible d’en parler, c’est de la MERDE !… Alors que c’est TOUT pour moi, ce livre, c’est ma résurrection, ma délivrance, peut-être le prix Fémina… Elle crache le sang, lui, vaguement épaté, se radoucit : — Je n’ai jamais dit que c’était de la merde, ton bouquin… Il parvient à la calmer. Mais lorsqu’ils passent à table, il arbore son masque numéro trois, qui affiche : «Je ne suis pas vraiment en colère, juste contrarié, et je n’ai pas grand-chose à raconter». Victoire n’insiste pas. Elle est perplexe quant à la suite des aventures de Lola au Maroc. Doit-elle retrouver le Finlandais ou non ? Sitôt le bœuf mode englouti, Phil file avant même le dessert bosser dans son bureau. Sa femme pourrait l’y rejoindre, s’asseoir sur ses genoux, le couvrir de baisers —d’autant qu’à la cuisine, il est venu la peloter à plusieurs reprises— mais elle ne veut pas laisser sa Lola toute seule se griller de soleil au Paradis : elle risquerait d’attraper mal. Et puis Vic garde un mauvais souvenir de leur dernier coït, elle supporte de moins en moins sa brutalité. Pourtant, Philippe n’a pas changé et c’est cette brutalité qui l’a séduite. Le premier soir, il l’a allongée sur le lit, l’a ouverte et l’a pénétrée, sans façons. Mais en ce moment elle est fragile, sans s’expliquer pourquoi. Elle aimerait qu’il soit plus doux. C’est tellement lui, cette fougue au lit ! La refuser serait tout refuser et elle veut le garder. En tous cas, cette nuit-là, elle ne va pas le surprendre dans son bureau. Avec délectation, elle retrouve les malheurs de son héroïne où elle les a laissés et réfléchit à grands coups de cigarettes. Le lendemain, comme par enchantement, elle avait dénoué le nœud gordien. Elle savait comment finir son histoire, les mots sortaient en flux de son Mont Banc, telles des évidences, elle n’était que l’outil, obéissait à l’ordre inadmissible, l’ordre inconditionnel de l’écriture.
  7. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Victoire revient de chez Marie-Florence. Elle a confié les cinquante premières pages corrigées de son livre et elle est invitée ce soir pour le verdict. Marie-Florence, un peu gênée, s’excuse : «l’ami» a été agréablement surpris, le travail est sérieux mais non merci, pas le genre de la maison Bellefontaine. Victoire sauve la face, évidemment qu’elle peut faire mieux, il suffit de s’y remettre, mais son choc est massue. Lorsqu’à 21 heures, René-Yves rejoint les deux femmes, c’est à peine s’il la regarde, vachement supérieur, il allume la télé et se poste devant, le silence doit suivre. — Si vous n’en voulez pas, il n’est peut-être pas nécessaire de continuer les corrections… — Tu rêves !… Le maximum que tu feras sera toujours en dessous de ce qu’ils désirent. — Même chez Lartebille ? — Lartebille ne te publiera pas. — Même chez Vertex ? — Vertex, peut-être… Le dialogue est crié, Victoire est dans l’entrée, prête à partir et lui dans son bureau. Devant un tel dédain, l’optimisme déjà bien entamé achève de s’écrabouiller sur les rayonnages croulant de livres. La voix enrouée, elle remercie. D’autant que le fils Bellefontaine, des éditions Bellefontaine, lui a prêté un roman de femme, très «bien écrit», pour qu’elle apprenne… Vic le commence dès le taxi. Comme par magie, elle se réveille intacte le lendemain. Elle préfère s’imaginer que René-Yves est un couillon qui ne comprend rien à rien. Elle appelle Lavil, une autre grande maison dans laquelle elle a déposé son «torchon» il y a déjà un mois et demi. Le «Soleil Rose» a été soumis au comité de lecture le 27 septembre et la standardiste ne peut rien dire d’autre. Il faut attendre, attendre encore, mais c’est l’espoir qui stimule Vic. Et la bouchère se croit maligne : — Alors, ce livre ?… Ca avance ?… Idiote de lui en avoir parlé. Si d’ici deux mois, pas de contrat, elle envisagera de changer de boucherie (et c’est dommage, la blonde commerçante a toujours une petite tranche de jambon à offrir aux enfants…) Coup de théâtre ! Vic s’est pointée chez Tallendier, la jeune femme de l’autre fois l’a reçue. Elle n’a pas lu le livre, elle assure juste la publique relation. Coup de théâtre parce que d’emblée, elle dit : — Bon, alors, pour ce qui est du style, y’a rien à vous reprocher. — Quoi ? s’étrangle Victoire. — Pour ce qui est du vocabulaire, de la syntaxe, de la construction des phrases et de l’enchaînement des idées, nous n’avons aucun reproche à vous faire… Vic tombe des nues (cliché). La fille continue : — En revanche, nous n’avons pu accepter le manuscrit, le lecteur a jugé insuffisante la progression de l’intensité dramatique. Trop de redites dans la seconde partie. — Et si je la reprends, cette seconde partie, pourriez-vous de nouveau soumettre mon livre ? — Sans aucun problème. Dès lors, Victoire travaille intensément.
  8. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Philippe commence une politique de réconciliation. Cette nuit, il s’est couché nu et Vic a senti à plusieurs reprises son corps la chercher sous les draps. Ce n’est pas trop tôt si l’on sait que la scène a éclaté la semaine dernière. Parce que monsieur, non content de s’offrir le cinéma avec ses amis, ne voyait pas d’inconvénient à les recevoir d’abord chez lui. Pour Christophe, l’inéluctable, Vic admettait le réflexe mais lorsque Pierre et sa nouvelle Hélène ont appelé pour se joindre à eux, Vic a vu rouge. Elle n’est pas la baby-sitter du médecin macho qui s’évade en goguette ; elle n’est pas la vieille tante bénévole non plus, elle aurait bien aimé participer à la fiesta et Philippe ne réalise pas qu’en l’abandonnant sur le palier, après un verre et le smack conjugal, il risquait de lui gâcher sa soirée pour de bon, les enfants endormis, l’Hélène à croquer et Vic laissée pour compte, cheveux gras et chaussettes en accordéon. Non, pas question… Pas question de jouer à l’épouse conciliante, va rigoler dehors, bonhomme, mais ne m’impose pas le spectacle !… Vic s’est donc révoltée et Vic s’est pris une grande claque dans la figure. Philippe n’est finalement pas sorti, le gentil couple est sagement resté à la maison, Philippe avec sa honte et Vic l’oreille en feu. Le jour-même, férié, la famille Lévy s’en était allée promener. Chez Mac Donalds puisqu’avec les enfants, on peut y déjeuner tranquille. Sur le trajet, Philippe s’était permis quelques confidences grivoises. Son «humour» de mari comblé, de père comblé, de médecin comblé : il avait avoué, en passant devant la Closerie et sur le ton de la confidence, qu’il y invitait ses petites externes, qu’il y branchait à l’occasion la patronne, qui ne s’offusquait pas, la garce, et dans la foulée, il avait cité l’Hélène, bandante et bien galbée, et fine et drôle, et il avait conclu : «Toi, tu as vu la gueule que t’as…» Vic avait sa gueule habituelle. Par manque de temps —parce que Philippe a la fâcheuse manie de remuer son monde à la dernière seconde— elle avait fait l’impasse sur les rouleaux, le masque et le vernis à ongle. Donc elle ne répond pas, elle sait qu’elle est jolie, même à peine maquillée, si lui ne le voit plus, c’est qu’il le fait expres… C’est pourquoi, ce jeudi soir férié, explose-t-elle. Parce qu’elle le trouve gonflé, à force. Parce qu’elle souffre de l’entendre ainsi cracher dans la soupe, et qu’il débarque à l’improviste chez l’Hélène, et qu’il la saute, le cheveux gras et la chaussette en accordéon, une bonne fois pour toutes !… Et elle se prend sa grande claque sur l’oreille. Ce n’est pas la première. Ce ne sera pas la dernière.
  9. Ils sont super marrants !!!! Merci Emi !
  10. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Il y a des jours où le cœur s’arrêterait volontiers de battre. Mais le cœur ne décide pas. Et c’est tant mieux, s’il y a des enfants.
  11. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Madame, Notre comité de lecture a pris connaissance du manuscrit que vous avez bien voulu nous envoyer. Il ne nous sera malheureusement pas possible de le retenir pour nos prochaines publications. Les qualités littéraires de votre ouvrage ne correspondent en effet pas à nos critères de selection. Tapée le 22 octobre. Reçue le 25 au matin. Victoire nécrivait plus parce que même prévenue, elle a souffert. Gontran : non ; Bellefontaine : non ; Tallendier : non… Elle commence à s’inquiéter. Le professionnel a donc raison : moins d’adverbes, moins d’adjectifs, moins de clichés, moins de grossièretés, Victoire se corrige. Pour son frère Maxime, le refus de Tallendier serait dû aux fautes de syntaxe, concordance de temps etc… (pourtant il y en a peu), mais surtout au cul. Et en poussant plus loin, pas à l’abondance des scènes de cul, mais à leur maladresse. A entendre par maladresse : banalité et vulgarité. Pourtant, si Victoire ne touche pas à la trame, pour le satisfaire, il suffirait qu’elle enlève quelques mots : «limais, dégoulinante, sexe dans sa bouche, ses trois trous… » Elle ne peut s’y résoudre. Elle n’est pas convaincue qu’un livre puisse être refusé pour ça et elle aime parler de sexe comme ça. Ces passages-là avaient été rédigés pour Philippe, sinon il aurait décroché. Et puis Vic a envie de faire du bruit, de choquer, de casser la baraque. Elle souhaite une célébrité brutale, immense, nauséabonde, elle a envie de puer le souffre, d’engendrer la polémique : — Moi je trouve qu’elle parle très mal de cul. — Ce n’est pas vrai : elle appelle un chat un chat. — Une chatte une chatte, voudrais-tu dire. — Oui, mais c’est bien vu… Excitant même. — Tu trouves ? Moi ça me donne envie de vomir. Elle aurait écrit : «Je chie et je m’essuie», ça m’aurait fait le même effet… — Vous discutez de quoi ? — Du bouquin «Le soleil Rose», de Victoire Lévy. — Et alors ? — Alors je n’ai pas pu finir tant sa façon de parler de sexe m’indispose. — Je ne suis pas d’accord, moi j’ai trouvé ça bien. Courageux, même. — «Le soleil Rose» tu dis ? Tu pourrais me le filer ?… Voilà, elle a envie qu’on parle d’elle. Tout le monde. En fait, elle n’est plus sûre d’y croire encore. Editée, c’est bien joli, mais pour passer une fois à «Ex-Libris» et rester dans l’anonymat le plus total, vendre 4500 exemplaires (un centième de son pied-à-terre en Espagne) et avouer plus tard à ses petits-enfants : «Quand elle avait votre âge, mamy a écrit un roman… Si, si…» — Et qu’est-il devenu ? — Pas grand-chose… Et avec un clin d’œil : «Il ne s’est pas très bien vendu…» Autant n’avoir rien fait. David babille devant la glace. Il s’amuse à poser le carnet d’adresses grand ouvert sur sa tête, comme un chapeau, et se regarde en répétant : «A ya ya ya, A ya ya ya, pfi, A ya ya ya…» et il rigole, devant le petit monstre qui fait pareil de l’autre côté. Nico joue dans sa chambre. Actuellement, il éprouve une passion démesurée pour les motos. Une fois par mois, maman l’emmène au Prisunic en acheter une. Il en a maintenant quatre mais a déjà perdu trois guidons et a oublié à l’école la verte, sa préférée. «C’est pas gave, c’est pas gave…» commente-t-il invariablement. Qu’il renverse son assiette pleine de nouilles ou qu’il s’oublie dans sa culotte, il prononce, maladroitement, la phrase rituelle, et maman ne gronde pas, puisque ce n’est pas grave, n’est ce pas ? David a posé sa main sur le cahier de Vic. Il veut attraper son stylo, un Mont Blanc que Philippe lui a offert pour Noël l’an passé : «Man ?… Bababa… Bababa.» Il se saisit des lunettes sur la table de nuit, les chausse : «Cocou Cocou !» dit-il au p’tit bonhomme qui le regarde dans le miroir. Puis il les jette sur le lit «Ra !», s’attaque au téléphone «Mm Mm Ya Ya Ya Ta !» Un petit trou derrière, il y glisse son index droit, recule, puis y glisse le gauche, déçu. Il s’assied au bord du lit, soupire, attrape son biberon vide, le secoue, le jette par terre : «Bar, bar, bar, Caco, caco…» Vic se lève lui donner à boire.
  12. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Marie-Florence est infirmière et par un curieux hasard, elle écrit elle aussi. Par un hasard plus curieux encore, elle vit avec le fils Bellefontaine, des éditions Bellefontaine. Marie-Florence est une jolie black, menue, à la voix douce et aux gestes gracieux. Elle a invité Vic à dîner un soir, pour qu’elle présente à son «ami» un exemplaire de son roman. Il est de bon conseil et il pourra l’aider. Trop heureuse de l’aubaine, Vic a immédiatement accepté. Elle n’est rentrée qu’à deux heures du matin et Philippe a filé se coucher aussi sec. Il n’a rien voulu entendre du compte-rendu de sa femme. D’ailleurs, depuis qu’elle s’est mis dans la tête de publier, il est insupportable. Il planche sa thèse dans son coin, ne rentre plus qu’un soir sur deux. Sa thèse qui est unique au monde, qui va paraître dans le «Radiologic journal of…» Le lendemain, à table, Vic n’est pas très loquace. Philippe se croit permis d’ironiser : — Ca y est : tu vas nous faire la gueule pendant quinze jours !… — Pas du tout, répond-elle vivement, je n’ai pas de raison de m’inquiéter : tu réalises ? J’ai déjà trouvé l’éditeur ! — Je te ferai remarquer qu’il ne t’a pas dit qu’il prendrait ton livre. — Il veut que je le corrige ; il a raison, c’est pas sorcier de corriger. — Même si tu le corriges… Tu lui as posé la question texto : «Me le prenez-vous si je le corrige ?» — Non. — Tu aurais dû : c’est la seule chose à savoir. Pas la peine de te casser le cul pour lui s’il n’a pas l’intention de te publier… — Mais il a raison ! Sous cette forme, ce bouquin est un torchon ! Il faut absolument le reprendre. — Aucune chance. — Comment ça aucune chance ? — On ne s’improvise pas écrivain du jour au lendemain. — Mais j’ai TOUJOURS écrit ! — … — Tu veux dire que ça ne marchera pas ? — Non. — Eh bien d’accord ! Bravo ! Moi, j’y crois encore ; c’est juste une affaire de corrections … — Mais s’il t’a dit que l’histoire était bonne pour te faire plaisir ?… S’il le trouve archinul, ton truc ?… — Il n’est pas archinul. — Bof. — Ah bon ? Tu le trouves nul maintenant ? — En tous cas, personne n’en veut. — C’est dingue ça !!! «Personne n’en veut» alors que lui seulement m’a répondu !… Tu exagères !!! Tu dis : «Qu’est ce qu'il te prend de vouloir faire du littéraire ?» Tu dis : «Il faut savoir si tu veux signer un best-seller ou entrer dans la postérité»… Tu dis : «Frédéric Dard utilise un maximum d’expressions populaires et t’as vu à combien il vend ?»… Alors, que me conseilles-tu au juste ? — Essaie de publier ton livre tel qu’il est écrit et rappelle le mec pour connaître ses vraies intentions. Philippe ne veut pas que Victoire s’y remette parce qu’il a peur de ne pas pouvoir finir sa thèse tranquille.
  13. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Paris, le 9 octobre 1990 Madame, Deux lecteurs de notre maison ont lu le manuscrit que vous avez bien voulu nous adresser. Ils n’ont pas cru devoir nous en recommander la publication, votre texte se situant trop loin, selon eux, de ce que nous cherchons dans le domaine du romanesque. A partir de là, nous n’aurions pu que mal le défendre, l’engagement de tout un comité étant la condition d’un possible succès. Avec nos regrets de ne pouvoir répondre à votre attente et en vous souhaitant bonne chance chez un confrère, nous vous prions de croire, Madame, à nos sentiments les meilleurs et bien attentifs. Vic reçoit son manuscrit accompagné de la lettre huit jours après avoir déposé le colis aux éditions Gontran. Huit jours, elle se rassure, ils ne l’ont pas ouvert… Et elle n’avait pas envie de paraître chez Gontran.
  14. kti

    perroquets perdus

    Salut à toi Nicole ! Cette histoire est terrible et je comprends l'abattement de ta copine Domi. Mais il faut qu'elle reste forte afin de tout mettre en œuvre. Je crois perso qu'on peut retrouver un oiseau perdu, mais comme le dit Fidjy, il faut bouger !!! Du matin au soir se promener, interroger les gens, poser des affiches. Il faudrait donc que Domi remange et sillonne les alentours. Avec une copine ou un ami ou son mari...
  15. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Victoire vient de finir son premier livre. A présent, elle vit avec Philippe dans un appartement splendide, spacieux, ultra moderne, avec des bow Windows en guise de fenêtre. Ils sont tous deux en troisième année d’internat, lui en radiologie, elle en biologie. Ils sont à peu près riches, en tous cas, Philippe effectue des remplacements le samedi et sa femme peut s’offrir le luxe d’une nourrice plein temps. Nico va à l’école et rentre le midi déjeuner avec son frangin David, de vingt mois son cadet et que Philippe n’a pas refusé. L’enfant légal est bien passé et Vic, entre ses trois garçons et dans un relatif confort, peut enfin assouvir son fantasme secret : écrire. Elle a commencé à onze ans. C’est une seconde nature qu’elle aurait aimé exploiter mais ses parents espéraient mieux. Victoire a toujours été première de sa classe et à l’époque du bac, l’avenir passait par les mathématiques. Donc Victoire se résigne, décroche la mention scientifique et s’inscrit en médecine. Elle écrit comme l’on respire sans se douter qu’un jour, à 29 ans, elle écrira pour respirer. Le carcan médical l’étouffe. Son mari reçoit revue sur revue, ne parle plus que de sa carrière : «Le patron m’a promis un poste de chef pour l’année prochaine… Le gosse avait une tumeur frontale… Tu te rends compte : réveillé en pleine nuit pour une rage de dent !!!…» Victoire sublime. Elle s’ennuie à mourir au boulot, elle s’ennuie à mourir le soir, lorsque les enfants couchés, la table débarrassée, Philippe sort «pour se détendre» ou s’enferme dans son bureau pour progresser, tandis qu’elle se reproche son manque d’ambition. Victoire sublime, s’invente des histoires, se procure une machine, les tape et en septembre 90, se lance dans la tournée des éditeurs. Elle a enfin fini son vrai vrai premier livre. Elle est descendue à la cave rechercher ses essais, s’est étonnée, à 29 ans, d’avoir déjà tout un carton d’essais. Elle n’a pas eu le courage de se faire la totale, trop de lignes lui brouillaient la vue, trop d’époques lui semblaient désuètes, en somme, à haute dose, sa prose l’indigestait. Elle commence par Julius Delta et dès son coup de fil, obtient un rendez-vous. Une certaine Germaine le Buisson répond : «Passez me voir, un après-midi entre 14 et 18 heures, je vous prendrai entre deux entretiens.» Une voix posée, bienveillante, très distinguée, celle d’une femme de la cinquantaine qui semble connaître le métier. Victoire ne se fait pas prier, se pointe à heure non dite au rendez-vous cadeau. — Si vous voulez bien me suivre, propose la voix en tailleur style Chanel et qui découvre Vic, toute petite enfoncée jusqu’aux genoux dans l’un des confortables fauteuils de l’entrée. Vic se bénit d’avoir chaussé ses perles. L’instant est mémorable et le hall imposant. L’entrevue dure 25 minutes. Victoire se présente, médecin patati, vocation contrariée patata, revanche, revanche… Au final, madame le Buisson lui lance : «Vous êtes croyante, n’est-ce-pas ? Vic répond oui pourquoi. — Parce que depuis votre arrivée, depuis que vous me parlez de votre livre, c’est votre foi qui transparaît… — C’est vrai, d’ailleurs, j’ai failli citer Dieu page 99, voyons… Quand Martin apprend… Attendez… Elle veut trouver la page mais elle sent la bienveillance du regard cesser de la caresser. Elle n’insiste pas : — J’avais une jolie histoire à raconter sur Dieu, mais ce sera pour le tome deux. — Comment voulez-vous raconter la suite si votre héroïne est morte ? — Ah non !!! Elle n’est pas morte ! Elle s’est suicidée mais elle n’est pas morte !!! La femme lui prend le livre avec beaucoup de respect : «Nous vous communiquerons la décision de notre comité de lecture sous deux mois.» Vic serre sa main très fort. Elle est confiante. En sortant, elle fonce chez Tallendier. Elle a été prévenue par téléphone : «Dans notre Maison, nous n’accordons pas d’entretiens privés.» Mais Vic est audacieuse, pire, elle ne craint rien, ni la honte, ni les coups, ni le mutisme de la porte cochère. Sans rendez-vous, elle frôle pourtant l’inconvenance : «Pourriez-vous m’adresser au responsable de l’édition ?» — C’est à quel sujet ? répond la standardiste au regard de poisson. — A propos de CA, annonce l’effrontée, désignant l’exemplaire jusque là serré sur son ventre. — C’est un manuscrit à déposer ? — Oui, c’est à déposer… Mais ce n’est pas un manuscrit, c’est bien plus précieux qu’un manuscrit, c’est un BEST-SELLER ! La fille, ébranlée, balbutie : — Mademoiselle, dans notre Maison, nous n’accordons pas d’entretien privé. — Ah bon ! Dommage ! Parce que je viens de rencontrer madame Julius Delta, et elle m’a pris le livre, et elle va certainement me proposer un contrat, et je vais accepter, alors que c’est chez Tallendier que je veux publier et pas ailleurs ! La fille est médusée : — Bon, écoutez, je vais voir ce que je peux faire… Et elle s’éclipse. Victoire prend l’air j’m’en fiche en attendant. Puis une petite jeune femme se poste devant elle. Elle lui répète qu’ici, on n’accorde pas de rendez-vous privé, mais elle écoute la pub, poliment, feuillette quelques pages puis repart avec le chef-d’œuvre. Vic s’offre un verre à l’Escurial. Elle est déjà célèbre. Riche, aimée et célèbre.
  16. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Maman ne dramatise pas. Attend son heure. Lorsque papa reviendra pour de bon, les angles s’arrondiront. Puisque ces deux-là s’aiment, n’est-ce pas ? Et l’Amour est miraculeux, n’est-ce pas ?
  17. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    L’exagération familiale atteint son paroxysme lors du voyage de noce. Dès lors, le fossé ne cessera de se creuser entre Victoire et la Smala. La jeune mariée tient à sa lune de miel. Avec un seul salaire, puisque Philippe est encore seconde classe, les Bahamas sont inenvisageables. Aussi Victoire accepte-t-elle de bon cœur la proposition de Julien, le frère cadet de Phil : partager la centaine d’hectares d’une propriété Corse. Les deux villas, indépendantes, respecteront l’intimité des deux jeunes couples, les deux enfants, Nicolas et Sarah, pourront jouer ensemble. Victoire admire la bonhomie de Julien, envie la nonchalance d’Isabelle. Aussi blonde que Vic est brune, Isabelle fume aussi et ne refuse pas l’apéritif. C’est une rescapée aussi. Une goy qui a vécu sa grossesse dans le silence. Au point qu’enceinte, Vic ne se doutait pas que son Nico hériterait bientôt d’une cousine. L’ostracisme crée des liens. Et Vic est reconnaissante à Isabelle, l’arrivée de Sarah, apprise par tous le jour de la naissance, a quelque peu distrait les beaux parents. Donc Victoire est heureuse. Les montagnes grises du cap Corse, le vent marin, le pastis et le basilic, les gazouillis des deux bébés, le chuchotement de la cocotte-minute, la fraîcheur des soirées de septembre, la nuitée qui tombe d’un coup, tandis que le désir s’aiguise, l’ensemble est harmonieux, sensuel, magnifique. Pour la première fois, Victoire partage la vie de Philippe. Et curieusement, tandis qu’ils n’ont plus le moindre souci, et malgré le décor enchanteur, leurs deux humeurs ne coincident pas. Comme si décalées. Philippe reproche en permanence. Les cigarettes, l’éducation de Nico… Il juge sa femme trop sévère, il découvre son fils et revendique ses droits de père. De père gâteau, et Victoire n’approuve pas. Il la traite de «vipère aux poings», elle le trouve laxiste. Craint qu’il ne sabote son patient travail, effectué en solo jusqu’à présent. Elle est sévère, peut-être, mais son fiston ne touche pas aux prises, n’avale pas les cailloux, ne se blesse pas, mange et dort à la demande. Nicolas n’est pas chiant, elle s’est donné du mal pour qu’il en soit ainsi et refuse les critiques. Philippe se sent exclu et Victoire lui rappelle sa faute : Charles l’avait pistonné, s’était bougé pour qu’il effectue son service à Paris, dans l’enceinte du Val-de-Grace. Il n’avait qu’à bien se tenir pendant ses classes, elle ne l’avait pas poussé à frapper ces deux types, à investir leur caisse, à dégobiller dedans, à lever la main sur les forces de l’ordre appelées à la rescousse. Lui profite du tabac et la traite de toxico. Il profite du pastis et la traite d’alcoolo, et ils repartent sur Nico, et la bévue de l’armée, et n’en finissent pas, ne se retrouvent pas. Puis Philippe regrette, et Victoire se flagelle, allume une é-nième cigarette, dévore Françoise Dolto, se rassure comme elle peut. Vipère aux poings, vipère aux poings… Où est ENCORE l’erreur ?… Julien a invité l’autre frangin, l’aîné, qui débarque au quatrième jour avec sa femme Sophie. Simon, Sophie, profitent, l’espace d’un long week-end, puis repartent. Sophie est adorable mais Simon joue le pacha. Les femmes cuisinent, s’occupent des enfants, dressent puis débarrassent la table. Simon pinaille, parce qu’il manque un rien de sel, parce que le soleil chauffe, ou qu’il ne chauffe pas. Un soir, au crépuscule, Victoire croit rêver. N’a-t-elle pas surpris Samuel dans le garage ?… Non, ce n’est pas possible !!! Elle s’est rendue malade et Philippe a raison : réduire le pastis !… Pourtant, quelques minutes plus tard, c’est la voix de Rachel qu’elle entend de loin. La voix de Rachel dans l’autre villa, celle de Julien. Les beaux’p viennent d’arriver, dans une voiture de location qu’ils rendront le lendemain, les beaux’p s’installent pour huit jours !!! Vic n’a pas le souvenir de les avoir conviés. Julien, en aparté, avouera que lui non plus n’a pas lancé l’invitation. Non, non, ils sont venus sur les conseils avisés de Simon, et grâce à l’itinéraire de Simon : Vous verrez, il fait beau et le jardin est grand, et la grande maison accueillante… Patatras ! Adieu sensualité, pastis et basilic, madame belle-mère se pose là, avec ses brioches, confectionnées pour les bébés, les bébés uniquement, «ses» bébés qui lui manquaient tant !… Avec son épaule d’agneau, et sa suprématie, et sa pâte à pizza, et ses et ti et ses ta… «Mon fils, tu es palôt, profites-tu du soleil ?»… «Isa, vous devriez changer Sarah»… Monsieur beau-père n’hésite pas non plus : «L’apéro ?… A midi ?… Déjà ?…» Voilà, voilà, Victoire est reléguée dans la petite maison. Les festivités jusque tard le soir se déroulent de l’autre côté. La famille Lévy s’est retrouvée et Vic n’a plus le droit de l’ouvrir. Surveille le dodo de son fils dès la tombée du jour, tandis que son mari déguste le dernier café avec les siens, dans l’autre villa, à quelques mètres mais si loin… Et Vic essuie les scènes, parce qu’elle ne marche pas et qu’elle doit se plier. Se prend quelques raclées aussi. Si elle n’est pas contente, qu’elle vire, mais Nico restera !… Madame belle-mère a gagné. Lorsqu’ils repartent, les deux époux ne se regardent même plus, ne se battent même plus.
  18. Et pour Simon, je l'ai prévenu. Le moindre mot qui ne me convient pas : la porte ! Je vends mon appart (450 000 euros) Et je m'installe dans le midi avec Marie. POINT BARRE (Sujet clos)
  19. kti

    perroquet perdu

    Salut ma grande !! Bonjour à toi !! Je ne sais si on le retrouvera mais c'est bien que t'en parles ! Kiss kiss
  20. Fidjy, tu peux clore le sujet Mon oiseau Calypso vole et très très bien. Il évite tous les meubles et les miroirs et les fenêtres. Pépita est gracieuse, chieuse, mais gracieuse et on s'en fout qu'elle nous attaque. On se moque de ses petits coups de bec. On se marre et ça doit l'étonner. Elle attaque en répétant coin coin coin coin, et nous (Marie et moi) on répond en lui disant que c'est la plus belle. Elle se retrouve comme un c... avec le bec ouvert. J'adore mes deux oiseaux. Calypso est géant de gentillesse. Il boit mes larmes. Pépita deviendra très gentille aussi. J'en doute pas. Oui, ces oiseaux, c'est rien que du bonheur. J'suis épatée !
  21. Ne sois pas désolée Dada Ton petit mot me fait chaud au coeur. Quelque chose s'est brisé en moi et il faut respecter ma douleur. Fidjy souhaite qu'on en parle plus et il a raison. J'ai donc ouvert un topic sur Perroquet café... Car Il faut remettre l'histoire dans son contexte. J'espère que Simon va se calmer. Je devrais pas le dire ici mais j'ai les j'tons.
  22. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Il y a des individus qu’il ne faut pas croiser, et des sourires auxquels il ne faut pas répondre, et des cœurs enflammés qui mentent, et des enfants qui pleurent.
  23. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Nico gambade dans sa tenue de fête. A quelques jours du mariage de ses parents, une douce euphorie règne dans le deux pièces du square de l’Aveyron. Nico marche déjà mais il n’aura pas le plaisir de suivre le cortège en tenant la traîne de maman. Maman n’a pas de traîne. Elle s’est permis le blanc de justesse, depuis quatre ans qu’elle couche avec le père. Le blanc avec des pois, les pois comme des taches, celles des déceptions déjà subies, celles des amours passées entre les bras d’autres garçons, avant, taches prémonitoires d’une union constellée d’embûches. Et puis ce mariage-là ne sera que civil, puisque papa est juif et maman catholique. Le jour J, Victoire est magnifique. Elle compte ses jupons, elle s’est cousue la veille une jarretière qu’elle a coincée sur l’une de ses cuisses nues. Elle mets son cœur à jouer le jeu. Philippe l’attend dans sa banlieue, avec le petit et le reste des invités. La fête s’est organisée dans la plus stricte intimité. La mère de Vic, Zina, aurait voulu un grand mariage, pour son unique fille, avec buffet de marque sous les lampions, avec de petites tables nappées de blanc posées ici et là, dans le jardin de Fontainebleau, elle voyait les époux arriver en calèche, elle aurait invité son oncle d’Amérique et sa tante d’Australie… Zina aurait voulu offrir à Vic le fastueux mariage auquel elle-même n’avait eu droit, faute de moyens. Les moyens, son mari Charles à présent les avait. Haut fonctionnaire, il n’aurait pas lésiné pour combler fille et femme mais la belle-famille n’avait pas les mêmes ambitions : «Vous comprenez, ma belle, Philippe va bientôt s’installer et nous devrons l’aider… Vous comprenez ma belle, le petit est déjà si grand…» Vous comprendrez, ma belle, nous ne souhaitons pas ce mariage. Vic à présent trépigne. Elle doit passer devant le maire à 15 heure 15, à trois quart d’heure d’ici. Comme le veut la coutume, c’est son père Charles qui a prévu de l’y conduire. Et Charles, à 14 heures, n’a pas encore donné signe de vie. Elle est fin prête, discrètement maquillée, délicatement hâlée grâce aux cinq séances d’UV des cinq jours précédents, elle attend, et guète la BMV de son balcon, et passe, repasse, devant le miroir du salon, et joue de ses jupons dans lesquels maintenant elle transpire. A 14 heure 15, le téléphone sonne. Charles est au bout du fil, contrit : — Ta mère n’est pas encore à la maison et nous devions venir ensemble… Je fais quoi, moi, maintenant ?… — Mais tu rigoles !… Tu viens, avec ou sans maman, tu viens !… Tu te rends compte de l’heure ?… — Je sais, je sais… Mais elle va devenir folle si je ne l’attends pas… — Papa, je t’en supplie… Je me marie dans une heure, et au fin fond de Montmorency !… Papa, c’est de mon mariage dont il s’agit !… — Bon, répond Charles la mort dans l’âme. Lorsqu’elle ouvre la porte, 25 minutes plus tard, son père est blanc comme un linceul. Il ne jette pas même un regard sur la robe à pois bleus qu’il a pourtant offert. Il répète et répète : «Et ta mère ?… Bon Dieu où est ta mère ?… Vic lui noue sa cravate. Son père a fière allure, ainsi costumé et elle serait la plus heureuse des filles s’il n’y avait encore, encore et toujours, l’ombre noire de Zina entre elle et lui. Ils arrivent en retard, bien entendu. Dans le jardin de la mairie, où Philippe l’accueille avec des yeux brillants de gourmandise, Vic cherche en vain sa mère. Bisous, félicitations, Nico passe de bras en bras : — C’est fou ce qu’elle ressemble à Zina, tu ne trouves pas Henri ? Huguette, la belle-sœur de Charles, ainsi que son mari, ainsi que l’autre frère Roger, congratulent gentiment. Vic se réchauffe de leur présence, seuls membres de sa famille à s’être déplacés, malgré la contre-publicité de Zina : «Ma fille se marie samedi, mais dans l’intimité, vous savez, trois petits fours de rien, une formalité en somme…» Une formalité, un oui, un échange d’anneaux, la promesse de l’éternité et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… Vic en ce jour fastueux a été présentée au dernier des derniers de la famille Lévy. Sa mère est arrivée tandis qu’elle descendait les marches de la mairie. Son vrai mariage, Vic le toaste le soir-même. Depuis deux ans qu’elle coiffe Sainte Catherine, et puisque Dieu ne sera pas convié, elle a joué sur l’amoureuse démesure et compté sur sa quelque centaine d’amis. Charles a gentiment accepté de financer la «boum» et rien n’a été laissé au hasard, dans cette cave des bords de Seine, sous les fausses allures de bonne franquette. Disk-Jokey, vestiaire, cramoisi des tentures et rococo des luminaires de la salle du rez de chaussée. Humidité ruisselante, résonance des décibles, araignées centenaires au sous-sol… Jusqu’aux faire-parts dessinés de la main de la future mariée, jusqu’aux jattes de Blue Lagon, d’époque, qui donnent un goût intemporel au breuvage décisif, confectionné, testé et retesté par Phil, et servi à la louche par un extra exprès. Jusqu’aux gerbes odorantes et blanches, coincées entre les trous des lourds pavés des murs. La fête bat son plein. Les uns dansent en bas, tandis que d’autres plus placides se rencontrent et discutent en haut. Charles et la belle rebelle Zina se trémoussent aussi, sous les yeux affectueux de leur fille comblée. De petites logettes, creusées à même la pierre, protègent les couples avides de baisers, ou les groupes de six, comme celui des amis de Phil. Ils sont cent à féliciter la mariée, six à réconforter l’élu. L’élu qui s’en était allé passer la nuit dehors, la veille et puisqu’il le fallait, enterrer sa vie de garçon. L’élu qui s’enfuyait soudain, au beau milieu du plein, dans les méandres des rues alentours, à la poursuite de son inconditionnel Christophe, lui-même aux basques de son aimée Sophie. Mal aimée sans nul doute puisqu’elle se tuera peu après. Six mois plus tard pour être exacte. Ils exagèrent, cette nuit-là. Les trois fugueurs doivent crier trop fort, dans les rues alentours, car Phil revient quelques instants plus tard trempé de flotte. Un seau d’eau lui est tombé dessus, une voisine, réveillée en sursaut, a aspergé le jeune marié, et Vic, lorsqu’elle croise la chemise collée aux os, chasse d’une pensée rigolote le présage pourtant sombre. D’autant qu’un invité se gausse. Se fout de leur gueule pour parler clair. Un autre se roule par terre. Fin saoûl, il s’est vautré de fille en fille et la soirée durant s’est épanché sur toutes les épaules. Vaguement gênant, telle la mouche des cabinets, telle la guêpe du pique-nique. Une espèce de rabat-joie, inconnu des époux, entré là par hasard, peut-être avec Guillain, un bruit de fond vaguement assourdi, qui tarabuste mais qu’on écoute pas. A la fin, ne restent plus que huit convives. Les mariés exténués vident les cendriers et ramassent les cadavres de vodka. La mouche est encore là et s’agite davantage, se refuse à quitter les lieux. Victoire la prie de sortir, si elle n’aide pas pour le rangement. L’inconnu s’empare d’une bouteille de Coke, la secoue et la dégueule sur le tapis persan. Guillain s’excuse, excuse le trouble-fête, l’emporte sous son aile à l’extérieur. Mais l’autre s’attaque à la porte fermée, cogne dedans, tandis que l’insulte suprême fuse : — Bande de sales Juifs !!! Z’avez pas honte ???… Evidemment, vous n’avez JAMAIS honte !!!… Tout ce fric, tout ce fric !!!… Ca vous empêche pas de pioncer ?… Mais non ! On pionce, on pionce, pendant que d’autres crèvent !!!… Normal qu’on vous ait tous gazés… Pas étonnant !!! Tous à la chambre, TOUS !!! » Victoire blêmit. Souffre à son paroxysme. Madame Lévy reste muette, soudain brutalement dessaoulée, soudain désenchantée, regarde son récent mari, le Juif que l’on insulte, et c’est l’un de ses corréligionnaires qui se permet l’affront, et elle le prend deux fois en pleine figure : un coup sur la joue juive, et elle tend la joue goy… Philippe bondit, ouvre la porte d’un coup. L’insolent détale effrayé, le mari à ses trousses. Croq en jambes et l’ivrogne s’écroule sur le macadam. Vic arrive au moment où Philippe l’achève, à grands coups de lattes dans le bide. De grands coups de lattes venus du fond de l’histoire, celle de l’intolérance et de la revanche. Victoire dans ses jupons brillants s’interpose de son mieux, tire les bras du mari, supplie : — Arrête !… Arrête !… TU VAS LE TUER !!! Les larmes aux yeux et dans sa jolie robe à taches, elle se place au milieu, entre les lattes et le bide, méprise les unes comme l’autre, non, elle ne méprise pas, ne comprend pas, si, elle comprend. Trop tard. La mouche est écrasée par terre. Et elle mariée à vie. Victoire ne passe pas sa nuit de noces entre les bras du jeune époux. Au retour, il lui a refusé le sandwich au rosbeef de ses rêves affamés du matin. Et le rosbeef est un prétexte.
  24. kti

    LA NUIT DE LA HONTE par Kti

    Pour son second, David, Vic refuse le rabbin. Circoncision américaine, à la maternité, sans protocole et sans douleur. Philippe se venge. Reconnaît son enfant sous le prénom de David, en omettant, parce qu’il a «oublié», le Pierre et le Pascal qui devaient suivre. Victoire répare, supplie la préposée, David aura ses trois prénoms, comme son frère, mais de justesse. Philippe parlera longtemps de trahison. Les deux enfants n’auront pas le même zizi. — Allo ? C’est Phil… dit une voix étranglée que Vic ne reconnaît pas. — Allo chéri ?… s’inquiète-t-elle. — Bon. J’ai fait une connerie. Je suis au trou. Je ne viens plus… Et je n’ai droit qu’à un coup de fil… Victoire, préviens ma mère, je ne rentrerai pas pour les fêtes… — Mais qu’est-ce que tu racontes ? — Je suis au trou, j’te dis… J’ai fait une connerie… Ils comptent m’envoyer en Allemagne et je passe demain devant le tribunal militaire. — Le tribunal ?… L’Allemagne ?… Mais que dis-tu ??? — Je t’expliquerai, plus tard… Ils m’ont coincé et je dois raccrocher… Victoire, je t’en supplie, appelle ma mère… — Mais nous ?… Et nous ?… Et Nicolas ?… — … — Mais tu m’avais juré… — Je sais, je sais… Je t’en prie, ne m’accable pas. — … — Je t’écrirai… Victoire n’accable pas mais quelque chose se casse. Comme un fil trop tendu qui claque.
  25. J'avoue que l'oiseau Coco vient pas souvent Mais il y est !!!! (c'était mon seul ami)
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