1- Notions essentielles
Un cours d’eau érode, transporte et dépose des sédiments. Ce faisant, il sculpte son lit au gré des crues et des étiages. On caractérise son fonctionnement selon quatre dimensions :
- La dimension longitudinale qui caractérise les flux de l’amont vers l’aval ; flux liquide et transport solide.
- La dimension latérale qui caractérise le cours d’eau au sein de son lit majeur et sa capacité à y déplacer son lit mineur.
- La dimension verticale qui caractérise les échanges entre les milieux superficiels et souterrains, les dépôts et les reprises de sédiments sur le fond.
- La dimension temporelle, qui replace les trois premières dimensions dans le temps et permets de « lire » l’évolution de la morphologie d’un cours d’eau au gré des événements morphogènes de son histoire.
Un cours d’eau façonne son lit en fonction de différentes variables. Des variables de contrôle qui vont prédéfinir le style fluvial comme le débit liquide, le débit solide, la pente de la vallée, la capacité de mobilisation du substrat (cohésion, nature géologique, couverture végétale du bassin versant.). En outre il s’adapte aux crues et étiages par des variables de réponse (ou d’ajustement) comme la géométrie de son lit (largeur, profondeur, pente du fond, amplitude et longueur d’onde des sinuosités), la taille des sédiments transportés et la vitesse du courant.
L’eau ne s’écoule pas de manière linéaire et uniforme de l’amont vers l’aval. Le courant décrit un mouvement hélicoïdal qui a tendance à éroder l’extérieur des sinuosités du cours d’eau et à déposer des sédiments sur l’intérieur. A terme, le lit a tendance à se déplacer vers l’extérieur de la courbe. C’est ce phénomène qui est à l’origine de la divagation des lits en zone de piémont et des recoupements de méandres en zone de plaine, phénomène grandement pourvoyeur de diversité d’habitats (bras morts, noues, lônes, lacs d’oxbow …).
Les berges des cours d’eau sont soumises à de nombreuses contraintes. L’eau et les sédiments transportés usent les berges provoquant des affouillements qui engendrent des effondrements. La pression de l’eau en crue sur les berges sature le sol mais maintient la berge. La décrue peut alors entraîner des glissements de la berge. Ces phénomènes perturbent l’hydraulique du cours d’eau, dirigent les flux vers une berge ou l’autre créant de nouveaux points d’érosion.
Hors période de crue, le cours d’eau effectue un tri granulométrique de son lit, les sédiments qui restent en place entre deux crues morphogènes sont les éléments les plus grossiers du lit. Ils constituent une couche d’armure qui dissipe l’énergie et diversifie les écoulements et les habitats.
Tous cela contribue à la « vie » du cours d’eau, à son apparence jamais définitive, qui évolue au gré de son histoire.
2- Les têtes de bassin en zone de plaine : Cas particulier
Tous les cours d’eau ne naissent pas en montagne ! De nombreux affluents, contributeurs d’hydrosystèmes complexes, voient le jour en zone de plaine. Ils sont caractérisés par une dénivelée très faible entre la source et la confluence, leurs étiages sont très marqués mais leurs bassins versants pouvant être considérables, leurs crues sont conséquentes. Ils obéissent bien évidemment aux lois énumérées en 1- mais leur faible pente et la quasi absence d’alimentation continue en sédiments grossiers issus de l’érosion des massifs montagneux engendrent des particularismes qui méritent attention et réflexion.
En zone de plaine, le cours d’eau installe son lit, décape une partie du sol mobilisable par son énergie et mets à jour des sédiments issus de la décomposition du socle d’un diamètre supérieur à ce qu’il peut transporter. Son lit est donc composé d’une part de sédiments plus fins qu’il transporte, dépose ou reprend au gré des crues et d’autre part de sédiments grossiers qui ne peuvent pas être mobilisés. Ceux ci contribuent à la diversité des écoulements et des habitats. Quand le lit divague, le processus de mise à jour d’éléments grossiers reprend et le décapage permet l’alimentation du transport solide en matériaux plus fins.
L’énergie d’un cours d’eau, donc sa capacité à éroder, divaguer est liée au volume d’eau transporté et à la vitesse du transport. Les faibles pentes des zones de plaine et la situation de tête de bassin ne contribuent pas à favoriser ces variables. Du coup les phénomènes hydromorphologiques y sont très lents. Le style fluvial adopté, contre toute attente, a tendance à être méandreux à l’instar des grands fleuves de plaine.
Cette lenteur influe également sur la capacité de résilience du cours d’eau face à une agression. En effet, c’est l’énergie du cours d’eau qui va lui permettre de retrouver son équilibre dynamique après un curage, un recalibrage ou un rescindement de méandre. A l’échelle humaine, ces cours d’eau n’ont aucune chance de pouvoir retrouver leur gabarit ou de reméandrer par l’érosion et le dépôt. Pour retrouver un profil hydromorphologique cohérent l’intervention humaine est inéluctable.
Les cours d’eau de notre sujet d’étude ont été rectifiés pour être le plus rectiligne possible afin d’optimiser les capacités hydrauliques. Cela a pour effet de priver le cours d’eau de son substrat d’origine, surtout des sédiments grossiers qu’il n’a pas la capacité de transporter. Lorsque le lit est étroit, le cours d’eau retrouve de l’énergie lors des crues mais ne peut mobiliser que le fond de son lit et s’incise jusqu’à couler sur le substratum rocheux érodant celui-ci, phénomène irréversible. Lorsque son lit a été élargi, son énergie est affaiblie et a tendance à ralentir encore plus les vitesses d’écoulement donc d’annihiler toute capacité d’érosion et de transport. Dans un contexte ou l’autre, les seules particules transportées sont des limons et des sables, contributeurs du colmatage du fond et de l’uniformisation des habitats. Quelques désordres morphologiques peuvent ponctuellement être constatés au droit de seuils mal calés élargissant encore plus le lit ou le surcreusant.