J'ai trouvé cet article très intéressant : "Hérédité, races, lignées : influence de la génétique sur le comportement" par le Dr vét. Thierry Bedossa avec le concours du Porf. Jean-françois Courreau.
Je vous poste donc quelques extraits de cet article paru dans Chiens sans Laisse n°190, je trouve ça très intéressant et enrichissant à lire.
"(...) Les travaux de génétique portant sur les caractères de travail et la morphologie du chien sont récents et peu nombreux. Les aptitudes au travail ont généralement suscité des études du fait de leur composante comportementale, mais il est intéressant de constater que, quelques fois, ces études ont été entreprises dans la perspective de rendre plus efficaces les pratiques d'amélioration génétique. La morphologie a peu inspiré la recherche, sans doute, paradoxe apparent, parce que les méthodes de sélection empiriques se sont depuis fort longtemps révélées remarquablement efficaces pour la modeler selon les désirs des éleveurs.
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De leurs travaux sur l'ADN mitochondrial du luop et du chien, Vilà et Al. (1997, 1999) trouvent quatre grandes "ruptures" génétiques entre loups et précurseurs du chien. Ces "ruptures" sont distantes dans le temps et, peut-être, dans l'espace. Elles pourraient signifier que l'origine de l'espèce canine n'est pas unique. Cela serait source de variabilité génétique. Cet apport récent de la génétique moléculaire vient à l'appui des propositions de séparation de l'espèce canine en quelques groupes homogènes. Denis (1997) rapporte trois propositions argumentées :
- celle de Mégnin (1987), fruit des observations d'un cynotechnicien éclairé, qui distingue 4 types morphologiques : lupoïde (loup), bracoïde (braque), molossoïde (molosses), graïoïde (lévrier) ; ces quatre types pourraient correspondre à quatre origines distinctes ;
- celles de Fiennes et Fiennes (1968) [il se peut qu'il y ait une faute de frappe dans l'article Clin d'oeil] qui reconnaît quatre groupes : le groupe "Dingo", demeuré primitif, dérivé de Cani lupu pallipes, sous-espèce moyen-orientale, le groupe "Nordique", composé de septentrionaux primitifs et de chiens évolués comme les chiens de berger, dérivé d'un ancêtre apparenté à Canis lupus pallipes, le groupe "Mastiff", composé de molosses et de chiens de chasse, dérvié de luops asiatiques, notamment de la sous-espèce chinoise Canis lupus chanco.
- celle de Clutton-Brock (1984) qui fait dériver les chiens de 4 sous espèces lupines (sans mention des noms latins) : le loup nord-américain pour les chiens esquimaux et les chiens préhistoriques nord-américains (en co-partition avec le loup chinois), le loups chinois de type asiatique, le loup indien pour le dingo, les chiens parias asiatiques, les lévriers et les molosses (en co-partition avec le loup européen), le loup européen pour les chiens de berger, les chiens de type spitz européen, les terriers et les chiens de chasse (issus secondairement des chiens de berger).
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Une étude sur le long terme (plus de 40 générations !) menée à l'institut de cytologie et génétique (Académie Russe des Sciences) à Novosibirsk, a montré que des renards sélectionnés pour leur "domptabilité" sont devenus non seulement plus dociles et amicaux envers l'homme mais qu'ils ont parallèlement développé un port de queue différent (queue tordue), des oreilles tombantes et une robe différente (taches blanches) (Belyaev 1979).
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Coppinger et Schneider (1995) ont classé les races de chiens en fonction de leur degré de néoténisation (préservation des caractères infantiles de l'espèce). Les races de lignards comme le Corgi ou les primitifs comme le Husky resteraient les plus proches de leurs cousins sauvages. On trouve ensuite les chiens de berger conducteurs comme les Colleys, les chiens "joueurs" comme les hounds, les retrievers et les caniches et en fin de classement les races de chiens qui se comportent comme des adolescents arrivés à l'âge adulte : Saint-Bernard, Komondor, Berger de Maremme, Montagne des Pyrénées. Selon les auteurs, la domestication du chien ne peut se réduire simplement au processus de néoténisation mais il faut prendre en compte le fait que les races sélectionnées exclusivement pour la compagnie comme les chiens de manchon (Chihuahua, Loulou de Poméranie, Cavalier King Charles, bouledogue français) ressemblent et agissent comme des chiots alors que les races de chien de travail et de terrier sont nettement moins néoténisés dans leur apparence et leur comportement.
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"Dans le domaine de résolution de problèmes, la plupart des tests montrent clairement des différences entre races, mais les auteurs soulignent l'importance de l'expérience acquise au fil des tests, des réactions individuelles à la suite d'un échec, des interactions entre des individus ou race et éléments composant l'environnement du test ; ils terminent en posant le problème de la mesure de l' "intelligence" des races, constatant notamment que les 4 races de chasse ont de meilleurs résultats que la race de berger pourtant sélectionnée à l'origine pour réaliser des tâches complexes sur troupeau : l'explication tiendrait à une plus grande motivation des premières pour les épreuves à récompense par une friandise, alors que la dernière "donne l'impression d'attendre de quelqu'un qu'il lui dise ce qu'il faut faire".
Depuis une vingtaine d'années, la plupart des travaux portant sur les différences entre races privilégient les collectes d'informations sur de grands échantillons par rapport aux tests ne touchant qu'un petit nombre d'animaux.
Hart et Hart (1985) ont enquêté auprès de 48 juges de concours d'obéissance et de 48 vétérinaires pour situer 56 races les unes par rapport aux autres selon 13 traits de caractère considérés comme importants par les propriétaires de chiens ; chaque spécialiste devait se limiter à sept races qu'il connaissait particulièrement bien. Une analyse de variance a ensuite été réalisée pour vérifier si les races se distinguent selon les 13 caractères. Elle classe ces caractères selon leur pouvoir de discrimination entre les races appréciées par la valeur de F résultant de l'analyse de la variance. Il découle aussi de l'analyse hiérarchique de groupes (cluster analysis) que la plupart des 13 caractères peuvent se rassembler en trois entités seulement :
- "reactivity" (réactivité, réaction réflexe, réaction instincitve)
- "agression" (tendance à l'agression, tempéramment vindicatif, tendance à la dominance)
- "trainability" (aptitude au dressage, sociabilité).
Hart et Hart (1985) constatent que les juges et les vétérinaires font une différence entre mâles et femelles pour 10 des 13 caractères : les femelles apparaissent notamment plus faciles à dresser, tant pour les règles de vie à la maison que pour l'obéissance, et demandent plus d'affection, tandis que les mâles sont plus joueurs et actifs, sont plus susceptibles d'agresser d'autres chiens ou un enfant, d'avoir des rapports de force avec le propriétaire et de montrer un comportement de défense territoriale. Cependant, on peut se demander quelle est la part d'anthropomorphisme et d'interprétation humaine dans ces analyses.
Enfin, la tendance à l'agression est un caractère que les vétérinaires pathologistes du comportement ont beaucoup étudié dans sa variabilité inter-raciale. Ce caractère est difficile à cerner cependant car les motifs d'agression sont multiples et ont un sens très différent. Borchelt (1983) a distingué les motifs suivants sur 245 cas d'agression étudiés : peur (22%), dominance (20%), protection (17%), possession (17%), intraspécifique (12%), punition (7%), douleur (2%), prédation (1%). La plupart des auteurs s'entendent sur ces motifs auxquels sont fréquemment ajoutées les origines maternelle et territoriale d'agression.
Des différences raciales sont rapportées par Borchelt (1983) : plutôt tendance à l'agression de dominance chez le Dobermann, le Caniche Nain, le Lhassa Apso, le Springer Spaniel, plutôt tendance à l'agression de protection chez les races de travail comme le Berger Allemand, plutôt tendance à l'agression par peur chez le Berger Allemand et le Cocker Spaniel. Le sexe semble influencer la tendance à l'agression : pour Borchelt (1983), les mâles sont plus agressifs que les femelles, les mâles entiers sont plus agressifs que les mâles castrés, et les femelles castrées sont plus agressives que les femelles entières. Hart et Hart (1985) ont remarqué dans leur étude que les races sélectionnées pour la garde (Rottweiler, Dobermann, Berger Allemand, Akita, ...) se situent dans le premier décile pour la défense du territoire. Il leur est apparu que certaines races montrent une plus forte probabilité de donner des animaux dominants vis-à-vis du propriétaire (Fox Terrier, Husky, Lévrier Afghan, Schnauzer nain, Chowchow, Scottish Terrier...) ou agressent plus fréquemment les autres chiens (Scottish Terrier, Schnauzer nain, West Highland White Terrier, Chowchow, Fox Terrier).
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Certains troubles du comportement peuvent apparaître fortement liés à l'hérédité dans la mesure où l'un des deux parents au moins est atteint du même trouble
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L'influence de la génétique sur le comportement du chien, fait évident pour tous les "empiriques", éleveurs et utilisateurs oeuvrant depuis la nuit des temps à élever de bons chiens, a sans doute été injustement sous-estimé ou volontairement ignoré par certains milieux scientifiques. Les travaux relativement récents des généticiens du comportement, des éthologistes, et encore plus récemment de certains vétérinaire cynotechniciens ou comportementalistes, devraient permettre un réajustement salutaire. Nous n'en contestons pas moins une autre évidence : la pratique de sélection la plus répandue en élevage depuis près d'un siècle, notamment pour les races à la mode, vise avant tout à produire de "beaux" sujets et ce, bien souvent, au détriment de la sélection sur les aptitudes comportementales. Au point que certains considèrent même qu'aujourd'hui, il y a plus de variabilité comportementale au sein d'une même race qu'il n'y en a entre races différentes. "
Je tiens à préciser que je pense qu'il y a aussi une forte influence de la mère sur les chiots, surement inconsciemment... ? Il faudrait pour vérifier celà élever par exemple un chiot Berger dès sa naissance avec des chiots & chiens de chasse par exemple... Et je pense qu'il est extrèmement dur de faire la part entre la réelle génétique (des gènes dans les cellules transmis de génération en génération et qui influeraient sur le comportement) et l'apprentissage instinctif transmis par la mère, voir les parents et autres chiens environnant.