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Chapitre 3 "Prédateur et proie"
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Chapitre 1 "préface"
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Marquage a l'eau sucrée sur la croupe
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Marquage a l'eau sucrée sur la croupe
Tnerolf-chuchoteur a répondu à un(e) sujet de love-x3 dans Trucs et Astuces
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Le cheval est domestiqué depuis des millénaires. On estime que nos lointains ancêtres en ont démarré l'élevage dans les vastes plaines herbeuses d'Asie centrale, à la même époque où ils ont commencé à exploiter sa force de travail. Seul le chien nous accompagne depuis aussi longtemps et nous rend d'aussi fiers services. Nous sommes habitués à vois ces animaux ensemble. Lorsque je traverse une région "équestre", il est rare que je tombe sur un pré ou une écurie qui n'ait pas de chien attitré. D'ailleurs, je pose souvent la question lors des conférences que je donne: combien parmi vous possèdent un chien? Plus d'une main se lève. Il s'en lève moins quand je demande combien parmi ces propriétaires ont fait dresser leurs chiens. Il se trouve toujours quelqu'un pour déclarer: "Pas la peine de payer un dresseur pour apprendre à mon chien à faire son travail. Il n'a jamais eu de leçons à prendre pour dormir tout le jour et recevoir son repas." C'est un fait, nous avons tendance à nous montrer moins exigeants vis-à-vis de nos chien que de nos chevaux (et je ne parle pas des chats). Néanmoins, certaines personnes ont du mal à apprendre à leur chien à venir au pied, à rester immobile ou à ne pas mâchonner les fauteuils. Pourtant, les enfants eux-mêmes parviennent à leur apprendre des tours assez complexes. Les chiens semblent faits pour diriger leur attention sur leurs maîtres_ c'est la première condition, et la plus importante, d'un dressage réussi. Alors, puisque les chevaux vivent avec nous depuis aussi longtemps que les chiens, pourquoi a-t-on tant de mal à les dresser? Pour comprendre ce paradoxe, il faut prendre un peu de recul. Et commencer par observer certaines relations fondamentales dans la nature avant de discuter de la relation spécifique homme-cheval. Lorsqu'on procède ainsi, ont distingue un motif récurrent. La nature regorge de relations définies par deux éléments d'apparence antagoniste et qui, en réalité, interagissent sans cesse. Chacun a besoin de l'autre. Chacun se définit en relation à l'autre, et l'étincelle qui les animent provient de la tension et du va-et-vient de leurs énergies respectives entre eux. Songez au jour et à la nuit, aux pôles + et - d'une pile, au masculin et au féminin. Les philosophes asiatiques appellent ce principe "yin et yang", et le tiennent pour un concept si puissant_ et dont l'équilibre est à ce point primordial_ qu'ils l'utilisent pour organiser tout leur univers, de leurs pratiques spirituelles à leur régimes alimentaire. Ce même couple, d'autres l'ont baptisé "dualité". Pour ma part, je préfère parler de "polarité". Les chevaux sont très sensibles à la polarité. Leur mode de réflexion est axé sur les polarités. Aux yeux d'un cheval, vous êtes ceci ou cela, l'un ou l'autre, avec ou contre. "L'entre-deux" ne fait que susciter en lui un stress, et l'animal ne comprend rien au "presque". Existerait-il, alors, une polarité entre eux et nous? Eh bien oui. Nous sommes des prédateurs, eux sont des proies. A l'instar de celle de nos chiens, notre évolution nous a conduits à nous regrouper en "meute" afin de chasser plus efficacement. L'évolution des chevaux les a conduits à se regrouper en troupeaux afin de se protéger les uns les autres. Comme dans le cas du yin et du yang, prédateurs et proies s'opposent et ont en même temps besoin les uns des autres pour vivre comme pour maintenir leurs effectifs à l'équilibre. Voilà pourquoi on se trompe quand on cherche à comparer le dressage d'un chien et celui d'un cheval. Nous pensons comme des chiens. Eux et nous sommes des prédateurs. Ce qui fait sens à nos yeux fait sens aux leurs. Avec les chevaux, cela n'a rien à voir. Pour un humain, comprendre un cheval est bien plus difficile que, pour un homme, comprendre une femme (ou vice versa). Pour vous ouvrir un peu l'esprit au mode de réflexion du cheval, oubliez toute notion de domestication, tout ce qui a trait au contexte familier des écuries et des corrals. Voyez plutôt le cheval comme un cerf. Imaginez que vous tentiez d'équiper ce cerf d'un licol, d'une bride ou d'une selle. Imaginez que vous entriez dans un corral, attrapiez un cerf, grimpiez sur son dos et cherchiez à le maîtriser. C'est exactement ce qui se passe avec le cheval: un prédateur s'efforce de gagner la confiance d'un animal proie. Longtemps avant que nous ayons domestiqué les chevaux et voulus devenir leurs amis_ du moins leurs geôliers bienveillants_, nous les chassions pour les manger. Les premières représentations de ces créatures, sur les parois de grottes italiennes ou françaises, remontent à l'âge de fer: les hommes y sont dépeints en train de ficher des lances dans les flancs des chevaux. Nous avons peut-être oublié ces temps reculés. Les chevaux, non. Les prédateurs_ ce que nous, êtres humains demeurons malgré des siècles de conversion à l'agriculture_ pensent et se comportent de certaines façons. Notre esprit de prédateur est quasi linéaire. Nous braquons notre attention sur une proie, nous nous dirigeons droit sur elle, nous nous concentrons sur cet objectif unique, sans prêter attention à quoi que ce soit d'autre. Dans le fond, nous sommes des chasseurs. Si nous nous concentrons mal, la proie nous échappera, notre survie sera compromise. Il est donc naturel que nous ayons appris à bien nous concentrer. Cette tendance est une composante essentielle de ce que j'appelle la conscience du prédateur. On la voit à l'oeuvre quand on observe un chaton qui chasse une pelote de laine, un joueur de hockey qui fonce vers le but adverse, ou des étudiants qui écoutent un professeur. Tout est une affaire de rétrécissement de l'attention, et de concentration. En revanche, la pensée de la proie, elle, ressemble aux cercles concentriques d'une cible de tir aux fléchettes. Il n'est plus question de concentration mais de conscience générale. Le cheval a en permanence conscience de tout ce qui l'entoure: bruissement des arbres, mouvements d'un animal, bruit étranger. Il passe son temps à évaluer et à interpréter son environnement sur 360°. Il reste ouvert à tout ce qui se passe à proximité car il n'a pas d'autres choix. Et pourquoi? Parce qu'il sait, car son ADN le lui a appris, qu'un prédateur peut surgir de derrière tel ou tel buisson ou rocher à tout instant. Une proie est vulnérable, victime, par essence. Songez au cas d'une femme seule et apeurée dans une ruelle sombre la nuit. Le cheval se trouve en permanence dans la même disposition d'esprit. Notre objectif principal est de tuer. L'objectif principal d'une proie est de ne pas se faire tuer. En résultent deux visions du monde très différentes_ au sens propre. La plupart des prédateurs ont les yeux placés côte à côte sur l'avant de la tête: cette vision stéréoscopique leur permet d'évaluer avec précision la distance qui se trouve devant eux. Les proies, elles, ont les yeux de part et d'autre de la tête afin d'embrasser un périmètre plus important. Malheureusement, la relation de proximité que nous entretenons avec le cheval nous fait oublier les différences qui nous séparent de lui. Une bonne part des problèmes que les gens rencontrent avec leurs chevaux vient de ce qu'eux-mêmes n'ont pas une approche réaliste de la situation. La réaction de base d'un cheval face à un être humain est de fuir. Son ADN le lui commande Il y a plusieurs enseignements à tirer de cet état de fait. Commençons par la vision à 360°: rien n'échappe au cheval; il est d'une sensibilité et d'une réceptivité extraordinaire à tout ce qu'offre la vie. Si la pensée d'un prédateur le pousse dans une direction unique, à l'exclusion de toute distraction, la pensée de la proie se doit d'avoir conscience de son environnement_ de sorte que l'animal soit toujours prêt à parer à toute éventualité. A côté de cela, le cheval doit gérer le quotidien: manger, interagie avec son troupeau, s'occuper des petits. L'animal doit être simultanément en état d'alerte et de relaxation. Être à la fois le ressort replié sur lui-même et le spaghetti trop cuit. Pour expliciter la chose, je vais vous raconter une histoire que j'ai lue il y a très longtemps, mais qui ne m'a pas quitté depuis. La voici, telle que je me la rappelle: Au Japon, ile y a fort longtemps, un jeune homme se rendit dans un Monastère et demanda à l'aîné des moines: "Maître, je désire posséder la sagesse. Accepteriez-vous de me l'enseigner?" Le moine, un dénommé Joshu, prit le jeune homme sous son aile et l'envoya travailler dans le jardin du monastère. Des jours durant, l'élève ne faisait qu'arracher les mauvaises herbes et bêcher la terre. Et ce jusqu'à cet après-midi où, tandis qu'il était penché sur une raie de choux, Joshu s'approcha de lui en silence, sans son dos, et lui administra un violent coup de pied au derrière qui lui fit mordre la poussière. L'élève se releva d'un bond, ahuri, demanda des explications à son maître qui se contenta de poursuivre son chemin sans rien dire. La chose se reproduisit à maintes occasions. L'élève était tout à sa tâche, Joshu se glissait dans son dos et lui faisait faire un vol plané. Peu à peu, l'élève changeait. Sans négliger son travail, il apprit à rester sur ses gardes, prêter attention aux moindres bruits, aux mouvements des ombres. Il affûtais ses sens, aux aguets, toujours prêt à l'action quand bien même il ramassait des carottes par terre. Un jour, il sentit que quelque chose allait se produire et se retourna vivement. Il se trouva face à Joshu qui s'apprêtait à le frapper à nouveau. "Maître, s'écria l'élève. Voilà des semaines que je vis ici et ne fais que travailler et prendre des coups! quand les leçons vont-elles commencer?" Sourire aux lèvres, Joshu lui répondit: "Tu viens d'apprendre la toute première." Moi aussi, il m'a fallu apprendre cette leçon pour pouvoir espérer obtenir quelque chose d'un cheval. Ne vous faites pas d'illusions, vous devrez également en passer par là. C'est la première chose à comprendre lorsqu'on s'intéresse aux chevaux. Le b.a.-ba de la psychologie équine. Mais une fois que j'ai retenu cette leçon, une chose étrange s'est produite. Plus je comprenais la conscience de la proie, plus le prédateur en moi s'effaçait. C'est alors que, peu à peu, ma façon de voir les choses s'est modifiée. Au bout d'un certains temps, non seulement je comprenais mieux les chevaux mais, tel l'élève de Joshu, j'entrevoyais un équilibre d'un genre nouveau à apporter à mon existence. Il est indispensable de comprendre la conscience de la proie car c'est là le mode de pensée du cheval. Mais ce faisant, nous comprendrons d'autres choses_ notamment l'empathie et la patience. Ne perdez pas de vue que nous traitons avec des créatures sauvages qui ont naturellement peur de nous, qui ont le droit d'avoir peur de nous, et que nous les mettrons ensuite en prison. Songez-y la prochaine fois que vous vous retrouverez face à un cheval bien retors qui vous fera sortir de vos gonds à vouloir sans arrêt vous défier. Repensez à l'histoire de la femme seule dans une ruelle sombre, imaginez qu'elle ait à défendre sa peau avec ses poings. Le cheval se voit dans la même situation. Il importe donc de toujours se souvenir que l'animal doit effectuer une métamorphose pour passer du statue de proie apeurée à celui de partenaire confiant. La route sera longue mais, une fois que vous aurez compris cet état de fait et que vous le respecterez, l'empathie viendra tout naturellement. Empathie qui, à son tour, engendrera la patience. Lorsque je donne des cours, les gens me répètent sans cesse que je fais preuve d'une grande patience avec les chevaux. D'où me vient cette patience? Elle vient de ce que je comprends et respecte ces animaux. Il s'agit aussi de faire taire un peu son ego. Souvent, lorsqu'ils ne parviennent pas à se faire obéir d'un cheval, les gens rejettent la faute de leur échec sur ce "stupide" animal. Dans ces cas-là, on s'en veut car on croyait que le dressage se limitait à montrer au cheval qui est le patron. Notre ego nous dit: " Si je ne parviens pas à me faire obéir de lui, je suis un perdant." Il faut au contraire arrêter de croire que le cheval voit et comprend les choses comme nous. Il en est incapable. Nous devons ravaler notre fierté de prédateurs_ comme quand on fait le premier pas après une dispute conjugale_, saisir sa façon de voir et lui parler un langage qu'il comprendra. Une leçon qui serait profitable à plus d'un homme. Je le constate très souvent: le dresseur tout-puissant qui vient mater l'animal sauvage. Mauvaise pioche. La scène représente plutôt un prédateur traquant une proie terrifiée. Je m'en suis très vite aperçu. C'est même de là qu'est né le lien qui m'unit aux chevaux. Lorsque j'entrais dans l'écurie de Longacres, à Seattle, je me rendais compte que ces superbes pur-sang avaient le plus souvent peur. A elles seules, la nature et la présence de leurs maîtres leur donnaient envie de fuir_ mais ils ne le pouvaient pas. Ils étaient en prison, ils le savaient, mais ignoraient la raison de leur incarcération. Quoique puissants et rapides, ces animaux étaient des victimes. Je me reconnaissais en eux. J'entrais en empathie avec ces grandes et puissantes victimes_ me considérant moi-même comme une victime. Malgré ma carrure d'athlète et ma force physique, je passais ma vie à fuir l'humanité. Je ne pense pas être le seul dans ce cas. Pour la plupart, nous savons nous montrer forts à certains moments de l'existence, alors que nous avons également pu être relégués au rang de victimes effrayées et impuissantes. Il est tentant de supprimer ces souvenirs, d'essayer d'oublier ce qui s'est passé, mais cette méthode n'est pas adaptée lorsqu'il s'agit de traiter nos peurs. De même que nous attendons du cheval qu'il oublie sa crainte et s'ouvre à nous, nous devons nous aussi affronter ce qui nous effraie. C e que nous enseignons à un cheval, nous pouvons nous aussi l'assimiler: saisir la conscience de la proie constituera la première étape d'une route qui nous permettra de surmonter notre statut de victimes. La plupart des gens auraient bien besoin de mettre un peu de conscience, d'empathie, de patience et d'humilité dans leur existence. Mais ce ne sera que la première étape. Les choses n'auront que commencé à changer. Lorsqu'on commence à comprendre le mode de pensée d'un cheval, on peut envisager d'influencer ses actes. Pour ce faire, il existe une méthode grâce à laquelle l'animal vous obéira par respect et confiance envers vous, et parce qu'il saura que vous agissez dans son propre intérêt. Si vous tenez réellement à maîtriser votre cheval, vous devez le convaincre que vous lui montrez le bon exemple. C'est ce que nous allons voir. Chapitre 4 "Montrer l'exemple" prochainement
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