Quelqu'un connait-il l'origine de ce conte d'abord repris par Charles Perrault en France 1697 puis par les frères Grimm en allemagne ?
J'ai trouvé cela sur un bouquin intitulé le loup de Claude-Marie Vadrot, il s'agit d'un conte oral Nivernais (pour une version) c'est hard !! :
C'était un femme qui avait fait du pain. Elle dit à sa fille :
– Tu vas porter une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ta grand. Voilà la petite fille partie. À la croisée de deux chemins, elle rencontra le bzou (Par suspertition on ne nomme pas le loup, il est l'inommable) qui lui dit :
– Où vas-tu ?
– Je porte une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ma grand.
– Quel chemin prends-tu ? dit le bzou, celui des aiguilles ou celui des épingles ?
– Celui des aiguilles, dit la petite fille.
– Eh bien ! moi, je prends celui des épingles.
La petite fille s'amusa à ramasser des aiguilles.
Et le bzou arriva chez la Mère grand, la tua, mit de sa viande dans l'arche et une bouteille de sang sur la bassie.
La petite fille arriva, frappa à la porte.
– Pousse la porte, dit le bzou. Elle est barrée avec une paille mouillée.
– Bonjour, ma grand, je vous apporte une époigne toute chaude et une bouteille de lait.
– Mets-les dans l'arche, mon enfant. Prends de la viande qui est dedans et une bouteille de vin qui est sur la bassie.
Suivant qu'elle mangeait, il y avait une petite chatte qui disait :
– Pue !... Salope !... qui mange la chair, qui boit le sang de sa grand.
– Déshabille-toi, mon enfant, dit le bzou, et viens te coucher vers moi.
– Où faut-il mettre mon tablier ?
– Jette-le au feu, mon enfant, tu n'en as plus besoin.
Et pour tous les habits, le corset, la robe, le cotillon, les chausses, elle lui demandait où les mettre. Et le loup répondait : "Jette-les au feu, mon enfant, tu n'en as plus besoin."
Quand elle fut couchée, la petite fille dit :
– Oh, ma grand, que vous êtes poilouse !
– C'est pour mieux me réchauffer, mon enfant !
– Oh ! ma grand, ces grands ongles que vous avez !
– C'est pour mieux me gratter, mon enfant !
– Oh! ma grand, ces grandes épaules que vous avez !
– C'est pour mieux porter mon fagot de bois, mon enfant !
– Oh ! ma grand, ces grandes oreilles que vous avez !
– C'est pour mieux entendre, mon enfant !
– Oh ! ma grand, ces grands trous de nez que vous avez !
– C'est pour mieux priser mon tabac, mon enfant !
– Oh! ma grand, cette grande bouche que vous avez !
– C'est pour mieux te manger, mon enfant !
– Oh! ma grand, que j'ai faim d'aller dehors !
– Fais au lit mon enfant !
– Au non, ma grand, je veux aller dehors.
– Bon, mais pas pour longtemps.
Le bzou lui attacha un fil de laine au pied et la laissa aller.
Quand la petite fut dehors, elle fixa le bout du fil à un prunier de la cour. Le bzou s'impatientait et disait : "Tu fais donc des cordes ? Tu fais donc des cordes ?"
Quand il se rendit compte que personne ne lui répondait, il se jeta à bas du lit et vit que la petite était sauvée. Il la poursuivit, mais il arriva à sa maison juste au moment où elle entrait.
Quel chemin prends-tu ? dit le Bzou, celui des Aiguilles ou celui des Épingles ?"
Savez-vous ce que représentait les épingles ou les aiguilles au moyen-âge ?
C'était les symboles du passage de l’adolescence à la maturité féminine, ces instruments piquants et perforants étaient réservés aux filles en âge de se marier et de procréer. C’est en offrant une douzaine d’épingles à leurs promises que les garçons faisaient leur cour et c’est en lançant des épingles dans une fontaine que les filles se promettaient à leurs amoureux.
Dans cette version Nivernaise, le petit Chaperon rouge choisit donc "le chemin des épingles avec lesquelles on peut s’attifer" au lieu du "chemin des aiguilles avec lesquelles il faut travailler".
L'Ethnologue et sociologue française, Yvonne Verdier nous précise aussi que dans :
Certaines versions, la plupart d’origine orales, font intervenir un épisode absent des versions littéraires retranscrites par Perrault ou par les frères Grimm. Il s’agit du repas cannibalesque au cours duquel le petit Chaperon rouge dévore les restes de sa grand-mère, conservés par le loup dans une "bassie". Un animal la met en garde : " Suivant qu’elle mangeait, il y avait une petite chatte qui disait :"Pue ! Salope ! Qui mange la chair, qui boit le sang de sa Grand"" (conte nivernais)
En absorbant les organes génitaux et sexuels de sa (grand) mère, le petit Chaperon rouge devient une femme et acquiert à son tour le pouvoir de procréer. En faisant disparaître ce repas de leur transcription, les frères Grimm, tout comme Charles Perrault, édulcorent le message du vieux conte populaire en se contentant d’avertir l’enfant des risques qu’elle prend en s’éloignant du droit chemin.
Et pour Marc Soriano, Normalien, agrégé de philosophie, romancier et psychanalyste, professeur de littérature populaire et pour la jeunesse à Bordeaux III et professeur émérite à Paris VII, spécialiste de Charles Perrault ce conte est "une des réussites les plus paradoxales de notre littérature", car il n’en finit pas de nous interroger et de résonner dans l’imaginaire collectif, avec sa structure simple et binaire, l’utilisation de formules répétitives – "tire la chevillette et la bobinette cherra" – et d’expressions pittoresques, reflets d’un passé qui l’était déjà lorsque Perrault l’a transposé. La vogue ne s’est pas éteinte comme le montrent les multiples variantes contemporaines modernisées, du Petit Chaperon bleu marine de Dumas et Moissard au Petit Chaperon vert de Solotareff en passant par les versions de Fmurr ou de Claverie, dans laquelle la mère est marchande de pizza et le loup gérant d’une casse automobile.
Voila, mais je conseille le bouquin, dont je vous livre les dernières phrases :
Les amoureux de la nature, dans le parc du mercantour, n'ont plus qu'a affluer avec l'espoir, une nuit, d'entendre les loups hurler au loin. Un frisson garanti sans danger. Parce que l'histoire du loup pourrait bien finir de façon plus heureuse que prévue....